• Depuis 2 ans, nous vivons une avalanche de chiffres. Tous ceux qui travaillent dans le domaine des statistiques connaissent des difficultés énormes pour rassembler des données afin de les étudier. Nous avons tous découvert en 2020 que tout l’attirail nécessaire à la récolte et à la consolidation des données était déjà là pour répondre au besoin de communication autour de l’état d’urgence sanitaire. Ce que nous allons voir dans cet article, c’est que différentes lois se sont succédées depuis les années 80 pour informatiser l’hôpital public de façon à permettre aux décideurs (notamment des politiques financés par des banques et des laboratoires pharmaceutiques) de prendre le contrôle sur le soin. La mise en place de la tarification à l’acte en a été le point final. Cette informatisation a permis à ceux qui écrivent les nomenclatures, notamment l’OMS, de contrôler entièrement les statistiques. Derrière il est très facile de faire peur aux gens et de vendre les solutions aux problèmes qu’ils mettent sur le devant de la scène, grâce à ces statistiques.

     

    Lien vers la vidéo : https://youtu.be/G7Mh136bOSs

     

    La prise de contrôle de l’hôpital

    La tarification à l’activité a été mise en place en France en 2007 par un certain Jean Castex. Il faut bien comprendre que ce changement est une complète révolution sur la manière d’envisager la santé. Les hôpitaux parlent désormais de “rentabilité”. On est passé à l’époque d’un hôpital qui est présent sur un territoire pour subvenir aux besoins potentiels d’une population à un hôpital qui doit “vendre” des services “rentables” pour récupérer de l’argent. On dit que l’hôpital passe d’une logique de “moyens” à une logique de “résultats”. Cependant il faut comprendre le terme "résultat” dans le champ lexical de la finance et pas de la médecine.

     

    Pour faire simple, à partir de 1984 et jusqu’en 2007, les hôpitaux recevaient mensuellement une Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) qui devait couvrir l’ensemble des frais de l’hôpital. La DGF sert toujours à financer les collectivités territoriales et de nombreux établissements publics. Elle était reconduite d’une année sur l’autre (modulo l’évolution estimée du coût de la santé).

     

    Dès 1991, les hôpitaux furent obligés de déclarer informatiquement toutes leurs interventions par le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Chaque séjour de chaque patient malade doit alors être enregistré selon son Groupe homogène de malades (GHM). Les GHM sont identifiés par un code alphanumérique combiné à un intitulé médical (ex wikipédia. : GHM 08M04W « fracture de la hanche et du bassin avec CMA (Complication et Morbidité Associée) ». A l'origine, cette informatisation était uniquement censée servir de mesure de l'activité pour vérifier l'adéquation entre les besoins de l’hôpital et les ressources. Dans la réalité, dès qu’une activité devient “fliquée” informatiquement, cela permet toujours à l’autorité d’en prendre un contrôle total. Cette prise de contrôle a eu lieu en 2007.

     

    La DGF a été abandonnée avec la réforme hospitalière du plan Hôpital 2007 et désormais chaque GHM est associé à son pendant financier, le Groupe homogène de séjour (GHS), défini par l'Assurance maladie. Ainsi chaque pathologie déclarée traitée par l’hôpital est plus ou moins “rentable”. A ces GHS peuvent s’ajouter des tarifs pour des prises en charges particulières lorsque les hôpitaux sont équipés de certains dispositifs (par exemple les unités de soins critiques qui se décomposent en soins continus, soins intensifs et réanimations, ou encore les unités de soins palliatifs).

     

    Cette double évolution, l’informatisation de tout le parcours de soin et le changement de paradigme concernant les ressources de l’hôpital, a entraîné une réelle révolution.

