• La laïcité, pierre angulaire du pacte républicain, repose sur trois valeurs indissociables :

    Laicite

     

    « La laïcité, pierre angulaire du pacte républicain, repose sur trois valeurs indissociables : liberté de conscience, égalité en droit des options spirituelles et religieuses, neutralité du pouvoir politique. La liberté de conscience permet à chaque citoyen de choisir sa vie spirituelle ou religieuse. L’égalité en droit prohibe toute discrimination ou contrainte et l’État ne privilégie aucune option. Enfin, le pouvoir politique reconnaît ses limites en s’abstenant de toute immixtion dans le domaine spirituel ou religieux. La laïcité traduit ainsi une conception du bien commun. Pour que chaque citoyen puisse se reconnaître dans la République, elle soustrait le pouvoir politique à l’influence dominante de toute option spirituelle ou religieuse, afin de pouvoir vivre ensemble. » (Introduction du Rapport Stasi remis le 11 décembre 2003).

    Il y a quinze ans, le 11 décembre 2003, l’ancien ministre Bernard Stasi, alors Médiateur de la République (nommé du 2 avril 1998 au 13 avril 2004), a remis le rapport de la Commission sur la laïcité qu’il a présidée depuis le 3 juillet 2003 au Président de la République Jacques Chirac. Ses conclusions proposaient enfin une réponse à une question qui se posait depuis quinze ans : le voile islamique à l’école de la République était-il admissible ?

    La première fois que le problème s’est posé a été relatée par la journaliste Ghislaine Oppenheimer dans "Le Quotidien de Paris" du 13 juin 1989 : dans une école à Épinal, la directrice a demandé à une fillette qui suait d’ôter son foulard et celle-ci refusa. Mais la première affaire très médiatisée fut lorsque trois adolescentes ont arrêté d’aller dans un collège de Creil le 18 septembre 1989 à la demande du principal qui avait écrit à leurs parents que le port du foulard était incompatible avec le fonctionnement de son établissement (ce principal, Ernest Chénière, fut élu par la suite député RPR de l’Oise de mars 1993 à avril 1997).

    Ce débat était très franco-français car dans d’autres pays comparables, il n’a jamais été choquant de montrer des signes extérieurs de sa religion, même à l’école. En France, dont le fond est double, soit d’une profonde foi, soit d’un profond anticléricalisme, clivage qui, pendant une période de l’histoire (jusqu’au pape Léon XIII), s’est confondu avec le clivage entre monarchistes et républicains, les polémiques sont souvent basées sur des symboles, et le voile islamique était un symbole fort d’une religion qui n’était pas prise en compte dans les débats sur la laïcité du début du XXe siècle.

    Car c’est bien cela qu’il faut noter : ce débat inextricable sur la laïcité, dont le dernier rebondissement (à l’époque) fut la "guerre scolaire" de 1984, stoppée nette (heureusement) par l’abandon, le 12 juillet 1984 par François Mitterrand, de la réforme Savary qui prévoyait d’intégrer toutes les écoles "libres" (privées, principalement catholiques) dans un "système unique laïque de l’éducation nationale", est un sujet ultrasensible pour les Français.

    La fin des années 1980 fut marquée par ces nouvelles polémiques sur la laïcité où le christianisme, à part les archéo-anticléricaux qui ont dû être élevés et traumatisés dans des écoles catholiques, n’avait plus beaucoup d’importance (en bien ou en mal) en raison de la déchristianisation massive de la société, mais où l’islam prenait le relais dans l’objet de contestation et de peurs. Pourquoi ? Parce qu’il y a de plus en plus de musulmans en France depuis les années 1970. C’est pourquoi d’ailleurs beaucoup de "catholiques" se sont mis à devenir de "fervents laïques" pour circonscrire l’influence sociale de l’islam.

    Au départ, donc une crise d’adolescence. Une adolescente, probablement pour contrarier ses parents, a voulu porter le voile à l’école. Or, ce qui n’était qu’un banal fait divers dans le domaine de l’éducation parentale est devenu un symbole général pour la République. Excessif écho aidé des médias. Les deux positions étaient admissibles : celle de préserver la neutralité de l’espace public des mineurs (encore influençables), et celle de préserver la liberté de se vêtir, ou encore la liberté de manifester sa religion, plus généralement, la liberté tout court. Mais au-delà du sujet religieux, d’autres sujets s’y greffaient, celui de la mode commerciale, et plus encore, celui du respect de la femme devenue simple objet sexuel avec le voile islamique.

