• "Les catholiques correspondent à la sociologie du macronisme"

     

     

     

    "Les catholiques correspondent à la sociologie du macronisme"

     
    Yann Raison du Cleuziou revient sur les raisons de l'effondrement des Républicains (LR) lors des dernières élections européennes.

    La liste conduite par le philosophe François-Xavier Bellamy n'a réuni que 8% des électeurs lors des élections européennes. Pire, alors que l'intellectuel conservateur avait tout pour plaire aux catholiques, il est battu par Emmanuel Macron dans cette catégorie de la population. Serait-ce la mort du libéral-conservatisme ? Yann Raison du Cleuziou, auteur entre autres d'Une contre-révolution catholique (Seuil) nous explique cet échec.

    Propos recueillis par Kévin Boucaud-Victoire

    Ce qui me semble majeur aujourd’hui dans les clivages qui traversent la société française, c’est un retour des classes sociales et de la question économique.

     

     Marianne : La liste conduite par Bellamy a réalisé un score historiquement faible. Comment expliquer ce score ? 

    Yann Raison du Cleuziou : Ce score m’apparaît dans la continuité de la défaite de François Fillon. Le Penelope gate a abouti à un discrédit durable de LR et surtout un décrochage des catégories rurales et populaires, qui constituaient une des bases de l’électorat de LR. Par exemple, dans la Sarthe, bastion de François Fillon, il n’y a plus que quelques communes où LR arrive en tête. Et à Sablé-sur-Sarthe et partout dans les campagnes sarthoises, le Rassemblement national est en tête. Laurent Wauquiez a tenté de pallier au discrédit de LR, avec un positionnement catholique conservateur et en mettant Bellamy en avant. Sauf que l’électorat catholique conservateur ne peut pas remplacer l’électorat populaire de LR, qui a disparu. Ce n’est pas grand-chose. Ce sont des militants qui peuvent éventuellement faire vivre une petite structure partisane comme le Parti-Chrétien Démocrate ou Sens Commun, mais ils sont trop peu nombreux électoralement pour donner la victoire à un parti à l’échelle nationale. Prenons le score de Christine Boutin en 2002, lorsqu’elle se présente à la présidentielle, elle fait 340 000 voix.

    En plus, les quelques conservateurs sont eux-mêmes divisés. Bellamy, comme Sens commun avant lui, n’a jamais fait l’unanimité. Ils étaient très critiqués au sein même de la Manif pour tous pour leur stratégie de ralliement à LR, considérée comme une trahison. Lors de l’élection législative à Versailles de 2017, Bellamy a face à lui un autre candidat de la droite conservatrice, François Billot de Lochner. La stratégie de Laurent Wauquiez a été perçue par bien des catholiques conservateurs comme un détournement de leur combat au profit d’un vieux parti et de ses apparatchiks.

    Il n’y a pas que des catégories populaires qui ont quitté LR. L’ouest parisien, par exemple, très bourgeois a basculé vers La République en Marche (LREM)…

    Je pense que les enjeux électoraux ne se posent jamais en ces termes. Il y a un regain d’intérêt pour le conservatisme, dans la sphère intellectuelle. Il y a un mouvement éditorial autour de quelques auteurs, mais cela reste déconnecté de ce que vit la société française. C’est une bulle médiatique et intellectuelle. Je doute que les électeurs se positionnent sur l’axe libéralisme contre conservatisme. En revanche, ce qui me semble majeur aujourd’hui dans les clivages qui traversent la société française, c’est un retour des classes sociales et de la question économique. Dans l’univers catholique, un déterminant en faveur de Macron ou du RN, c’est le positionnement social et économique.

    Si une grande partie des catholiques pratiquants ont voté pour le président, c’est parce que dans leur sociologie, ils correspondent à ce qu’est la sociologie du macronisme. Ils appartiennent aux classes supérieures. Ils sont plutôt urbains. Ce sont des gagnants du libéralisme économique et par conséquents ils correspondent très bien à l’électorat de Macron, sauf sur les questions sociétales. En face, le vote en faveur du RN, ce sont des gens en paupérisation sociale, qui ont la hantise du déclassement. Voilà pourquoi ils sont à la fois plus antilibéraux et plus identitaires. Ce qui fait la variable discriminante entre ces deux votes, c’est souvent la position sociale.

    La droite devra-elle choisir entre le conservatisme et le libéralisme ?

    Pour moi, il y a une illusion dans l’environnement catholique. Les catholiques conservateurs se considèrent comme l’expression de la France profonde. Le problème, c’est qu’ils ont en tête une image de la société française qui a trente ans de retard. Ils pensent que les questions sociétales priment dans la société française, comme elles priment pour eux. Sauf que ces questions qui sont constitutives de leur conservatisme, priment pour eux parce qu’ils ne sont pas victimes du libéralisme économique. Voilà pourquoi leur critique du système peut se focaliser sur les sujets sociétaux. Mais ceux-ci sont secondaires pour ceux qui sont victimes de la précarisation économique et sociale qu’ils vivent au quotidien. Le conservatisme en tant que tel est socialement situé et est en déconnexion avec une partie des aspirations sociales.

    Si la majeure partie des catholiques ont voté pour le président, c’est parce que dans leur sociologie, ils correspondent à ce qu’est la sociologie du macronisme. Ils appartiennent aux classes supérieures. Ils sont plutôt urbains. Ce sont des gagnants du libéralisme économique et par conséquents ils correspondent très bien à l’électorat de Macron, sauf sur les questions sociétales. En face, le vote en faveur du RN, ce sont des gens en paupérisation sociale, qui ont la hantise du déclassement. Ils vivent dans des environnements urbains où ils sont confrontés à l’immigration. Voilà pourquoi ils sont à la fois plus antilibéraux et plus identitaires. Ce qui fait la variable discriminante entre ces deux votes, c’est la position sociale.

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