• Schizophrénie : existe-t-il un ADN de la folie ?

    Le psychiatre et chercheur Boris Chaumette détaille ce que les avancées de la génétique changent pour ce trouble psychiatrique parmi les plus « héritables ».

    Par Caroline Tourbe

     

    « La schizophrénie est encore vécue comme une honte dans certaines familles. Cela s’accompagne parfois d’un déni des symptômes, avec de lourdes conséquences sur le retard du diagnostic et sur la prise en charge précoce », explique le docteur Boris Chaumette.

    « La schizophrénie est encore vécue comme une honte dans certaines familles. Cela s’accompagne parfois d’un déni des symptômes, avec de lourdes conséquences sur le retard du diagnostic et sur la prise en charge précoce », explique le docteur Boris Chaumette. © Alamy Stock Photo/Abaca

    À l'occasion des Journées mondiales de la schizophrénie du 18 au 25 mars 2024, nous republions cet article. 

    La schizophrénie touche plus de 600 000 personnes en France. « Trop souvent encore, le contexte, le vécu du patient et de ses parents restent les seules explications de la maladie, » souligne Boris Chaumette, auteur du livre Schizophrénie et génétique, un ADN de la folie ? (éditions humenSciences).

    À la fois psychiatre et chercheur (Inserm) au sein de l'Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (IPNP), le médecin espère que son livre sera « utile aux familles mais aussi au monde médical ».

    En effet, les méthodes pour soigner, ou du moins aider, restent encore largement tributaires des méthodes classiques de la psychiatrie et de la psychologie, voire de la psychanalyse. Tout...

     

     


  • Perturbateurs endocriniens et polluants persistants : « Nous sommes aujourd’hui tous exposés, avant la naissance »

     

     

    La professeure Catherine Bennetau, spécialisée en sciences animales et nutrition santé humaine, à l’université de Bordeaux Sciences Agro, travaille depuis des années sur les conséquences sanitaires de la présence de perturbateurs endocriniens et polluants organiques. Que disent les dernières études scientifiques ?

     

    La semaine dernière, une étude scientifique, menée en Écosse et Suède, a été publiée dans la revue « The Lancet ». Elle concerne l’effet de polluants chimiques persistants (Pfas) sur le métabolisme des enfants à naître. Ces travaux ont réveillé un débat de plus en plus inquiétant. Nous avons soumis cette étude à la sagacité de l’enseignante-chercheuse bordelaise, la professeure Catherine Bennetau, spécialiste en sciences animales et nutrition santé humaine, à Bordeaux Sciences Agro. L’occasion d’en tracer les contours, et aussi les limites. Et de rappeler ce que l’on sait aujourd’hui à propos des perturbateurs endocriniens et autres polluants organiques. Catherine Bennetau est aussi autrice d’une publication récente, écrite pour la revue médicale « EMC Pathologie professionnelle et de l’environnement ».

     

    La professeure Catherine Bennetau, enseignante-chercheuse en sciences animales et nutrition santé humaine à l’Université de Bordeaux et l’Inserm, elle est spécialiste des perturbateurs endocriniens, notamment.La professeure Catherine Bennetau, enseignante-chercheuse en sciences animales et nutrition santé humaine à l’Université de Bordeaux et l’Inserm, elle est spécialiste des perturbateurs endocriniens, notamment.

    INSERM

    Que dit l’étude scientifique publiée dans « The Lancet » la semaine dernière concernant l’exposition in utero à des Pfas du foie fœtal en Écosse ?

    L’étude a surtout examiné les Pfas. Ils sont suspectés d’être liés à l’augmentation de l’incidence de l’obésité en perturbant durablement le métabolisme des lipides et l’immuno-sensibilité. Ces deux types d’action favoriseraient cette incidence de l’obésité, qui augmente depuis plusieurs décennies. L’approche est nouvelle, car menée directement sur des fœtus humains (1). Très exactement, voilà ce qu’elle confirme : il y a des Pfas dans l’environnement, les humains y sont exposés, ils peuvent contaminer les fœtus si les mères sont exposées.

    Les conclusions de ces travaux font apparaître que les bébés à naître seraient, aujourd’hui, plus menacés par l’obésité et autres maladies en lien avec la présence de ces polluants organiques persistants. Vous confirmez ?

    Pas tout à fait. Cette étude ne montre pas de façon indubitable que les Pfas modifient profondément les profils lipidiques et la fonction immunitaire. Les auteurs parlent de corrélations modestes et très peu sont réellement significatives. On ne peut affirmer avec cette étude qu’une des causes de l’augmentation de l’obésité infantile soit en lien avec les Pfas… Par ailleurs, il n’est pas certain que les profils métabolomiques (2) observés soient délétères chez le fœtus, l’enfant et l’adulte à venir.

