• Selon deux chercheuses, en se concentrant sur des positions centristes, les partis de gouvernement peinent à se différencier les uns des autres.

     Par Antoine Bristielle*

     

    La recherche de l'electeur moyen pousse immanquablement les partis politiques de gauche et de droite a converger vers une sorte de ventre mou centriste. Or, la consequence premiere de cette convergence ideologique va etre de rendre peu distinctes les differences de positionnement des grands partis de gauche et de droite.

     

     

    La percée de l'Alternative für Deutschlanden Allemagne lors des élections dans le Land de Thuringe en octobre 2019, la participation de Podemos à un gouvernement de coalition en Espagne depuis le début de l'année 2020, le pouvoir exercé par Syriza en Grèce entre 2015 et 2019 : les démocraties européennes sont marquées par l'apparition et le succès de nouveaux acteurs politiques dont la particularité première est d'assumer un positionnement à la marge du système politique. Sur le plan idéologique, ils se différencient en effet clairement des partis politiques existants en développant des opinions..


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    Après une semaine marquée par les polémiques sur les violences policières et les manifestations contre le racisme, Christophe Castaner reçoit les syndicats jeudi et vendredi. Jeudi matin, le ministre de l’Intérieur a également rencontré la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), afin de signer une convention pour multiplier les interventions de l’association dans les écoles de police.

    « La police, c’est pas ça. » Voilà ce que retient Raphaël de son éprouvante rencontre avec des policiers à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Il est l’un des quatre garçons de 14 ans qui ont été interpellés, gardés à vue 24h sans raison, tout en subissant insultes racistes et homophobes (« Mets les deux noirs ensemble ») selon leurs témoignages recueillis par France Inter. Leurs parents ont porté plainte. Mais l’expérience ne décourage pas l’adolescent, en lycée pro sécurité : « J’ai vu ce qu’il ne fallait pas faire quand je deviendrai policier ».

    Combien sont-ils, ces jeunes, issus de l’immigration ou des quartiers sensibles, qui rêvent de l’uniforme bleu ? Moins nombreux qu’il y a quelques années, constatent des acteurs de terrain. En l’absence de statistiques ethniques, impossible de porter un regard précis. « On est aveugle là-dessus », résume-t-on à la préfecture de police. Aux Etats-Unis, la police de Los Angeles compte dans ses rangs près de 50 % d’agents issus des minorités. La France s’en tient à un tableau impressionniste, où les affaires médiatiques de racisme heurtent le modèle d’une police intégratrice.

    Ouverture. Comme si l’objectif d’une police à l’image de la nation, fixé par Jean-Pierre Chevènement à la fin des années 1990, s’était évanoui… Avec la création des ADS (adjoints de sécurité), l’institution s’était pourtant ouverte. « En deux ans, 20 % de nos 14 000 ADS sont venus des quartiers », se félicitait le ministre de l’Intérieur en 2000. D’après une enquête du Monde, 7 % des gardiens de la paix portaient un patronyme à consonance africaine ou maghrébine en 2005, contre moins de 2 % en 1995. En 2010, les effectifs du ministère de l’Intérieur comptaient 1,4 % d’immigrés et 3,4 % de descendants d’immigrés, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined).

    Les rangs des gardiens de la paix reflètent le plus la diversité de la société. « Mais dans l’ensemble, la police ne ressemble pas à la population française », regrette Driss Aït Youssef, président de l’Institut Léonard de Vinci et auteur en 2009 d’un rapport sur le sujet commandé par Brice Hortefeux. « Elle fait moins rêver depuis quelques années. Il y a eu un léger regain d’attractivité après les attentats de 2015, vite retombé car cela reste un métier difficile, mal payé. Les concours ne sont pas pourvus. On va chercher au fond du panier. »

    La montée des tensions entre représentants des forces de l’ordre et jeunes issus des quartiers a écorné l’image de la police. Pour ceux qui choisissent quand même de l’intégrer, le climat ambiant ne donne pas toujours envie d’y rester. Nadia, recrutée comme ADS en 2011, en région parisienne, en témoigne. Son chef de brigade réclamait systématiquement le transfert des agents d’origine maghrébine. Trois, dont elle, en ont fait les frais. « Il ne supportait pas les Noirs et les Rebeus (sic) », raconte-t-elle. Le commandant interdisait aussi aux agents de se faire la bise (« On n’est pas des pédés »). Après des plaintes, ce dernier a fini placardisé et le capitaine muté… Nadia a quand même quitté « la famille police » : « Je n’aurais pas tenu... Si on n’entre pas dans ce moule, on est mis à l’écart ».

