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    Notre régime politique s’enfonce dans une crise profonde posant la question de la valeur démocratique réelle du système représentatif. Le référendum d’initiative citoyenne (RIC) ne la résoudra pas. Il constituera au mieux un marché de dupes et cela quel que soit le type de solutions mis en place, RIC « encadré » ou RIC « inconditionnel ».

     En cas de RIC encadrés le référendum se trouve limité, soit parce qu’il doit porter uniquement sur des sujets prédéfinis sans possibilité d’intervenir en toutes les matières, soit parce qu’il est inféodé à un verrou parlementaire imposant qu’un certain nombre d’élus soutienne la demande, soit parce que le projet de texte proposé se trouve soumis à un contrôle préalable de constitutionalité. La restriction des thèmes ou l’instauration d’un verrou parlementaire constituent des dispositifs évidents de censure. Ils auront très certainement pour résultat de réduire le RIC à un simple gadget. Ce n’est en effet pas en autorisant simplement des référendums sur la couleur des réverbères, donnant le choix entre « vert foncé » et « vert pas clair », que se résoudra notre problème de démocratie.

    Mais la mise en place d’un contrôle de constitutionalité soulève aussi de graves difficultés.

     Tout d’abord le référendum constitue l’acte juridique suprême qui fonde l’ensemble de notre ordre légal, y compris l’ordre constitutionnel. Nous disposons déjà aujourd’hui de la capacité de modifier directement la constitution par le référendum d’initiative présidentielle. Ce référendum constitutionnel échappe par nature au pouvoir de censure du juge constitutionnel, puisqu’il a justement pour objet d’amender la constitution. Soumettre le RIC au contrôle de constitutionnalité reviendrait donc à créer un sous-référendum réservé aux seules demandes des citoyens, quand le référendum souverain, à porter constituante, resterait uniquement aux mains du pouvoir en place.

     Ensuite le contrôle de constitutionnalité porte le risque majeur de consister, malgré les apparences, en un contrôle politique. Le juge constitutionnel ne vérifie en effet pas simplement la conformité d’un texte aux règles de fonctionnement de la constitution. Il dispose aussi de la capacité d’écarter un projet s’il l’estime portant atteinte aux grands principes et droits fondamentaux garantis par la constitution, notamment ceux figurant dans son préambule. Il s’agit là d’un très important pouvoir d’interprétation, sans recours, qui permettra au conseil constitutionnel de rejeter facilement les demandes de RIC ne lui convenant pas.

    L’instauration de RIC encadrés, peu important leur forme, constitue par conséquent largement une illusion démocratique.

     Il reste alors l’option du RIC inconditionnel, pouvant se dérouler en toute matière, sans verrou législatif ni constitutionnel, dès l’instant où un nombre suffisant de citoyens le réclame.

     Pour s’opposer à un tel de RIC, certains poussent le raisonnement jusqu’à l’absurde. Ainsi, par un RIC inconditionnel, il pourrait être interdit l’homosexualité, l’islam, le droit d’asile … . Cette critique du RIC repose sur l’idée que les électeurs, livrés à eux-mêmes, sombreraient dans le grand n’importe quoi. Cependant, la menace mise ici en avant pour s’opposer au RIC ne se réduit pas au cas spécifique du référendum. Il apparait en effet difficile de comprendre pourquoi des électeurs se montreraient par exemple prêts à rétablir la peine de mort par voie référendaire, mais non pas à voter pour des députés ayant comme programme de restaurer l’exécution capitale. La création du RIC ne peut donc pas être rejetée au seul motif qu’elle exposerait notre société à un danger particulier de délire législatif des masses citoyennes.

     Les véritables difficultés que pose le RIC s’avèrent en réalité beaucoup plus insidieuses.

     Prenons l’exemple de l’équité fiscale. Il est admis qu’une fiscalité juste doive taxer plus ceux qui gagnent plus. Aussi, nous considérons comme normal qu’une personne percevant un revenu mensuel de 2000 euros s’acquitte d’un impôt inférieur à une autre dont le revenu mensuel s’élève à 2500 euros. Mais le problème de ce comparatif de richesse est qu’il se mesure avant impôt et avant aides publiques. Or, une fois retiré l’impôt payé par chacun et une fois ajoutées les aides reçues, il se peut tout à fait que celui qui dispose au départ d’un revenu plus haut finisse, toutes choses égales par ailleurs, avec une somme nette disponible inférieure à l’autre.

     Le sujet de la justice fiscale, ou celui de la justice sociale, sont d’abord des questions de définition et d’idéologie. L’adoption d’une loi en ces matières, comme en beaucoup d’autres, nécessite un débat complexe et la recherche d’équilibres entre des intérêts multiples, parfois contradictoires, mais qui possèdent tous leur légitimité.

     Or le recours au referendum impose une réponse binaire, par « oui » ou par « non », ne permettant pas l’amendement, ni l’établissement de compromis. De plus, le référendum segmente arbitrairement les problématiques. Nous votons successivement sur diverses questions, comme s’il s’agissait de sujets indépendants, alors que très souvent ils sont liés et nécessitent une approche globale. Certes, l’incohérence des textes existe aussi en régime parlementaire. Mais cette difficulté s’avère encore accrue en régime référendaire.

     Enfin et surtout, le recours au RIC ne protège absolument pas des risques de démagogie, de clientélisme, de corporatisme et d’abus de pouvoirs. L’initiative du RIC, par voie de pétition citoyenne, appartiendra aux minorités actives organisées. La formulation de la question sera par nature orientée, piégeant le débat dans une alternative artificiellement construite. La campagne électorale référendaire sera elle aussi soumise à toutes les propagandes, aux manipulations de l’opinion publique et aux mensonges. Les défauts majeurs de notre régime actuel se retrouveront donc en bloc dans le RIC, sans être réglés. Le RIC ne solutionnera alors rien d’essentiel. Il aggravera même certains des problèmes.

     Le rétablissement de la démocratie suppose, plutôt qu’un RIC illusoire, de réformer en profondeur le système en place. Il faudrait radicalement simplifier les méthodes de gouvernement, afin de libérer le pouvoir politique de la tutelle écrasante des administrations, et lutter efficacement contre le phénomène de caste politicienne, ce qui impose de mettre un terme à ses privilèges indus et autres sinécures.

     Olivier Barrat

    oliv.barrat@gmail.com

     


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    Le 27 janvier 2019, Jean-Luc Mélenchon était l'invité de Dimanche politique. Il a parlé de la mobilisation des gilets jaunes et de la répression policière qui s'abat sur le mouvement par ordre de Castaner ; il a rappelé la proposition de la France insoumise d'interdire les grenades GLI-F4 et les flash-ball qui mutilent les manifestants. Jean-Luc Mélenchon a aussi appelé à la convocation d'une Assemblée constituante et a déclaré que la 5e République était « un facteur de crise ». Concernant le « grand débat », il a déclaré qu'il s'agissait d'une « mascarade » et a appelé à trancher les questions démocratiques, sociales et écologiques par les urnes. Parmi les autres sujets évoqués dans cette émission : la crise au Venezuela et la signature du traité d'Aix-La-Chapelle par Emmanuel Macron et Angela Merkel.