    Il faut évidemment réduire l’exposition des humains aux Pfas

    Les polluants chimiques persistants (Pfas) sont « suspectés d’être liés à l’augmentation de l’incidence de l’obésité ».Les polluants chimiques persistants (Pfas) sont « suspectés d’être liés à l’augmentation de l’incidence de l’obésité ».

    Jean Charles/AFP

    Quelles sont les limites de cette étude à votre avis ?

    Il n’y a pas de données claires sur l’exposition des mères aux Pfas et à d’autres contaminants et si l’équipe est spécialiste des Pfas, d’autres substances pourraient aussi être incriminées (Bisphénol A, PCB, phtalates, pesticides…). Les sources d’exposition sont inconnues et cela limite fortement les recommandations qui pourraient être faites auprès des femmes enceintes. Il faut savoir que les grandes revues scientifiques sont dans une course effrénée au classement des citations d’articles, basé sur un « Impact Factor » : « Science », « Nature », « The Lancet », « The New England Journal of Medecine »… se livrent à une concurrence acharnée. Les conclusions sont parfois survendues.

    Vous venez de boucler une revue scientifique, à la demande de la revue médicale « ECM Pathologie professionnelle et environnementale », soit une mise à jour pour les médecins de l’impact des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine. Quelles corrélations entre vos recherches et la publication dans « The Lancet » ?

    La littérature scientifique ne prouve pas indubitablement l’effet des perturbateurs endocriniens sur l’épidémie d’obésité. Nous manquons toujours de preuves solides, alors que le fait que l’on mange trop et que l’on ne bouge pas assez est un déséquilibre qui s’accroît. Et explique l’augmentation de l’incidence de l’obésité. L’article de « The Lancet » n’apporte que peu de preuves, car nous manquons tous de comparatifs. En effet, les études d’observation restent de portée limitée car nous ne pouvons plus aujourd’hui comparer des sujets exposés aux Pfas avec d’autres sujets non contaminés. Hélas, nous sommes tous exposés : tout le vivant.

    Que sait-on aujourd’hui des risques et conséquences, quelles sont les conclusions de votre étude ?

    Le plus haut niveau de preuve concerne à ce jour l’effet de certains perturbateurs endocriniens sur la fertilité des hommes et des femmes. Il faut réduire l’exposition des humains aux Pfas, mais se rappeler que ces composés sont utiles. Si on doit les supprimer, trouvons des substituts moins toxiques, ce qui peut être compliqué. Il faut continuer à travailler sur les perturbateurs endocriniens, car les corrélations ne sont pas des preuves.

    L’utilisation de la métabolomique dans ces études est intéressante et doit être couplée à l’inteligence artificielle (IA) pour le traitement des multiples données générées.

    « Beaucoup de temps a été perdu en essayant de relier un phénomène à une substance en particulier »

    Comment l’IA pourrait nous aider à mieux comprendre les effets de l’exposition aux Pfas sur les humains ?

    Les perturbateurs endocriniens agissent en cocktail et beaucoup de temps a été perdu en essayant de relier un phénomène à une substance en particulier. Nous devons aujourd’hui prendre en compte de multiples substances ce qui est possible par la métabolomique, science relativement récente.

    Cette nouvelle approche génère de multiples données que l’IA pourra analyser. Dans l’étude écossaise, plus de 6 600 substances ont été observées et à peine une centaine a été identifiée. Leur rôle ne pourra être analysé que grâce à l’IA.

    Cela nous permettrait-il d’élaborer des recommandations ciblées et concrètes en santé publique ?

    Absolument. On sait aujourd’hui que nous devons limiter notre exposition à certains produits chimiques polluants organiques persistants, mais beaucoup sont encore indispensables.

    Le bisphénol A a été interdit. Et le glyphosate limité, c’est un début non ?

    On a supprimé le bisphénol A, dont les effets délétères étaient discutables, il a été remplacé par le bisphénol S qui semble plus toxique encore. Sans l’herbicide glyphosate, on voit apparaître aujourd’hui des plantes toxiques (Datura) dans certains champs de blé, elles se révèlent encore plus toxiques… Il faut laisser plus de temps et de moyens à la recherche.

    (2) L’analyse métabolomique est l’analyse de l’ensemble des molécules organiques de petites tailles présentes dans l’organisme et met en évidence des interrelations métaboliques non détectées auparavant.





    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique