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Pourquoi l’article 40 de la Constitution pourrait semer la pagaille à l’Assemblée
Pourquoi l’article 40 de la Constitution pourrait semer la pagaille à l’Assemblée
Les députés se sont, presque, toujours pliés à l’article 40 de la Constitution. Mais, avec la configuration de l’Assemblée, cela pourrait bientôt changer.
« Jusqu'en 2022, tous les présidents de la commission se sont comportés comme des juges impartiaux dans l'application de l'article 40, et non comme des politiques, observe Jean-Pierre Camby, professeur associé à l'université de Versailles Saint-Quentin et ancien administrateur de l'Assemblée, qui a longtemps instruit ces dossiers. On a même vu des présidents décider de l'irrecevabilité d'amendements qu'ils avaient eux-mêmes signés, convaincus de la pertinence de celui-ci, mais scrupuleux sur le respect de la Constitution. »
Quand Yaël Braun-Pivet reprenait la main
« Depuis 2022, le président de la commission des Finances, Éric Coquerel, est plus réticent à appliquer cette mission constitutionnelle, les décisions sont plus aléatoires », poursuit Jean-Pierre Camby.
En juillet 2022, des députés de plusieurs groupes d'opposition ont déposé des amendements visant à la réintégration des personnels soignants non vaccinés. Ceux-ci ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40, « non de mon fait, accusait Éric Coquerel, mais au nom de la présidente de l'Assemblée nationale [Yaël Braun-Pivet, NDLR]. Les arguments qui nous ont été donnés par le Bureau, c'est que ces amendements créeraient une dépense nouvelle. Ce qui laisserait supposer que la suspension de ces personnels était en réalité une mesure d'économie. Je ne le crois pas. »
Dans le cas d'un amendement, l'article 89 du règlement de l'Assemblée nationale dispose en effet que « le président de l'Assemblée décide après consultation du président de la commission des Finances ». « L'application littérale n'avait jamais été pratiquée depuis 1958 », souligne Jean-Pierre Camby.
Le cas ne s'est pas reproduit depuis mais, s'il venait à se répéter, Yaël Braun-Pivet jouerait probablement à nouveau les garde-fous. « Il n'y a donc pas de problème procédural, estime Jean-Pierre Camby. Mais il y a un problème politique. Si la présidente reprend la main sur un amendement symbolique, comme avancer l'âge légal de départ à la retraite, c'est elle qui supporterait le poids de l'impopularité d'une telle décision. »
Le risque d'un bureau qui fermerait les yeux
Pour les propositions de loi, en revanche, c'est le bureau de l'Assemblée qui décide. Jusqu'à présent, la coutume était de laisser les propositions de l'opposition arriver jusqu'au vote en séance afin qu'elle puisse s'exprimer. Les textes avaient peu de chance d'être approuvés par un vote de l'hémicycle, puisque l'opposition était en minorité. Ce qui n'est plus vrai aujourd'hui !Or, le bureau de l'Assemblée étant désormais composé d'une majorité absolue de membres du Nouveau Front populaire (douze représentants sur 22), « il pourrait très bien laisser arriver en séance des propositions de loi irrecevables », redoute Jean-René Cazeneuve (Ensemble pour la République), ancien rapporteur général du budget, toujours membre de la commission des Finances. « Ce moment-là, explique Jean-Pierre Camby, il faut que les députés du camp présidentiel invoquent l'article 40. Le vote de l'hémicycle décidera. » Les précédents, notamment pendant la période allant de 1995 à 2008, ont toujours vu les textes problématiques échouer à être adoptés en séance.Et si le vote en séance débouchait sur une adoption du texte non conforme aux exigences constitutionnelles ? Un recours devant le Conseil constitutionnel est possible. « Le Conseil n'a jamais désavoué les décisions parlementaires relatives à l'article 40, note Jean-Pierre Camby. Au premier désaveu, l'autonomie laissée par le Conseil aux instances parlementaires deviendra suspecte. »
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