• "Face à l'islamisme, il n'y a pas de trou dans la raquette : la raquette n'a pas de cordes"

     

    Ce 9 avril, à l'issue de la pièce « Le Professeur », écrite par Émilie Frèche, Mickaëlle Paty, sa sœur, a prononcé un discours adressé au gouvernement sur la bien-pensance et l’état de l'école française, que nous publions en intégralité et en exclusivité.

    Ce discours de Mickaëlle Paty a été prononcé à l'issue de la tenue de la pièce « Le Professeur », de la romancière et cinéaste Émilie Frèche, ce 9 avril au Théâtre libre à Paris, dont nous rendons compte ici. La sœur de Samuel fustige une « bien-pensance atteinte du syndrome du sauveur », dans le contexte de l'explosion, notamment sur fond de querelles religieuses et d'un climat d'insécurité, de la violence chez les mineurs : « L'État se cantonne à être un gestionnaire de crise mais ne prévient nullement la crise. Il se retrouve également incapable de nommer la cause majeure de la crise : "l'islamisme", on dirait un secret de famille dont on ne parle pas alors que tout le monde sait. »

    « Qu'est-ce qu'un yaourt dans la forêt ? » Un yaourt nature !

    Voilà, le genre de blague dit Carambar que mon frère offrait à ses élèves à la fin des cours. Les avis seront sans doute partagés sur la puissance comique de cette blague. Néanmoins, je crois que les blagues que Samuel stockait dans un petit carnet n'étaient pas destinées à faire rire autre que lui.

    Il savait parfaitement que cela entraînerait une certaine raillerie cachant une incertitude propre à l'adolescence, c’est-à-dire ne plus savoir si on peut rire d'une blague d'enfant maintenant qu'on est grand. Il savait également, que les professeurs qui marquent une vie sont ceux qui ont une attitude singulière, qu'il faut savoir se démarquer « pour attirer l'attention, rompre la monotonie et ainsi enseigner comme personne d'autre ». Attitude qu'il a peut-être apprise dans un film culte des ados de 1989 Le cercle des poètes disparus, lui avait 16 ans à l'époque.

    Je remercie maintenant le Théâtre libre dirigé par Jean-Marc Dumontet de nous accueillir aujourd'hui dans le cadre de la 7e édition de Paroles citoyennes. Je remercie Charles Berling pour la lecture et prochainement la mise en scène de la pièce de Théâtre « Le Professeur » écrite par ma très chère et désormais amie Émilie Frèche. Je remercie également Daniel Benoin, Bérangère Warluzel, Caroline Proust et Alain Fromager.

    Émilie a rejoint tous ceux qui forment la garde rapprochée voltairienne de Samuel. Je sais qu'ils sont légion derrière lui avec l'espoir chevillé au corps et l'absolue certitude de devoir mener ce combat pour lui rendre justice, faire jurisprudence et rétablir ainsi ce qui est juste. Tu vois Samu, tu les as tes Voltaire, toi qui voulais que ta vie et ta mort servent à quelque chose. Ta vie a été vouée à l'instruction, ta mort servira à éviter récidive notamment à travers la culture.

    Que le 7e art investisse ce fait marquant de notre histoire est impératif à la création d'une mémoire collective. Notre rapport à la mémoire doit être un présent qui parle du passé et non pas un passé omniprésent qui nous empêcherait de le dépasser. Un présent conscient de son passé prépare un avenir qui ne sera pas une répétition de son passé.

    La liberté d'expression est la gardienne de toutes les autres libertés.

    Le cours de mon frère qualifié de façon grotesque d' « atteinte à la laïcité » par l’Éducation nationale était un cours sur la liberté d'expression et la liberté de la presse. Il convient de rappeler que s'il y a une liberté dont dépendent toutes les autres libertés, c'est bien la liberté d'expression qui est la concrétisation de la liberté de conscience.