    On voit bien que porter une kippa, porter une petite croix à la boutonnière, n’avait encore jamais provoqué de polémique, au contraire du voile islamique. Or, à partir du moment où l’on voulait empêcher le port de ce voile, la question se posait pour les autres signes religieux, dans la mesure où une loi de la République ne pouvait pas stigmatiser une seule religion. Les règles doivent être générales.

    Le Ministre de l’Éducation nationale de l’époque était Lionel Jospin et comme il était d’une très grande audace et d’un courage politique exceptionnel, il a botté en touche en passant le bébé au Conseil d’État qui, lui, a rétorqué qu’il ne pouvait rien dire et que c’était au politique de prendre ses responsabilités, en particulier, au législateur. Pendant quinze ans, la polémique s’est enflée. Quinze ans, c’était à peu près l’âge de la première adolescente en question. Bien sûr, à cause de cette médiatisation, elle fut suivie par de nombreuses camarades, soit pour s’opposer aux parents, soit au contraire, par l’influence des parents pour s’opposer à la République, ou affirmer leur identité religieuse.

    Bref, dans sa grande sagesse, Jacques Chirac a souhaité en finir avec ce problème et ces discussions sans fin et a confié le 3 juillet 2003 à Bernard Stasi, un grand ami politique qu’il a connu tant à l’IEP de Paris qu’à l’ENA, qu’il avait nommé Médiateur de la République (fonction qui a évolué en Défenseur des droits, actuellement Jacques Toubon), la mission de « mener la réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République » et surtout, d’apporter des solutions concrètes « susceptibles de favoriser une mise en œuvre apaisée du principe de laïcité ».

    Une petite parenthèse pour rappeler qui est Bernard Stasi (1930-2011), une grande figure du centrisme en France que je considère comme l’un des responsables politiques qui a sauvé l’honneur de la classe politique dans les années 1980 (avec Simone Veil). Il n’a pas eu la carrière politique qu’il aurait méritée, par ses compétences intellectuelles et ses talents politiques. Maire d’Épernay, député, président du conseil régional de Champagne-Ardenne (il marqua beaucoup cette région), il n’a eu qu’une petite responsabilité ministérielle sous le mandat présidentiel de Georges Pompidou. Détesté par le Président Valéry Giscard d’Estaing, candidat malheureux en 1982 à la présidence du parti centriste (le CDS) face à Pierre Méhaignerie, refusant de trahir les siens avec un ministère dans le gouvernement de son ami Michel Rocard, il fut surtout une conscience morale avant d’être un acteur national de la vie politique française.

    La lettre de mission de Jacques Chirac à Bernard Stasi était claire : « Cette réflexion doit partir de la réalité de la société française, de sa diversité et de ses attentes. Elle devra donner lieu à la consultation publique de représentants de toutes les sensibilités politiques, philosophiques, religieuses et sociales, en se gardant des préjugés ou des amalgames qui obscurcissent trop souvent le débat dans ce domaine. ».

    Mission quasiment impossible avec cet impératif : « La Commission travaillera en s’attachant à donner le sens le plus concret aux exigences qu’implique le principe de laïcité : la neutralité du service public, le respect du pluralisme, la liberté religieuse, la liberté d’expression, mais aussi le renforcement de la cohésion et de la fraternité entre les citoyens, l’égalité des chances, le refus des discriminations, l’égalité entre les sexes et la dignité de la femme. ».

    La Commission présidée par Bernard Stasi fut composée de vingt membres, dont Régis Debray, Michel Delebarre, Nicole Guedj, Gilles Kepel, Marceau Long, Nelly Olin, René Rémond, Raymond Soubie, Alain Touraine et Patrick Weil. Pour l’anecdote, l’un de ses rapporteurs fut …Laurent Wauquiez, jeune énarque.