     

    L'informatisation pour uniformiser et contrôler le processus de soin

    L’informatisation de tout le processus de soin a d’abord nécessité de faire rentrer toutes les interventions “dans des cases”. L’informatique (comme la statistique) n’aime pas la liberté de décrire les évènements. Chaque intervention doit forcément être décrite par un code, donc correspondre à une définition précise. Cependant, chaque être humain est différent et chaque pathologie est différente. Mais il a pourtant fallu regrouper toutes les interventions dans des GHM. Nommer les choses, c’est leur donner une existence. Leur donner une existence, c’est pouvoir les compter. Pouvoir les compter, c’est leur donner de l’importance. Forcer tous les hôpitaux à rentrer dans cette logique a changé la manière d’appréhender le soin. Il ne s’agit plus de traiter un patient, mais une pathologie qui se trouve dans une case, avec éventuellement des comorbidités associées. La complexité de l’histoire qui amène une personne à l’hôpital, son âge, son poids, ses antécédents, l’évolution de son état, s’en trouve alors réduite à un ensemble de cases.

     

    Au terme d’une hospitalisation en Médecine-Chirurgie-Obstétrique (MCO), un recueil synthétique d’informations est produit : le résumé de sortie standardisé (RSS). Les informations administratives et médicales contenues dans le RSS sont codées, et le classement de chaque séjour hospitalier dans un GHM résulte de l’application d’un algorithme sur ces informations. L’ensemble des tests est inscrit dans un module logiciel nommé fonction groupage. Les nomenclatures utilisées pour le codage des informations médicales sont la Classification internationale des maladies (CIM–10) de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour les « diagnostics » (les motifs de soins) et la Classification commune des actes médicaux (CCAM) de la Haute Autorité de la Santé (HAS) pour les actes.

     

    Ainsi depuis 40 ans, l’OMS et la HAS, deux organismes dont les conflits d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques sont publics et documentés pilotent la définition et donc la reconnaissance des pathologies. Pour utiliser une comparaison bien connue, dans un sondage biaisé, le sondeur ne vous laisse que les options de réponses qui l'arrangent. De la même manière, les cases de la Classification internationale des maladies vont permettre de forcer la reconnaissance et le comptage de certaines maladies.

     

    Le dévoiement du système de Santé

    Une fois l’hôpital français soumis à la dictature du code à partir des années 80, il ne restait plus qu’à finir la révolution en instaurant la tarification à l’acte. Il s’agit bien d’un acte de corruption puisqu'à partir de 2007, toute décision médicale se fera au regard de ce qu’elle va rapporter à l’hôpital. Cette corruption a été détaillée dans un article du Cairn de Pierre-André Juven : Produire de l’information hospitalière.

     

    On peut y lire dès la première page de résumé :

     

    Nous observons ici comment des techniciennes de l’information médicale transforment les dossiers patients en dossiers médico-économiques et comment cette action technique de traduction et d’accumulation participe d’un mode de gouvernement à l’hôpital.

     

    Cette étude démontre bien que derrière ce qui peut s'apparenter à une simple “remontée d’information” se dissimule un mode de gouvernance. Cette gouvernance a pu être mise en place notamment en ne confiant pas l’activité de codage à des médecins, mais à des gestionnaires.

     

    Ce codage est effectué dans une partie de l’hôpital que les patients connaissent peu, les services de l’information médicale ou département d’information médicale (DIM).

     

    Comme nous en avons déjà parlé, ce transfert de compétence de description d’une pathologie, n’est pas neutre et a fait glisser la description des hospitalisations et donc du langage médical vers un langage de gestion.

     

    Et en produisant un système d’information, des nomenclatures et des critères de description de « ce qui se passe », va progressivement émerger une nouvelle façon de parler du soin.

     

    Les médecins et les gestionnaires parlent bien deux langages différents. Les gestionnaires sont censés traduire les lettres de sorties des médecins en codes de gestion.

     

    La matière première des techniciennes est constituée des comptes rendus opératoires, « des lettres de sortie », c'est-à-dire des documents remplis par l’administration et les médecins lorsque le patient quitte l’hôpital, de ce que les techniciennes appellent « les mots ». Ce sont ces mots médicaux qu’elles doivent traduire dans le PMSI.

     

    Cependant les lettres de sorties de médecins sont écrites pour mieux soigner les patients, alors que les codes de gestion sont l’élément essentiel pour faire vivre l’hôpital en lui rapportant de l’argent.