    La liberté d'expression est la gardienne de toutes les autres libertés, en la supprimant aucune autre liberté ne pourrait exister, ou du moins elles seraient toutes rapidement restreintes. Il est assez simple de comprendre que si on retire des mots à une phrase, cela peut changer le sens de la phrase au point de vouloir dire tout voir son contraire. En réduisant le nombre de mots et en tordant le sens des mots, la pensée se retrouve entravée ce qui fait le lit à d'un État totalitaire.

    Fascisme ou anarchisme ne veulent pas simplement l'anéantissement de la société en place, ils souhaitent édifier sur ses cendres un ordre nouveau. Il va peut-être falloir exiger que les uns et les autres expliquent clairement quel est leur projet.

    Pourquoi tout va si mal à l'école ? Une école qui n'est que le reflet de notre société ?

    Nombre d'adolescents de nos jours ont une incapacité totale de s'extraire du présent et donc de se projeter dans un avenir, ce qui les empêche de mesurer la portée de leurs actes pour autrui et pour eux.

    Ils se retrouvent également dépossédés de toute empathie, pourtant l'empathie rétablirait la capacité de traiter l'autre comme son égal et de comprendre que le mal causé à quelqu'un, s'il lui était fait, lui ferait mal aussi.

    La combinaison de ces deux carences aboutit inévitablement à l'abstraction de toute notion de responsabilité et à une montée de la violence. L'inquiétude provient à mon sens dans la persistance après les faits avec une dissociation mentale entre leurs actes et le mal causé.

    La faiblesse des peines, cette justice laxiste et la recherche systématique d'une cause psychologique du mal ne restaurent aucune prise de conscience, n'évitent aucune récidive et envoient de très mauvais signaux à la société. L'impunité et l'injustice entraînent une inversion totale des valeurs. Ça se paye et ça se gagne, une deuxième chance.

    De manière étonnante, l'État aujourd'hui a également l'incapacité totale de s'extraire du présent et donc de se projeter dans un avenir, ce qui l'empêche de formuler des mesures qui dépassent le simple fait d'annonce.

    L'État se cantonne à être un gestionnaire de crise mais ne prévient nullement la crise. Il se retrouve également incapable de nommer la cause majeure de la crise, l'islamisme, on dirait un secret de famille dont on ne parle pas alors que tout le monde sait. Le secret semble être tenu par un contrat dont l'évidence ne serait rompre.

    Si l'État se considère irresponsable de ses actes, l'État est alors bien malade pour avoir une telle abolition de son discernement.

    La combinaison de ces deux carences aboutit inévitablement à l'abstraction de toute notion de responsabilité et à une fuite en avant puisque le retour en arrière serait trop difficile.

    La même inquiétude, comme chez l'adolescent, provient à mon sens dans la persistance après chaque fait avec une dissociation mentale entre l'absence d'acte et le mal causé. Avec un État adolescent, la république exemplaire n'est plus, emportant avec elle la république des responsables.

    Si l'État se considère irresponsable de ses actes, l'État est alors bien malade pour avoir une telle abolition de son discernement. Notre modèle social a été conçu pour prendre en charge ceux qui ne peuvent pas faire société. La bien-pensance désormais souhaite également prendre en charge ceux qui ne veulent pas faire société.

    Cette bien-pensance est atteinte du syndrome du sauveur. Le syndrome du sauveur touche les individus ayant un problème d'ego avec un besoin permanent de recevoir de la gratitude et de la reconnaissance d'autrui, c'est pour cela qu'ils encouragent les postures victimaires. Sous un sophisme travaillé et un renversement de la charge de la preuve, ces nouveaux bien-pensants arrivent à faire passer leur pathologie pour de l'altruisme.

