« Je voulais joindre ma fille. Sa mère la laisse souvent jouer avec son portable… » L’homme répète inlassablement la même version, dans la posture de l’ex-conjoint raisonnable que personne ne veut comprendre. Même quand le tribunal met en avant la fréquence des appels. Même si sa fille est alors censée être couchée. Ce presque quinquagénaire, était poursuivi, ce lundi 23 septembre, pour avoir, à Saint-Emilion, harceler son ex-compagne (avec qui il a vécu presque vingt ans) entre coups de téléphone, SMS et insultes.
Quelque 1 311 appels téléphoniques ont été recensés entre janvier et juin 2024. Et 212 SMS. Un seul est insultant, relève-t-on, des « propos violents ». Mais il aurait demandé à sa fille de lui allumer le téléphone afin d’y accéder et supprimer des messages. Il nie en bloc. Les deux ex-conjoints, séparés dans les faits depuis décembre 2023, ont vécu sous le même toit, dans la maison dont ils sont copropriétaires, jusqu’à début juin. « La cohabitation n’était pas idéale. Mais il n’y avait pas d’engueulade », argue le prévenu.
Épiée sur internet
La victime, elle, pense autrement. Elle qui a fait séparer leurs comptes bancaires après avoir constaté « qu’il siphonnait le compte commun » – « Je dormais avec la carte bleue sous l’oreiller ». Puis, ne supportant plus la situation, elle a pris la décision de quitter le domicile avec ses deux enfants. Une ordonnance de protection a été mise en place pour éviter que le prévenu ne les approche. Une décision prise après qu’il s’est rendu chez un tiers, chez qui était stationné la voiture, pour exiger bruyamment de voir son ex-compagne. Et in fine de rayer ledit véhicule. Il avait fait de même chez son beau-père.
« Je voulais récupérer mon matériel dans le coffre de la voiture », s’entête-t-il, confessant un « pétage de plombs », qu’il tente de minimiser. Un traceur a été retrouvé dans la voiture de la victime. « Il est monté en série pour cette marque de véhicules. Il n’est utilisé qu’en cas de vol », affirme-t-il, argument battu en brèche par la défense. Il dit avoir vu le véhicule tourner, et entrer dans la propriété, pourtant situé à 25 km de son domicile. La victime affirme de son côté qu’il a épié ses mouvements en utilisant la géolocalisation de son téléphone portable. Il nie en bloc.
Dans le déni
« Vous avez deux visages, estime le tribunal. D’un côté sympathique et généreux, l’autre jaloux et suspicieux. » Qui a pris l’initiative de la dissolution du Pacs ? « Tous les deux », avance-t-il, toujours dans le déni. Mais c’est de Madame qu’est venue la procédure. « Elle avait préparé son dossier en avance. Elle voulait que je parte de la maison. » On lui oppose les angoisses de son ex-compagne, les troubles du sommeil, l’hypervigilance, alors même que son téléphone pouvait sonner jusqu’à « 30 fois dans l’heure ». On lui oppose également l’angoisse de ses enfants, la colère de son aînée qui ne veut plus le voir, il campe sur ses positions.
Suivant les réquisitions du ministère public, le tribunal l’a condamné à six mois d’emprisonnement assortis d’un sursis probatoire de deux ans, peine accompagnée d’une obligation de soins psychologiques et d’une interdiction d’entrer en contact avec son ex-compagne, de même que de paraître au domicile familial ou aux abords.