    Dans son rapport remis le 11 décembre 2003 à Jacques Chirac (qu’on peut télécharger ici), Bernard Stasi a rappelé l’élément fédérateur et sa genèse historique au début du XXe siècle : « Deux modèles de laïcité s’opposent. L’un, combatif, anticlérical, est défendu par Émile Combes ; l’autre prône la séparation mutuelle de l’État et des religions dans le respect de toutes les options spirituelles. Ce dernier modèle, plus libéral et tolérant, porté notamment par Aristide Briand, Jules Ferry et Jean Jaurès, l’emporte. La laïcité s’enracine alors dans nos institutions avec la grande loi républicaine du 9 décembre 1905 qui sépare les Églises de l’État. Le style en est remarquablement concis (…). La dissociation de la citoyenneté et de l’appartenance religieuse ; la religion perd sa fonction d’instance de socialisation officielle ; enfin, la France cesse de se définir comme nation catholique tout en renonçant au projet d’une religion civile républicaine. Cette séparation est douloureusement ressentie par beaucoup de Français et suscite de nouveaux conflits. Après l’épreuve partagée de la Première Guerre mondiale, la paix religieuse est rétablie avec l’accord de 1924 entre le Saint-Siège et le gouvernement français. ».

    Même si, des médias, « [la Commission a] parfois regretté la polarisation excessive, et parfois exclusive, sur le foulard islamique », elle en est venue à ce sujet dans son étude : « La question de la laïcité est réapparue en 1989 là où elle est née au XIXe siècle : à l’école. Sa mission essentielle dans la République. Elle transmet les connaissances, forme à l’esprit critique, assure l’autonomie, l’ouverture à la diversité des cultures, et l’épanouissement de la personne, la formation des citoyens autant qu’un avenir professionnel. Elle prépare ainsi les citoyens de demain amenés à vivre ensemble au sein de la République. ».

    Au cours de vingt-cinq auditions, pour la plupart publiques et retransmises en direct par une chaîne de télévision, la Commission Stasi a donc écouté les différents points de vue. Elle a écouté en particulier : François Hollande, Jean Glavany, François FillonLuc FerryXavier Darcos, Aziz Sahiri, Dalil Boubakeur, Marie-George Buffet, Mgr Jean-Marie Lustiger, Jean Kahn, Jean-Louis Borloo, Michel Tubiana, François BayrouNicolas Sarkozy, Fouad Alaoui, Fadela Amara, Gilles Lemaire, Jean-Pierre Kahane, Françoise Gaspard, Jean-Paul Costa, Pierre Cardo, Patrick Gonthier, Gérard Aschieri, Dominique Sopo, Mgr Jean-Pierre Ricard, père Stanislas Lalanne, Jean-François Lamour, Alain Juppé, Bruno Gollnisch, Jacques Voisin, Sophie de Menthon, François Pupponi, Patrick Gaubert, Pierre Mauroy, Dominique Perben, François Chérèque, Nicole Ameline, Gisèle Halimi, Joseph Sitruk, Yamina Benguigui, Nourdine Cherkaoui, Arlette Fructus, Élisabeth Roudinesco, Gérard Benhamou, Georges Sarre, Jean-Michel Baylet, Christian Pierret, Yves Bertrand, Fodé Sylla, etc.

    Les responsables religieux et les dirigeants d’associations de défense des droits de l’homme ont très largement exprimé leur préférence de ne pas légiférer sur le sujet, craignant une stigmatisation des musulmans, un encouragement à la déscolarisation et une détérioration de l’image internationale d’une France liberticide.

    À l’opposé, quasiment tous les praticiens de l’éducation nationale, chefs d’établissements et enseignants, ont réclamé une loi pour en finir avec ce problème récurrent. De même que certains intervenants d’associations locales qui faisaient état des pressions familiales sur les jeunes filles pour porter le voile islamique.

    La conclusion a été qu’il fallait légiférer : « La Commission, après avoir entendu les positions des uns et des autres, estime qu’aujourd’hui, la question n’est plus la liberté de conscience, mais l’ordre public. Le contexte a changé en quelques années. Les tensions et les affrontements dans les établissements autour de questions religieuses sont devenus trop fréquents. (…) C’est pourquoi la Commission propose d’insérer dans un texte de loi portant sur la laïcité la disposition suivante : "Dans le respect de la liberté de conscience et du caractère propre des établissements privés sous contrat, sont interdits dans les écoles, collèges et lycées les tenues et signes manifestant une appartenance religieuse ou politique. Toute sanction est proportionnée et prise après que l’élève a été invité à se conformer à ses obligations". ».

    Et d’ajouter : « Cette disposition serait inséparable de l’exposé des motifs suivant : "Les tenues et signes religieux interdits sont les signes ostensibles, tels que grande croix, voile ou kippa. Ne sont pas regardés comme des signes manifestant une appartenance religieuse les signes discrets que sont par exemple médailles, petites croix, étoiles de David, mains de Fatimah, ou petit Coran". ».