     

    La fonction première de ces lettres, comptes rendus, est un enregistrement des symptômes, des actes. Les destinataires sont le médecin traitant et le médecin qui pourrait un jour avoir à intervenir de nouveau sur ce patient et pour qui la connaissance des antécédents serait nécessaire. Ces renseignements sont ensuite déposés dans un système d’information auquel ont accès les techniciennes, il leur faut donc aller chercher l’information dans le dossier informatisé. Une des grandes préoccupations des techniciennes et des médecins DIM est donc d’inciter les médecins à « remplir au mieux » le dossier informatisé, mais même cette qualification du renseignement demande à être précisée. Lorsque nous disons que l’action de « remplir au mieux » le dossier informatisé doit être précisée, c’est en raison de ce que les uns et les autres considèrent comme l’information, sinon nécessaire, du moins importante. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais l’information qui intéresse les techniciennes et les DIM n’est pas forcément la même que les médecins.

     

    Le fait d’avoir imposé la tarification à l’acte implique que le codage est plus important pour le devenir de l’hôpital que la description médicale du patient. Le fait d’essayer de faire coller la nomenclature des codes des GHM à la réalité médicale ne se fait pas en modifiant les codes, mais en poussant les médecins à modifier leurs compte rendus pour les faire rentrer dans les bonnes cases. Au demeurant, c’est toujours dans ce sens-là que se passe l’informatisation d’un processus.

     

    [...] les techniciennes de l’information médicale et les médecins DIM œuvrent constamment à influer sur l’écriture des médecins. Le personnel administratif souhaiterait que les médecins inscrivent dans leur lettre de sortie, de façon très visible au début du courrier, le diagnostic principal et les diagnostics associés.

     

    La volonté de « faire tenir » le séjour dans un seul diagnostic principal, et donc de parfois contenir l’ampleur de la description, a fait l’objet de controverses vives, mais confinées aux cercles d’experts en systèmes d’information hospitalière. Alors que certains directeurs d’hôpitaux ou médecins ont pu proposer de complexifier le travail de catégorisation (Fessler & Frutiger, 2003), de façon à être plus en adéquation avec la complexité médicale des cas, la mission PMSI ayant élaboré ce système dans les années 1980 et 1990 a finalement opté pour le maintien d’un seul diagnostic principal et ceci en raison d’une volonté de standardisation inhérente à l’outil.

     

    C’est bien l’outil mis en place pour des raisons de financement qui a gagné devant la réalité médicale. En plus de cette simple idée de réduire le l’information médicale à la simple nomenclature, interviennent des considérations stratégiques pour déclarer tous les éléments qui pourront faire gagner de l’argent à l’hôpital. Rappelons à ce stade que nous parlons bien d’argent public, en provenance directe de nos impôts.

     

    C’est alors sur le registre de la pédagogie et du dialogue que jouent les DIM et les TIM, il s’agit de « sensibiliser » les médecins. Convertir les médecins au langage PMSI, c’est à la fois les inviter à renseigner le diagnostic principal et les diagnostics associés, mais c’est aussi leur demander d’inscrire ce qui peut rapporter de l’argent, ce qui peut faire qu’un patient ne vaudra pas 1 800 euros, mais 2 300. [...] La bonne santé financière de l’établissement passe donc par la conversion des médecins à un langage médico-administratif, le PMSI.

     

    La priorité pour tout le monde est donc de bien penser à inscrire dans le dossier du patient tous les éléments qui rapportent de l’argent, c’est-à-dire qui seront facturés à l’assurance maladie. Mais en plus de cette “optimisation”, les gestionnaires font régulièrement face à des incertitudes. Les patients peuvent venir pour plusieurs pathologies à la fois, et le Diagnostic Principal choisi sera alors naturellement celui qui permet de rentrer dans le GHM qui rapporte le plus.

     

    Prenons à présent le dossier de M. Robert, hospitalisé pour une chute [...] Monsieur Robert a deux problèmes, l’un dû à sa chute (ce qui provoque des douleurs chez le patient) et un problème cardiaque, c’est à cela que va s’attacher la technicienne pour repérer les différents diagnostics associés. [...]

    En haut de l’écran s’affiche l’état actuel de la valorisation du séjour, considérant un DP en Bradycardie, le prix est de 4 523,75 euros. Juste en dessous, s’affichent en gras les autres diagnostics principaux possibles, cette alternative est permise parce que le patient est à la fois entré pour un problème d’arythmie cardiaque (la bradycardie) et pour des douleurs liées à la chute). « Je peux jouer sur deux tableaux », nous dit la technicienne. L’expression est plus que parlante, en effet, le tableau proposé par son logiciel valorise le séjour à hauteur de 4 523,75 euros, mais celui proposé par le médecin DIM propose lui d’autres choix. Le choix peut se porter entre le S0660-Hémorragie sous-arachnoïdienne traumatique et le S2200-Fracture fermée d’une vertèbre dorsale. La technicienne retourne alors au dossier médical, et parce que le patient a subi la pose d’un corset, elle décide de choisir le deuxième, facturé celui-là 5 281,99 euros.

     

    Le gouvernement Français a très vite compris l’intérêt de cette codification et de ses nouveaux tarifs pour influencer les choix hospitaliers sans avoir à engager de débat scientifique. Il suffit de jouer sur les différentes tarifications pour inciter les hôpitaux à choisir certains traitements ou fonctionnements. C’est de cette manière que les gouvernements ont favorisé la médecine ambulatoire plutôt que l’hospitalisation.

     

    Un des membres du cabinet du ministre de la Santé Jean-François Mattéi au début des années 2000 et un des auteurs de la réforme explique que :

     

    « La fixation des tarifs devait à mon sens, d’abord, et c’était mon souhait, d’abord obéir à une volonté d’inciter ou de désinciter à une activité donnée, y compris même au plan national, même si ce n’était pas mon objectif initial.

    Donc là où ça a effectivement été fait sur les soins palliatifs, sur la chirurgie ambulatoire, était de dire de façon ultra simpliste, on connaît le coût de revient en chirurgie ambulatoire ou en soins palliatifs, et bien on paye 10,15, 20 % de plus que le coût de revient pour inciter et sur la chirurgie classique, on paye 20 % en dessous du coût de revient, au bout d’un certain temps, les managers pas complètement stupides devraient théoriquement arriver à réorienter leur activité, donc c’est ça ce que j’appelais tout à l’heure un outil de régulation médical et non pas un outil de régulation économique. »

     

    Ainsi, toutes les statistiques de santé publique sont biaisées par le jeu du codage. Les codes sélectionnés sont les plus intéressants financièrement. Il y a donc mécaniquement un surcomptage de toutes les pathologies rentables et un sous-comptage de tout le reste. Dans un article d’octobre 2020, Nicole Delepine, pédiatre, oncologue, prend exemple d’un patient arrivant pour une chimiothérapie de base rapportant 5 000 € à l’hôpital, mais qui rapporte 12 000 € si une infection est découverte sur le patient. Il y a donc plus qu’un intérêt, mais une nécessité de trouver sur un maximum de patients hospitalisés, des infections, pour rentabiliser son séjour.

     

    Si l’OMS ou la HAS décident de mettre en place un nouveau code qui permettra de qualifier le séjour du patient dans un GHM plus intéressant financièrement que les autres codes, on va donc assister à un transfert des anciens codes vers les nouveaux codes. Le lecteur non averti conclura immédiatement qu’une nouvelle pathologie est apparue et que l’ancienne à disparu.

     

    La grippe : la mise en pratique du codage

    Nous avons vu dans un précédent article que lors des baisses de températures l’hiver, la mortalité des personnes âgées augmente. Et ce, de manière parfaitement corrélée. Sur ce graphique réalisé à partir des données de température françaises de météofrance (en rouge, échelle inversée) et des données de mortalité quotidienne des personnes de plus de 90 ans (en bleu, lissés sur 7 jours), on observe bien la parfaite adéquation entre évolution de température et mortalité. L’indicateur de corrélation de Spearman à -0,88 montre une quasi perfection de la corrélation (la perfection serait -1). Ainsi, pour les personnes âgées, on observe une mortalité assez élevée toute l’année dont les variations saisonnières s'expliquent presque parfaitement par les variations de température. Le reste correspond aux aléas de la vie.

