Déjà sensible aux beaux jours – la Ville de Bordeaux a engagé un recours contre l’État en octobre pour qu’il « assume ses obligations » – la question de l’hébergement d’urgence se crispe toujours d’un cran l’hiver venu. En première ligne, la préfecture. La mise à l’abri des personnes à la rue est de sa compétence, certains acteurs associatifs lui reprochant régulièrement de ne pas faire assez, déplorant que les appels au 115 ne soient pas suivis d’effet.
En anticipation des polémiques saisonnières, le préfet Étienne Guyot présentait ce mercredi 29 novembre les moyens supplémentaires débloqués par l’État à l’entrée de la période hivernale. Un exposé qu’il a souhaité mettre en perspective dans le temps : « Depuis 2018, le soutien au secteur caritatif a été multiplié par presque dix, passant de 99 000 à 935 000 euros ». Mais aussi dans sa globalité, en montrant comment l’État soutient différents dispositifs menant « de la rue au logement pérenne », ce qui permet de désengorger les structures d’accueil d’urgence.
« Depuis 2018, le soutien au secteur caritatif a été multiplié par presque dix »
« En cinq ans, les crédits de l’État pour l’hébergement d’urgence sont passés de 24,9 à 37,2 millions d‘euros », a aussi rappelé Étienne Guyot. Cela se traduit par 132 places de plus « à l’année, hors hôtels » entre 2019 et 2023, pour arriver à un total de 1 766 places, plus 200 places en hôtel.
Pour la période hivernale, le préfet annonce l’ouverture de 194 places supplémentaires, dont 153 dans la métropole bordelaise, 22 autour du bassin d’Arcachon et 13 en Libournais. Avec une nouveauté qui promet de frapper les esprits : « Une centaine de places va être très prochainement mise à disposition dans les cabines d’un bateau de croisière [fluviale] reconverti, qui sera amarré au bassin à flot numéro 1 ». Le Diaconat « pilotera » ce navire hôtel de 77 mètres, avec couchages, salles de bains et toilettes à bord.
Les cabines subissent des travaux pour accueillir des sans-abri.
Jusqu’en mars
« Ce dispositif sera maintenu jusqu’à mars, on réfléchit à ce qu’il pourrait devenir ensuite. » Retour aux Pays-Bas, où le paquebot avait accueilli des réfugiés ukrainiens ? La préfecture pourrait avoir d’autres projets, pourquoi pas l’accueil de travailleurs saisonniers – parmi lesquels de nombreux sans-abri.
« En 2022, 1 787 personnes sans abri ont pu accéder directement au logement social »
Cet hiver, 100 places supplémentaires seront aussi ouvertes en hôtels. Mais outre l’accueil en urgence dans divers lieux gérés par des associations agréées et pilotées par le Service intégré d’accueil et d’orientation, le préfet a souhaité mettre l’accent sur les efforts de l’État pour désengorger ces structures. En amont, avec des équipes mobiles de prévention des expulsions. Ou en rappelant que « les personnes en situation irrégulière, si l’hébergement d’urgence est inconditionnel, n’ont pas vocation à rester en France ». Et en aval, avec des politiques comme « le logement d’abord ».
« Depuis 2022, nous avons ouvert 288 places en logement adapté, dont 210 en intermédiation locative et 170 en pensions familiales. Pour 2024-2025, nous ambitionnons de proposer 1 000 places supplémentaires », indique Étienne Guyot. « En 2022, 1 787 personnes sans abri ont ainsi pu accéder directement au logement social. » Ce total devrait être dépassé en 2023.
Le navire de 77 mètres restera à Bordeaux jusqu’en mars.
Et le préfet de conclure : « Les retours des associations, nous en tenons compte. Je ne dis pas que toutes les demandes seront épuisées. Mais que nous allons dans le bon sens en fonction des moyens disponibles. »