    Le rapport précise : « Cette proposition a été adoptée par la Commission à l’unanimité des présents moins une abstention. (…) Il ne s’agit pas de poser un interdit mais de fixer une règle de vie en commun. ». Il faut insister ici sur le caractère novateur de cette mission d’étude. Elle a permis une prise de conscience en formalisant tant les problèmes que les solutions par cette large concertation nationale.

    Bernard Stasi lui-même a reconnu qu’au début des travaux de sa Commission, il était plutôt partisan de ne pas légiférer, croyant que le problème le plus important était de ne pas stigmatiser une religion. À l’écoute des différents témoignages des acteurs éducatifs, il a compris, comme les autres membres de la Commission, que la situation était explosive et que, même si ce n’était pas satisfaisant d’un point de vue intellectuel, il y avait urgence d’une loi pour apaiser la situation. Il a aussi compris qu’il y avait des groupes islamistes qui voulaient tester les capacités de résistance de la République et qu’il fallait montrer très fermement que la République devait maintenir ses principes, non seulement de laïcité, mais aussi d’égalité entre les hommes et les femmes.

    Parallèlement : « La Commission considère qu’il n’est pas admissible que des élèves se soustraient l’obligation d’assiduité, refusent d’assister à certains cours, d’étudier des auteurs du programme ou d’être interrogés par un professeur de sexe opposé. Des élèves ne peuvent être systématiquement dispensés d’aller en cours un jour donné. ».

    Cela ne signifiait pas qu’il ne fallait pas respecter les religions. Dans ses conclusions, la Commission a ainsi proposé : « Inviter les administrations à prévoir des mets de substitution dans les cantines publiques. ».

    La Commission a aussi fait une grande différence entre la situation à l’école (école, collège et lycée) et celle à l’université : « Y étudient des personnes majeures. L’université doit être ouverte sur le monde. Il n’est donc pas question d’empêcher que les étudiants puissent y exprimer leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques. En revanche, ces manifestations ne doivent pas conduire à transgresser les règles d’organisation de l’institution universitaire. Il n’est pas admissible que des enseignants soient récusés en fonction de leur sexe ou de leur religion supposée, ou que des enseignements soient entravés par principe. ».

    De même, à l’hôpital, la manifestation de sa religion ne doit pas être interdite mais la patient « ne peut, par son comportement, remettre en cause le fonctionnement du service. Refuser de se faire soigner par un médecin de l’autre sexe, ou de respecter les règles d’hygiène et de santé publique, n’est pas acceptable. ». La Commission a ainsi proposé de compléter la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 sur les nouveaux droits des patients (préfigurant la loi Leonetti du 22 avril 2005) : « Seraient précisés le respect des obligations sanitaires, des règles indispensables au bon fonctionnement du service public, et l’interdiction de récuser un agent. ».

    Quant aux prisons, espaces où la liberté de culte est protégée : « La Commission, inquiète des pressions, voire des actes de prosélytisme, tant vis-à-vis des détenus que de leurs familles, considère qu’il est essentiel que les espaces collectifs soient préservés de toute appropriation communautaire. ».

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    Quelques jours après la remise de ce rapport, le Président Jacques Chirac a prononcé un important discours sur la laïcité le 17 décembre 2003 à l’Élysée (dont on peut lire le texte intégral ici) en définissant ainsi la laïcité : « La laïcité garantit la liberté de conscience. Elle protège la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle assure à chacun la possibilité d’exprimer et de pratiquer sa foi, paisiblement, librement, sans la menace de se voir imposer d’autres convictions ou d’autres croyances. Elle permet à des femmes et à des hommes venus de tous les horizons, de toutes les cultures, d’être protégés dans leurs croyances par la République et ses institutions. Ouverte et généreuse, elle est le lieu privilégié de la rencontre et de l’échange où chacun se retrouve pour apporter le meilleur à la communauté nationale. C’est la neutralité de l’espace public qui permet la coexistence harmonieuse des différentes religions. (…) [La liberté religieuse] ne saurait remettre en cause la règle commune. Elle ne saurait porter attente à la liberté de conviction des autres. C’est cet équilibre subtil, précieux et fragile, construit patiemment depuis es décennie, qu’assure le respect du principe de laïcité. (…) C’est pourquoi il n’est pas négociable ! ».