    Ils sont spécialisés en excuse ou alibi pour justifier toutes les exactions de leurs victimes autoproclamées. Ils sont surtout prêts à sacrifier sur l'autel de la bien-pensance tous ceux qui ne trouvent pas grâce aux yeux de leurs pseudo-victimes. En l'absence de traitement médical ayant fait ses preuves pour cette pathologie, il va peut-être falloir « former un cordon sanitaire autour d'eux » comme le dit si bien Richard Malka.

    Il n'y a pas de trou dans la raquette, la raquette n'a pas de cordes.

    Venons-en maintenant à ce qui appartient à la grande famille du mot « fuite ». Alors on a l'évitement, le retrait, l'autocensure, les renoncements, la « convenance personnelle ». Pour le rectorat de Paris cela se nomme ainsi, le relativisme blasé, avec un soupçon de pacifisme tolérant qui viendra cacher la lâcheté.

    Quand un climat d'insécurité s'installe, quand on sait que certains sont morts et que d'autres se retrouvent régulièrement menacés de mort, quand on sait que les violences et agressions faites aux enseignants sont multiples, quand on sait qu'il n'y a aucun remède proposé, alors il n'y a plus d'espoir et ce qui protège c'est le départ.Alors comment on fait pour rester et ne pas plier malgré le poids de la pression et de la peur ? Comment on fait Monsieur Macron, Monsieur Attal et Madame Belloubet ? Madame le ministre de l’Éducation Nationale, Il est évident, comme tout employeur, que vous devez assurer la protection de vos employés. Il me semblait pourtant que cela faisait déjà partie des acquis sociaux. Mme la ministre de l'Éducation nationale, je vous rappelle également que tout employeur a également le devoir de prévenir les risques dès lors qu'ils sont identifiés, parce qu'il n'est pas acceptable que nos enseignants et tout acteur exerçant dans un établissement scolaire subissent pressions, menaces et agressions.Alors comment on fait pour rester et ne pas plier malgré le poids de la pression et de la peur ? Comment on fait Monsieur Macron, Monsieur Attal et Madame Belloubet ? Madame le ministre de l’Éducation Nationale, Il est évident, comme tout employeur, que vous devez assurer la protection de vos employés. Il me semblait pourtant que cela faisait déjà partie des acquis sociaux. Mme la ministre de l'Éducation nationale, je vous rappelle également que tout employeur a également le devoir de prévenir les risques dès lors qu'ils sont identifiés, parce qu'il n'est pas acceptable que nos enseignants et tout acteur exerçant dans un établissement scolaire subissent pressions, menaces et agressions.

     


  •  Olivier Galland notait que 32% des lycéens musulmans estimaient que la religion l'emportait sur la science.
    Nicolas Vallauri / La Provence / Maxppp

    Clivage religieux, valeurs culturelles, morale : les jeunes et la tentation du repli identitaire

    Clivage religieux, valeurs culturelles, morale : les jeunes et la tentation du repli identitaire

    Loin du référentiel socio-économique de leurs aînés, les jeunes se politisent à partir des questions culturelles. Quitte à cliver.

    Si vous leur parlez d’universalisme, vous risquez de passer pour un vieux con. Chez les jeunes, en effet, la radicalité s’opère désormais sur le front de l’identité et des valeurs culturelles – et non plus sur un référentiel socio-économique. Quitte à créer une génération très clivée, entre une alliance religieux-« progressistes » d’un côté et un bloc « à droite toute » de l’autre. Ces oppositions se sont d’ailleurs nettement manifestées à la dernière présidentielle. Selon l’analyse électorale menée par les chercheurs Vincent Tiberj et Laurent Lardeux, si les candidats Mélenchon et Le Pen sont arrivés largement en tête chez les 18-34 ans (35,5 % ont voté pour le candidat LFI, 29 % pour la candidate RN), ce n’est pas pour leurs propositions socio-économiques mais pour leurs positions culturelles, comme le rapport à la diversité, au genre, à l’autorité. Des variables beaucoup plus déterminantes chez les jeunes que chez leurs aînés.