    Note de lecture : Le taux de mortalité toutes causes est en notation « scientifique » : 8e-04 signifie 8 décès pour 10 000 habitants. La température est inversée : -10 signifie +10°C.

    De plus, rappelons que l’Assurance maladie nous informe qu’en 2019, en France le réservoir de personnes ayant des problèmes respiratoires chroniques :

     

    on dénombre 3 656 800 personnes prises en charge pour maladies respiratoires chroniques (hors mucoviscidose), dont 50% de femmes. Les âges moyen et médian sont respectivement de 52 ans et 59 ans. La part des personnes âgées de plus de 75 ans est de 22%, dont 53% sont des femmes. Dans l'ensemble, 12% des personnes sont prises en charge pour ALD en rapport avec les maladies respiratoires chroniques (hors mucoviscidose)

     

    Donc plus de 3,6 millions de personnes sont susceptibles d’avoir des problèmes graves au niveau de la respiration, lorsque survient une difficulté quelconque (par exemple un changement de l’environnement) puisqu'elles ont des problèmes chroniques. Parmi elles près de 380 000 personnes sont mêmes répertoriées comme en insuffisance respiratoire chronique grave. Il y a donc un “réservoir” colossal de personnes identifiées par l'assurance maladie qui sont chaque année fragilisées par le froid, créant les phénomènes épidémiques hivernaux.

     

    Pendant les périodes hivernales, de nombreuses personnes âgées souffrant déjà pour beaucoup de problèmes respiratoires chroniques présentent des difficultés respiratoires supplémentaires ou de la fièvre. Beaucoup d’entre elles sont alors codifiées comme “04M25 grippe”. Il est pourtant très rare qu’un test de présence d’un virus grippal soit effectué. Toutes ces données de GHM codifiées “04M25 grippe” vont alors pouvoir être remontées au instances nationales de santé et à l’OMS qui va pouvoir communiquer sur le grand nombre de malades et de morts dûs à la grippe chaque année. En donnant de l’importance à ce phénomène on influence alors la décision publique pour vendre des traitements et notamment les fameux vaccins antigrippaux. Pour mémoire, nous pouvions lire en 2010 au sein du rapport du Sénat sur le scandale H1N1 :

     

    L'efficacité clinique des vaccins antigrippaux est, au mieux, considérée comme incertaine.

     

    La grippe est un bon exemple de système circulaire où l’on force les hôpitaux à rentrer leurs interventions dans une case pour ensuite en tirer des statistiques qui vont justifier le traitement préventif annuel appelé vaccination antigrippale.

     

    Pour mémoire en 2016 le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm, a montré que la grippe est fréquemment inscrite comme "cause associée" au décès, mais que si on la replace dans le contexte de chaque cas et notamment toutes les comorbidités, on relativise beaucoup son impact. Pour le montrer, l’Inserm a utilisé deux stratégies différentes concernant les causes de décès, la première donnant autant de poids à toutes les causes déclarées et la seconde donnant une “prime” à la cause principale. Pour la grippe, la deuxième méthode attribue moins de décès à la grippe que la première.

     

    En revanche,contrairement à de précédents résultats, notre étude retrouve une baisse du poids de plusieurs maladies sur la mortalité, comme la grippe ou les causes externes.

     

    Les personnes qui décèdent l’hiver à l’hôpital avec le code grippe ont donc assez rarement ce code comme cause principale. Ainsi, pour les médecins, les personnes meurent peu souvent d’un état grippal, mais d’un ensemble de causes dont l’état grippal. Nous avons donc une politique extrêmement chère concernant la fameuse grippe, avec les campagnes de vaccinations annuelles, sans être capables d’en prouver les résultats, et dont le corps médical sait pertinemment que le problème de la mortalité hivernale ne vient pas de là, mais de l’état général de santé des patients. Le grand gagnant de cette histoire n’est pas le patient, mais l’industrie pharmaceutique, qui a le bon goût de financer les experts de l’OMS qui donnent de la visibilité à la grippe en choisissant les codes de la Classification internationale des maladies et en produisant des statistiques avec, pour ensuite inciter les Etats à acheter les fameux vaccins. Le deuxième gagnant est évidemment le monde politique, également financé par l’industrie pharmaceutique et qui peut faire croire aux gens qu’il s’occupent d’eux en leur proposant “gratuitement” de se faire vacciner pour les protéger. Personne ne semble se rendre compte qu’absolument rien n’est gratuit et que tout cela est financé par les impôts des mêmes gens.