    Il a ainsi annoncé sa décision de légiférer sur le voile à l’école : « Regardons ce qui se passe ailleurs. Les sociétés structurées autour de communautés sont bien souvent la proie d’inégalités inacceptables. Le communautarisme ne saurait être le choix de la France. Il serait contraire à notre histoire, à nos traditions, à notre culture. Il serait contraire à nos principes humanistes, à notre foi dans la promotion sociale par la seule force du talent et du mérite, à notre attachement aux valeurs d’égalité et de fraternité entre tous les Français. C’est pourquoi je refuse d’engager la France dans cette direction. Elle y sacrifierait son héritage. Elle y compromettrait son avenir. Elle y perdrait son âme. C’est pourquoi aussi, nous avons l’ardente obligation d’agir. Ce n’est ni dans l’immobilisme, ni dans la nostalgie, que nous retrouverons une nouvelle communauté de destin. C’est dans la lucidité, dans l’imagination et dans la fidélité à ce que nous sommes. (…) On ne saurait tolérer que, sous couvert de liberté religieuse, on conteste les lois et les principes de la République. La laïcité est l’une des grandes conquêtes de la République. Elle est un élément crucial de la paix sociale et de la cohésion nationale. Nous ne pouvons la laisser s’affaiblir. Nous devons travailler à la consolider. ».

    Et de préciser : « En conscience, j’estime que le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l’appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles, les collèges et les lycées publics. Les signes discrets (…) resteront naturellement possibles. En revanche, les signes ostensibles, c’est-à-dire ceux dont le port conduit à se faire remarquer et reconnaître immédiatement à travers son appartenance religieuse, ne sauraient être admis. (…) Pour cela, une loi est évidemment nécessaire. Je souhaite qu’elle soit adoptée par le Parlement et qu’elle soit pleinement mise en œuvre dès la rentrée prochaine. ».

    La Commission Stasi a donc convaincu et fut donc suivie par la classe politique dans sa principale proposition d’interdiction du port ostensible de signes religieux à l’école, avec l’adoption de la loi n°2004-228 du 15 mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques. Elle fut adoptée par l’Assemblée Nationale le10 février 2004 avec une très large majorité de 494 voix pour (330 UMP, 140 PS, 13 UDF, 7 PCF, 4 NI), 36 contre (12 UMP, 2 PS, 4 UDF, 14 PCF, 4 NI) et 31 abstentions (17 UMP, 12 UDF, 2 NI), et par le Sénat le 3 mars 2004. Il faut noter qu’ont voté contre cette loi notamment Christiane Taubira et Philippe de Villiers.

    Cette loi, mise en application pour la rentrée scolaire de septembre 2004, fut complétée par la circulaire du 18 mai 2004 et par la décision du Conseil d’État du 5 décembre 2007 qui a confirmé que l’interdiction concernait également le port du sous-turban sikh, tout en réaffirmant l’autorisation du port de signes religieux discrets.

    Plus tard, pour répondre aux inquiétudes sur le nombre grandissant de femmes portant la burqa (2 000 femmes l’auraient portée en 2009 selon "Le Monde" du 2 septembre 2013), fut adoptée la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, entrée en vigueur le 11 avril 2011, qui, par son expression, a évité la stigmatisation de l’islam : « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. ».

    Avec des exceptions : « [Cette interdiction] ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles. » (notamment le port du casque pour les motards, d’un masque pour les soudeurs, etc.).

    Le bilan de l’application de cette dernière loi a été publié par le Ministère de l’Intérieur qui a indiqué que 1 830 verbalisations ont été faites entre 2011 et 2017. Cependant, cette loi fut facilement contournée par des associations proches des musulmans qui se sont engagées à payer les amendes tout en encourageant à garder la burqa.

    Mais revenons à la loi du 15 mars 2004. En menant les travaux de sa Commission de la manière consensuelle, permettant à toutes les positions d’être écoutées et prises en compte, Bernard Stasi a réussi à apaiser une situation qui était pourtant très difficile, mais il a permis à l’ensemble de la société d’évoluer dans la mise en pratique du principe de laïcité dans des situations qui n’étaient pas imaginables en 1905. Cette concertation nationale a été un modèle et une méthode de transformation de la société française. Et ce fut probablement le plus grand résultat politique de la carrière de Bernard Stasi, qu’il en soit encore remercié ici, quinze années plus tard !

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