• «Changer de nom ne suffit pas à résoudre tous ses problèmes»

     

     
    Freud ou Lacan?

    «Changer de nom ne suffit pas à résoudre tous ses problèmes»

    La psychanalyste Elisabeth Roudinesco est réservée sur le texte, la philosophe Sylviane Agacinski franchement hostile

    Elisabeth Roudinesco et Sylviane Agacinski 18/01/2022 Lombard
    Elisabeth Roudinesco et Sylviane Agacinski.
    Sipa Press

    Un « état civil à la carte », c’est le risque majeur que soulèvent plusieurs philosophes, psychanalystes ou sociologues à propos de la réforme du changement de nom que l’Assemblée examine à partir de mercredi. Inquiets, non pas des modifications administratives qu’elle entraînera sur les registres des mairies, mais de ses bouleversements sous-jacents, allant même jusqu’à les situer sur un terrain anthropologique.

    Sollicitée par l’Opinion, la philosophe Sylviane Agacinski, très sévère, déplore « un terrible démontage du droit civil ». « L’état civil, c’est l’institution de la personne dans son identité sociale, son inscription symbolique dans une généalogie, un ordre qui ne dépend pas d’elle, poursuit l’auteure de L’homme désincarné. Du corps charnel au corps fabriqué (Gallimard, Tracts, 2019). Avec le choix de son nom, on ferait de chacun un sujet-roi, comme dit Pierre Legendre (historien du droit psychanalyste et fondateur du Laboratoire européen pour l’étude de la filiation). Comme si chacun pouvait décider de la loi commune. »

    Elisabeth Roudinesco est, elle, « favorable à une simplification, défavorable à un changement permanent ou pour convenance personnelle ». « La loi actuelle permet déjà beaucoup. A une femme mariée de garder son nom, aux parents de choisir quel patronyme ils souhaitent transmettre à leurs descendants, aux personnes qui le souhaitent d’utiliser un pseudonyme ou de relever un nom voué à disparaître », souligne la psychanalyste qui a écrit Soi-même comme un roi, Essai sur les dérives identitaires (Le Seuil, 2021). Les mineurs devraient être exclus du champ du texte, dit celle qui, en général, juge que ces questions (changement de nom, de genre) devraient attendre la majorité : « Un enfant, pris dans un conflit familial, peut accepter le changement puis le regretter adulte et le reprocher à ses parents ».

    « Nous assistons au carrefour de plusieurs processus : la détraditionnalisation, l’émancipation des femmes et l’essor toujours plus important de l’individualisme »

    « Légèreté ». Elisabeth Roudinesco estime en revanche qu’« il ne faut pas se mettre à hurler à la disparition du père et à la fin de la famille ». Il convient, selon elle, de dissocier le concept lacanien de la fonction symbolique du père qui donne son nom (et qui insère son « non » dans la relation entre la mère et l’enfant) de la réalité. Au passage, la psychanalyste rappelle que la moitié des foyers français sont des familles recomposées.

    Chroniqueur à l’Opinion, l’essayiste Hakim El Karoui regrettait récemment que « l’on touche au fondement anthropologique de nos sociétés avec autant de légèreté ». « En annulant le père physiquement (la PMA) et symboliquement (le changement de nom au gré des préférences des enfants), le législateur, au nom de la liberté individuelle, rend le concept de famille inopérante », dénonçait-il. « Nous assistons au carrefour de plusieurs processus : la détraditionnalisation, l’émancipation des femmes et l’essor toujours plus important de l’individualisme », analysait pour sa part fin décembre dans Marianne le sociologue Gérard Neyrand, spécialiste de la parentalité et de la famille.

    « La problématique posée par cette proposition de loi, résume Elisabeth Roudinesco, est l’ambition de vouloir tout choisir et l’idée qu’en abandonnant son nom de naissance, on réglera tous ses problèmes d’identité

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