     

    Le codage en période Covid

    A l’occasion de la crise Covid-19, un nouveau code a été mis en place par l’OMS, pour “mesurer” le nombre de patients considérés atteints de cette pathologie. Le 19 mai 2020, la CGT Montreuil a réalisé un tract expliquant ce qu’il était en train de se passer :

     

    Or selon le manuel des GHM 2020, les résumés de sortie d’hospitalisation (RSS) qui portent en diagnostic principal un des 5 codes de la Classification International des Maladies (CIM 10) identifiant la COVID19 (U07.10, U07.11, U07.12, U07.13, U07.14, U07.15) se voient attribuer un des GHM des 5 racines fourre-tout suivantes :

    1- 04M06 : Infections et inflammations respiratoires, âge inférieur à 18 ans

    2- 04M07 : Infections et inflammations respiratoires, âge supérieur à 17 ans

    3- 18M02 : Maladies virales et fièvres d’étiologie indéterminée, âge inférieur à 18 ans

    4- 18M03 : Maladies virales, âge supérieur à 17 ans

    5- 23M20 : Autres symptômes et motif de recours aux soins.

     

    On y lit d’ailleurs un peu plus bas, une sévère critique du système de codage dont nous parlons :

     

    Toute personne ayant travaillé sur les bases de données du PMSI sait que les GHM n’ont d’homogène que le nom et la cohérence des regroupements faits n’est pas toujours perceptible. C’est le cas de la COVID-19 qui se retrouve entre autres avec l’abcès amibien du poumon, la peste pulmonaire, la coqueluche, les pneumopathies de la varicelle ou de la rougeole, la toxoplasmose pulmonaire, les candidoses pulmonaires, le SRAS,… dans les GHM des racines 04M06 et 04M07 ou dans les racines 18M02 et 18M03 avec des maladies virales banales ou non comme la poliomyélite aigue, la fièvre jaune, la dengue, le virus EBOLA, la varicelle, la variole, la rougeole , les oreillons, … et chez l’enfant les fièvres d’étiologie indéterminée

     

    La codification d'urgence proposée a permis aux hôpitaux d'obtenir une facturation bien plus intéressante que celle des classiques grippes. L’ensemble des tarifs selon les années est consultable sur le site de l’ATIH. La description des symptômes étant très large, tout patient pouvait se retrouver dedans. Il est évident que depuis la mise en place des nouveaux codes, les hôpitaux ont un intérêt financier direct à déclarer un patient malade du Covid et à l’inscrire dans le GHM 04M07 Infections et inflammations respiratoires pour 2 208 € le séjour en niveau 1, plutôt que dans le banal Grippes pour 1 007 € le séjour.

    De la même manière, le réseau Sentinelles a annoncé début 2020 un changement profond de définition dans les infections respiratoires hivernales.

     

    En mars 2020, suite à l’émergence du SARS-CoV-2 (COVID-19), la surveillance Sentinelles a évolué. La surveillance des « syndromes grippaux » (fièvre supérieure à 39°C, d’apparition brutale, accompagnée de myalgies et de signes respiratoires) a été remplacée par celle des « infections respiratoires aiguës » IRA (apparition brutale de fièvre ou sensation de fièvre et de signes respiratoires).

     

    Toute remontée des informations s’accorde donc en même temps pour faire dorénavant figurer le Covid et la grippe au milieu de ces IRA. Chacun peut alors choisir sa préférence. On constate d’ailleurs sur toujours sur le site de Sentinelles, la disparition des statistiques de grippes lorsque commencent à être comptabilisées les statistiques Covid-19 en 2020.

