• « Un jour, il y aura un mort » : à Bordeaux, les dérives du jet-ski sèment le trouble sur la Garonne

    « Un jour, il y aura un mort » : à Bordeaux, les dérives du jet-ski sèment le trouble sur la Garonne

     

    « Un jour, il y aura un mort » : à Bordeaux, les dérives du jet-ski sèment le trouble sur la Garonne

     

    L’entreprise Bordeaux Jet, spécialisée en randonnées fluviales, dénonce les répercussions de ces incivilités sur ses activités. © Crédit photo : Laurent Theillet / SO

    À Bordeaux, les usagers du fleuve subissent les conséquences des débordements relevés cet été de la part de particuliers en jet-ski, à présent dans le collimateur des autorités

    « Ils sont dans la provocation », déplore le directeur de la navigation d’une agence d’excursions qui, « par peur des représailles », préfère garder l’anonymat. À Bordeaux, les plaintes des riverains et usagers du fleuve n’ont de cesse d’augmenter au sujet d’incivilités de la part d’une poignée de particuliers qui s’adonnent à des rodéos fluviaux en scooters des mers. À cela, s’ajoutent plusieurs drames à bord de jet-skis ayant marqué le mois d’août en Gironde, entre disparition suspecte dans la Garonne et accident mortel à Arcachon.

    « Avec l’interdiction à Arcachon, ils sont tous venus à Bordeaux », souffle le gérant d’un bateau-école bordelais. Les villes d’Arcachon et de Lège-Cap-Ferret ont pris un arrêté le 30 avril interdisant la mise à l’eau des jet-skis de particuliers, effectif entre le 15 juin et le 15 septembre. Pourtant, depuis 2017 à Bordeaux, la navigation des véhicules nautiques à moteur (VNM) est aussi interdite du 1er juin au 15 septembre (sauf pour les randonnées encadrées), entre le pont de pierre et le pont Jacques Chaban-Delmas.

    « Ils ne respectent rien »

    Dans la bouche des professionnels du fleuve, le sujet est brûlant. La gérante d’une compagnie d’excursions en bateau à Bordeaux se souvient d’une altercation sur son ponton à la fin du mois d’août. Un face-à-face avec des particuliers « très virulents » venus amarrer illégalement leurs jet-skis. « Ça s’est terminé en insultes », décrit-elle.

    Sur l’eau aussi, la cohabitation est difficile, voire dangereuse. « Ils ne respectent rien, certains vont à fond, en pleine nuit et ne mettent pas de gilets », dépeint la gérante. D’après la réglementation, en dehors de la période d’interdiction des VNM, la vitesse est limitée à 25 km/h entre les deux ponts. La navigation doit se faire de jour, muni d’un gilet de sauvetage.

    « Avant, quand on s’approchait des quais en jet-skis, les gens nous saluaient. Maintenant, on est mal regardés »

    « Ils cherchent le frisson et se mettent derrière les vagues de nos bateaux. Les capitaines s’en plaignent car, s’ils tombent, ils se retrouveront dans l’hélice et on ne pourra rien faire pour eux. Un jour, il y aura un mort », craint-elle. Le commandant de la compagnie voisine le confirme, « ils se rapprochent dangereusement des bateaux et s’amusent à faire des gerbes d’eau. Ça donne une très mauvaise image pour les personnes à bord ».

    Stigmatisation

    Cette mauvaise image, Bordeaux Jet (seule société de randonnée fluviale de la zone, basée à Lormont), la subit déjà de plein fouet. « Tout l’été, nous avons reçu des coups de fil pour nous dire qu’il fallait calmer nos clients », livre Charles Lebrun, en assurant pourtant n’avoir rien à voir avec ces débordements. Le gérant, qui propose depuis 2013 des randonnées encadrées par des moniteurs, se dit fortement impacté par ces rodéos fluviaux, notamment au travers d’une stigmatisation généralisée.

    Il se souvient : « Avant, lorsque l’on s’approchait des quais en jet-skis, les gens nous saluaient. Maintenant, on est mal regardés car on a mauvaise presse. C’est simple, on paie les conséquences de comportements inadaptés et non sécuritaires. » En plus de dix années d’activité sur le fleuve – et près de 15 000 clients transportés à bord de jet-skis – aucun accident n’a jamais eu lieu. « Il y a des règles de sécurité à respecter et des diplômes à avoir pour bien encadrer les sorties. La Garonne, c’est aussi dangereux que la mer. Ils doivent prendre conscience de cette dangerosité », affirme Charles Lebrun.

    Contrôles renforcés

    À la suite « de plaintes de riverains », les contrôles fluviaux se sont intensifiés depuis le mois d’août. Les autorités sillonnent la Garonne à bord de deux embarcations. Une surveillance qui impacte aussi les activités de Bordeaux Jet lors de ses sorties : « C’est simple, depuis tous ces incidents, il n’y a pas un jour sans que l’on se fasse contrôler. » Dans le cadre de la lutte contre les rodéos à jet-ski, un arrêté préfectoral du 30 août autorise les forces de l’ordre à survoler la Garonne (entre Saint-Louis-de-Montferrand et Latresne) avec leurs drones munis de caméras, du 2 septembre au 2 octobre.De nombreux professionnels du fleuve se positionnent en faveur d’un retour d’une brigade fluviale, déployée en 2013 après une série de noyades suspectes et dissoute en 2019. « C’est frustrant car, ils sont présents lors d’événements exceptionnels. Mais dès que c’est terminé, il y a plus personne », déplore le directeur de la navigation, même s’il le concède, ces dérives en jet-ski ne constituent pas un motif suffisant pour monter une équipe à plein temps.

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