Le dessert de la cantine a été remplacé. Au lieu du fromage frais annoncé, une purée de kiwis et pommes 100 % bio avec en prime une étoile de décoration. Pas de quoi perturber les élèves demi-pensionnaires de l’école Madeleine-Brès, qui attaquent le mélange fruité sans tortiller de la cuillère. Certains, comme Nora et Sokhna, 6 ans chacune, dévorent même la compote avant le plat.
En plus de satisfaire les papilles avec un produit sain, cette opération de substitution offre un surplus de sens en permettant de sauver une partie de la récolte de kiwis de Philippe Laville, présent en ce mardi 23 janvier à l’école de Parempuyre. Éva et Jeanne, en CM1, interpellent l’agriculteur. « Délicieux vos kiwis », lancent-elles au colosse barbu esquissant un sourire.
Valorisation
Maraîcher à Bruges, Philippe Laville gère une exploitation de 8 hectares. Les pluies abondantes de l’automne ont complètement noyé ses champs plusieurs jours durant, compromettant une partie de ses récoltes de légumes. Son verger de kiwis n’a pas eu plus de chance. « Il y avait de l’eau partout. C’était impraticable pour les tracteurs. Les récoltes ont pris énormément de retard. Comme mes kiwis sont biologiques, il y avait un risque de moisissure », confie-t-il.
« Les récoltes ont pris énormément de retard. Comme mes kiwis sont biologiques, il y avait un risque de moisissure »
Pour éviter de tout jeter, le maraîcher mûrit l’idée de transformer ses fruits en purée. Fournisseur pour la restauration collective, il en touche deux mots à Wilfried Rafi, directeur de la cuisine centrale du Sivom du Haut-Médoc à Blanquefort. Qui accepte. « Monsieur Laville collabore régulièrement avec nous depuis 2007. Nous l’avons déjà aidé pour ses légumes : patates douces, courges, carottes, etc. C’est pour cela que nous modifions de temps en temps nos menus », explique-t-il.
Plus difficile à transformer à cause de la peau et des poils, le kiwi a demandé davantage de travail. « On a fait des tests. J’ai sollicité un ami du Lot-et-Garonne pour essayer un mélange : 70 % de kiwis et 30 % de pommes, le tout en bio. » La cuisine centrale du Sivom s’est rapprochée de la société LTC Les Bonnes choses, située à Blanquefort, qui lutte contre le gaspillage en valorisant les fruits et légumes écartés des canaux habituels de vente. « Elle dispose du matériel spécifique pour traiter ce genre de demande », précise Wilfried Rafi.
Six communes
Huit cents kilos de purée de fruits ont ainsi été servis mardi 23 janvier. Sachant que la cuisine centrale prépare en moyenne, via la société de restauration Ansamble, quelque 6 500 repas par jour destinés aux écoles maternelles et élémentaires des six communes membres du syndicat intercommunal : Blanquefort, Bruges, Parempuyre, Le Taillan-Médoc, Le Pian-Médoc et Ludon-Médoc.Présidente du Sivom, la maire de Parempuyre Béatrice de François admet la nécessité de tendre la main aux agriculteurs locaux dans le contexte actuel. « Ils sont dans une situation difficile. Il est de notre rôle de les aider. La plupart des produits que nous proposons sont avec des labels (pas nécessairement bios) et cultivés en proximité. C’est un peu plus cher mais ce choix est assumé par les villes du Sivom qui supportent, pour la plupart, plus de 50 % du coût du repas. »