    On ne s’étonne pas alors que depuis 2 ans, quasiment tous les problèmes respiratoires habituels ne sont plus répertoriés par les hôpitaux, comme nous pouvons le vérifier sur scansanté, mais qu’à la place tout a été codifié avec le code d’urgence Covid pour pouvoir être en grande majorité facturé dans le GHM 04M07. Encore une fois, le lecteur non averti conclura à la disparition des bronchites, pneumonies, bronchopneumathies, bronchiolites, tuberculoses et autres grippes. La mise en perspective de ce tableau montre surtout un transfert de codage qui fait croire à la disparition de toutes les maladies respiratoires regroupées dorénavant sous la bannière de Covid-19.

    Ce changement de distribution des GHM déclarées, a pour conséquence que l’augmentation de 7% des GHM concernant les problèmes respiratoires en 2020 s’est traduite par une augmentation de 10 % de la facturation (en prenant pour le calcul les tarifs de niveau 1 de 2020). En 2021, l’augmentation de 13% des séjours se traduit par une augmentation de 17% de la facture.

     

    Enfin, il est toujours intéressant de regarder qui dirige en France les services d’infectiologie des hôpitaux habilités Covid-19 par la mission Coreb depuis début 2020.

    Nous constatons que François Raffi de Nantes, Jean-Paul Stahl de Grenoble, Pierre Tattevin de Rennes, Vincent Le Moing de Montpellier, Xavier Lescure d'île-de-France font partie des 13 médecins ayant reçu le plus de revenus récents versés par l’industrie pharmaceutique.

    Nous retrouvons également Yazdan YAZDANPANAH d'île-de-France, bien connu pour être membre du fameux Conseil Scientifique Covid.

    Conclusion : l’hôpital prisonnier des chiffres au service de Big Pharma

    Nous avons vu que l’hôpital public (comme énormément d’autres services publics) a subi une transformation en profondeur depuis les années 80. Sous couvert de modernisation et d'informatisation, il a vécu une prise de pouvoir de la part du politique d’une part, mais aussi d’instances extérieures comme l’OMS. Pour mémoire ces deux entités sont financées par l’industrie pharmaceutique et bien évidemment la haute finance qui la détient et notamment les fonds de pensions américains. Nous avons même vu qu’au sein des hôpitaux, ceux qui sont en charge des services “intéressants” et viennent s’exprimer sur les plateaux télé sont largement subventionnés également. Cette prise de contrôle par l’informatisation permet de maîtriser entièrement les statistiques en forçant les hôpitaux à déclarer leurs interventions dans les bonnes cases. Cela force donc les hôpitaux à appliquer des protocoles gouvernementaux et internationaux uniformes au plus grand profit des quelques-uns plutôt que de soigner des patients, tous différents.

     

     


  • Pénurie de soignants : dans les hôpitaux, la grande peur de l’été

      22h53 , le 14 mai 2022
    • Par
    • Anne-Laure Barret
     

    Le ministère de la Santé s’inquiète d’un manque d’infirmiers et de médecins en juillet-août. Des réquisitions de personnel en congés ne sont pas exclues par les acteurs sanitaires.

    Des personnels de santé ont protesté, jeudi, contre les fermetures ponctuelles des services d'urgence de l'hôpital de Montmorillon (Vienne), faute de médecins.

    Des personnels de santé ont protesté, jeudi, contre les fermetures ponctuelles des services d'urgence de l'hôpital de Montmorillon (Vienne), faute de médecins. (Maxppp)
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    L’image surgit dans la bouche d’un directeur d’hôpital et, soudain, on comprend pourquoi les augmentations de traitement accordées aux soignants après le Ségur de la santé et une décennie d’austérité n’ont pas tout réglé. « On a tellement paupérisé le système de soins qu’il est à bout de souffle, estime ce haut fonctionnaire. C’est comme sur un toboggan : une fois la descente amorcée, la chute est inévitable. » ​​​​​​​Ces jours-ci, en pleine polémique sur la multiplication des fermetures de services hospitaliers en manque de blouses blanches, les esprits anxieux sont déjà tournés vers l’été. Comment remplir les plannings de garde ? Combien de lits ou de services d’urgence faudra-t-il fermer, faute de médecins et d’infirmiers en nombre suffisant ? « Ça va être l’enfer, pronostique une experte du secteur. En plus, on vient de perdre trois semaines à attendre le nouveau gouvernement. »

