• Un orteil implanté à la place du pouce de la main : prouesse à l’Institut Aquitain de la main de Pessac

    Un orteil implanté à la place du pouce de la main : prouesse à l’Institut Aquitain de la main de Pessac

     

    Un orteil implanté à la place du pouce de la main : prouesse à l’Institut Aquitain de la main de Pessac

     

    Le patient charentais avait perdu son pouce gauche, suite à un accident du travail. Deux chirurgiens de l’équipe de l’Institut aquitain de la main à Pessac (33), lui ont greffé son propre orteil à la place du pouce. Récit d’une prouesse chirurgicale

     

    Son orteil à la place du pouce gauche. Pourquoi pas ? Et pourquoi pas. Un homme d’une quarantaine d’années vient d’être opéré à l’Institut Aquitain de la main sur le site de l’hôpital privé Saint-Martin de Pessac (33), et son pouce déchiqueté par un accident a été remplacé par son orteil. Et il bouge déjà. Un exploit de chirurgie réparatrice, minutieuse et précise comme de la dentelle de Calais. À son réveil, après 10 heures sur le billard, l’homme a regardé sa main restaurée et déclaré : « Donc j’ai un nouveau pouce presque normal. Je vais pouvoir enfin me remettre au boulot ! » L’équipe chirurgicale l’a regardé avec des yeux ronds derrière leur tenue de cosmonaute et l’un d’eux s’est résigné à lui dire, qu’il fallait attendre un peu : « Il y aura de la cicatrisation et de la rééducation avant ». Il devra se réapproprier cet organe récupéré dans son propre pied, l’adapter à sa main, et aussi un peu réapprendre à marcher avec un orteil en moins, ce qui devrait aller vite.

    Clinique Saint-Martin Pessac, reportage pendant une intervention de la main.Clinique Saint-Martin Pessac, reportage pendant une intervention de la main.

    Fabien Cottereau / SUD OUEST (archives)

    Aux scalpels, deux « stradivarius » de la microchirurgie de la main, Benjamin Sommier et Elias T. Sawaya. L’équipe de l’Institut aquitain de la main, accrédité ARS et la Fédération Européenne des services d’urgence de la main « SOS main » compte neuf chirurgiens, tous des premiers violons, deux rééducateurs orthésistes et 6 anesthésistes, tous focus sur les mains. Les urgences mains de Pessac reçoivent chaque année 12 000 patients venus de toute la Nouvelle-Aquitaine, dont 9 000 devront être opérés en suivant, sans compter les 4 000 qui eux, à l’instar de l’homme qui avait perdu son pouce, subiront des opérations programmées. Parmi les prouesses quotidiennes, on peut citer, il y a quatre ans, la réimplantation d’une main chez un septuagénaire de Dordogne et plus récemment, cet été, celle des trois doigts d’une même main chez un patient.

    Comment on fait ?

    Un ouvrier d’une quarantaine d’années venu de Charente est envoyé au cours de l’année 2024 à l’Institut Aquitain de la main de Pessac, par son médecin généraliste et un chirurgien charentais. L’homme a été victime d’un accident il y a quelques années, le privant de son pouce qui a été arraché. La plaie est cicatrisée, mais il ne peut plus exercer son métier. « Le pouce, commente le docteur T.Sawaya, représente dans la main, la pince, c’est un des détails qui nous différencie des autres primates, une des fonctions évolutives de l’Homme qui lui permet d’écrire, d’attraper, de fabriquer… Rôle fondamental de la main, au contraire de l’index et du majeur par exemple. Le patient est un travailleur manuel, l’absence de ce pouce, même à la main gauche, qui est la main-guide, le handicape. L’équipe de l’Institut a réfléchi sur les meilleures options chirurgicales possibles : le transfert d’orteil pour gagner un pouce s’est révélé la meilleure. » Quoique risquée et nécessitant une grande expertise.La première opération du genre a été effectuée à Strasbourg en 1980, elle fut décrite par un chirurgien du nom de Guy Foucher. Description de l’intervention par Benjamin Sommier : « Après avoir prélevé le squelette du 2e orteil gauche du pied du patient, ainsi que la peau et l’ongle de son gros orteil, nous avons greffé l’ensemble à l’emplacement du pouce manquant. Une fois l’os et l’articulation enrobés par le transplant de peau, les vaisseaux, nerfs et tendons sont alors raccordés à la main. Un des grands avantages de cette procédure est de laisser en place le squelette du gros orteil qui sera à son tour enrobé par la peau du 2e orteil, indispensable pour la stabilité du pied donneur. » Les photos montrent le pied gauche du patient dont le gros orteil stabilisateur de la marche a été préservé, au détriment du second orteil. « Aucune intervention de ce type ne se pratique sans un consentement très éclairé du patient, ajoute le docteur Elias T-Sawaya. On lui a expliqué tout le protocole, et nous lui avons laissé six mois de réflexion. Il connaissait les risques. »

    Comment va-t-il ?

    Quelques jours à peine après son intervention, le patient est encore en soins intensifs et n’a pas l’intention de devenir la vedette du jour. Il va bien, le suivi post-opératoire se révèle « très satisfaisant, avec une bonne vascularisation du nouveau pouce » selon les chirurgiens. Le pouce ressemble à un pouce ordinaire, il commence à bouger lorsqu’on le sollicite ce qui est un excellent signe, mais le quadragénaire devra encore compter trois mois avant que l’os se soude correctement à la main, avant d’envisager une rééducation d’au moins six mois. À la suite de quoi il pourra reprendre le boulot. Quant au patient qui avait perdu ses trois doigts, il est toujours hospitalisé, les doigts ont été réimplantés avec succès. Et celui dont la main avait été sectionnée il y a quatre ans, puis autogreffée, vit sa meilleure vie en Dordogne.

     

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