    Dans son rapport 2019, l’IGPN fait état de 8 signalements pour harcèlement discriminatoire et 24 pour discrimination, soit 4 et 11 % des faits pour harcèlement portés à sa connaissance. Les agents s’efforcent de s’adapter avant de se tourner vers la voie hiérarchique. Une policière a longtemps hésité avant de saisir la police des polices, en mars. Dans un enregistrement que l’Opinion s’est procuré, on l’entend expliquer patiemment à ses collègues que leurs mots (« bougnoules », « youpins », « bicots ») peuvent être vécus comme irrespectueux. En vain.

    Mots. « Ce qui est étonnant, c’est la résurgence de mots qu’on n’entendait plus », confie une source à la préfecture de police de Paris, en référence au vocabulaire exécrable hérité de la guerre d’Algérie. L’intervention à l’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au cours de laquelle un homme en fuite est repêché dans la Seine, a jeté une lumière crue sur ces dérives : « Un bicot comme ça, ça nage pas », entend-on sur la vidéo diffusée le 26 avril. Puis : « Ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied. » Le préfet de police a saisi l’IGPN. « Le sujet n’est plus tabou, estime pourtant Patrice Bilgoray, qui intervient dans les écoles de police pour la Licra. Avec la jeune génération, des attitudes, des mots ne passent plus. »

    La dégradation des relations police-jeunes des quartiers n’a rien arrangé. « Avant, on allait dans les banlieues en chemisette et 7.65 à la ceinture, se souvient Christophe Rouget, secrétaire général du Syndicat des cadres de sécurité intérieure (SCSI). Depuis les années Sarko, on valorise le chiffre et l’interpellation. Un sourire aux habitants ne compte pas, une garde à vue si. En parallèle, l’apartheid social et ethnique s’est aggravé. Cela donne des interventions conflictuelles, comme en zones de guerre, où la police et les jeunes sont face à face. » Au point, selon un gradé parisien, de glisser vers une « logique de bande contre bande ». Cette conflictualité produit des biais racistes, selon Mathieu Zagrodzki, sociologue spécialiste des relations police-population.

    A l’inverse, l’uniforme n’est plus toujours une fierté. Nombreux sont les policiers issus des cités qui craignent de passer pour des « traîtres » ou des « vendus » — on l’a entendu dans une manifestation parisienne, début juin. Quant aux jeunes recrues des zones rurales, qui forment le gros des bataillons, ils ont souvent une image dégradée de la banlieue. Leur affectation dans les quartiers sensibles produit un nouveau choc. « Cela peut générer des réactions de repli sur soi, de racisme, de violence, des conduites addictives, voire des suicides », décrit Driss Aït Youssef.

    L’encadrement intermédiaire n’est pas à la hauteur. En cause, la diminution des cadres entamée en 1995. La police nationale comptait alors 18 000 inspecteurs, pour 8 000 officiers et 1 600 commissaires aujourd’hui. « C’est aux commissaires de tenir leurs troupes, mais le système est trop pyramidal, embolisé par les tâches administratives, et les officiers se trouvent entre le marteau et l’enclume », résume un fonctionnaire. Lors de l’interpellation de Cédric Chouviat, livreur décédé à Paris après un contrôle routier, aucun gradé parmi les trois policiers pour dire « stop ».

    « Comme partout, l’échelon supérieur de la police reste white, relève le syndicaliste Christophe Rouget. Chaque année, la police recrute environ 50 commissaires et 70 officiers. Trop peu pour modifier massivement l’image de la police nationale ». Cela changerait-il les mentalités ? « Il ne faut pas se voiler la face, témoigne un autre fonctionnaire. Les flics black sont aussi durs avec les jeunes de banlieue que les flics blancs. »