     

    Au ministère de la Santé, le dossier sur la « grande peur des vacances » figure tout en haut du « testament », cette liste de questions non résolues transmise au successeur d’Olivier Véran dès son arrivée. « Les acteurs nous remontent leurs inquiétudes et les tensions, notamment en Bourgogne-Franche-Comté ou en Occitanie, soupire-t-on Avenue de Ségur. Les difficultés sont plus aiguës que les années précédentes, avec un manque de médecins dans les territoires ruraux et une pénurie plus globale de personnels paramédicaux. »​

    La gestion de crise est devenue « un mode de fonctionnement routinier »

    Même des établissements correctement pourvus en main-d’œuvre, comme les Hospices civils de Lyon, le CHU de Poitiers ou l’hôpital de Bayonne, redoutent des semaines de tension. Et les craintes de paralysie temporaire ne concernent plus seulement les urgences. À Paris, c’est ainsi tout un établissement gériatrique de quelque 130 lits qui devrait cesser d’accueillir des patients à partir de juin.

     

     

    Beaucoup d’acteurs scrutent l’évolution du mouvement social en cours au centre hospitalier régional d’Orléans, effrayés à l’idée qu’il soit le foyer d’une épidémie incontrôlable. Depuis le 28 mars, le service des urgences n’accueille plus qu’une cinquantaine de patients dans un état grave chaque jour, contre 200 en moyenne habituellement, car 76 infirmiers et aides-soignants – de jeunes professionnels en majorité – sont en arrêt maladie pour burn-out. Comme cette pathologie est par nature individuelle, c’est une stratégie permettant d’échapper aux réquisitions qui compromettent en général la portée des grèves hospitalières.

     
     

     

    Il vaut mieux organiser la dégradation plutôt que la subir

    « En temps normal, on prend en charge deux fois plus de patients aux urgences que le CHU de Tours avec deux fois moins de personnel, observe le directeur de l’hôpital d’Orléans. Il n’est donc pas étonnant que la crise ait éclaté dans notre ville de 300 000 habitants, pauvre en internes, en médecins hospitaliers et libéraux, et où les lits d’aval et de rééducation sont saturés. » Le haut fonctionnaire, qui espère la fin du mouvement social, observe que « la gestion de crise est devenue un mode de fonctionnement routinier ». Les arrêts maladie de complaisance, arme fatale des soignants, pourraient bientôt fleurir dans d’autres établissements. « Quand vous protestez depuis des années et que rien n’avance, la désespérance s’installe », déplore Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France, qui porte la voix des établissements publics de santé.

    Un appel à la mobilisation collective

    Pour éviter la surchauffe, le ministère de la Santé a réuni le 5 mai, en visioconférence, les représentants des hôpitaux, des cliniques ou des centres de lutte contre le cancer afin de les pousser à une mobilisation collective. Les agences régionales de santé ont, de leur côté, été chargées d’organiser la permanence des soins, avec consigne de rappeler à l’ordre les professionnels de ville s’ils se dispensaient d’établir leurs propres plannings. « Je vais encore me prendre des scuds sur Twitter mais tant pis : il faut à tout prix que les généralistes étalent leurs congés sur juillet et août comme les hospitaliers, exhorte Frédéric Valletoux, sinon on est perdus. »

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    Plusieurs autres solutions sont explorées dans l’espoir de traverser l’été sans dommage : nouvelle majoration des heures supplémentaires ou du paiement des congés non pris, réquisition de libéraux pour assurer la permanence des soins en ville, ou de personnel des cliniques pour faire tourner les hôpitaux comme cela fut le cas au plus fort de l’épidémie, régulation de l’entrée dans les services d’urgence. « Il s’agit d’une organisation dégradée, concède-t-on au ministère de la Santé, mais il vaut mieux organiser la dégradation plutôt que la subir. »

     
     




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