• Emploi: vous croyez voir des bonnes nouvelles? Détrompez-vous!

     

    Les restrictions sanitaires n’ont pas empêché 57 300 emplois d’être créés au premier trimestre. Mais, malgré la reprise économique, le chômage va augmenter. Explications

    La confiance des ménages sera la clé du rebond de l’économie française au second semestre. Or, le principal déterminant du moral des ménages est bien connu, c’est l’emploi. Si le chômage augmente, les Français renforceront leur épargne déjà très abondante. Qu’il baisse et les cordons de leurs bourses se dénoueront pour être injectées dans la consommation, premier moteur de l’économie française.

    Les chiffres dévoilés par l’Insee ce vendredi matin sont en ce sens plutôt encourageant. En dépit des durcissements des restrictions sanitaires et économiques, 57 300 emplois ont été créés au premier trimestre. « Il s’agit de la deuxième hausse trimestrielle depuis le début de la crise, après un rebond nettement plus fort à l’été 2020 (+1,7 % soit +333 900 emplois entre fin juin et fin septembre) », précise l’Insee.

    « Activité partielle ». « C’est plutôt encourageant, en ligne avec la croissance de 0,4 % enregistré au premier trimestre », commente Charles-Henri Colombier, directeur de la conjoncture à Rexecode, alors que 44 % des TPE/PME citent même les difficultés de recrutement parmi les trois premiers freins à leur activité. Depuis l’explosion de la crise, seulement 262 900 emplois ont été détruits, ajoute l’institut de la statistique. Merci l’activité partielle : c’est trois à quatre fois moins que ce que l’on craignait il y a un an.

    « Relativement à ce qu’on attendait, c’est une très bonne nouvelle, commente de son côté Eric Heyer, économiste à l’OFCE et spécialiste des questions d’emploi. Ça montre aussi que nos modèles ne fonctionnent plus. Selon l’Insee, l’activité tourne aujourd’hui à 4,6 points sous son niveau normal. En ajoutant 0,8 point de gains de productivité, on devrait être à -5,4 % sur l’emploi. Or, nous ne sommes qu’à -1,3 %. Cela veut dire qu’on a économisé 830 000 emplois par rapport à ce que devrait être la situation dans un monde normal. Cela veut dire qu’on est en train d’anesthésier le marché avec 2,3 millions de personnes en activité partielle. »

    « L’une des conditions pour être recensé comme chômeur est de rechercher activement un travail. Si vous travaillez dans la restauration par exemple, c’est impossible : 454 000 personnes sont ainsi sorties des statistiques du chômage »

    Avec une croissance d’au moins 5 % attendue cette année et un second semestre qui devrait marquer la sortie de crise, faut-il s’attendre une franche amélioration sur le front de l’emploi fin 2021 ? Tout porte à la croire, alors que Pôle emploi a encore indiqué cette semaine que les entreprises allaient embaucher 30 000 salariés de plus cette année qu’en 2019. Ce serait un scénario idéal pour Emmanuel Macron à quelques mois de l’élection présidentielle.

    Situation duale. Il n’en sera rien. C’est contre-intuitif, mais tous les prévisionnistes anticipent à la fois des créations d’emplois et une hausse du chômage cette année. Plusieurs raisons à cela. Charles-Henri Colombier rappelle d’abord que l’économie est dans une situation duale. « Une partie se porte bien et a effacé la crise ou presque, mais l’autre va beaucoup plus mal. Sur les 2,3 millions de personnes encore au chômage partiel, toutes ne retrouveront pas leur emploi quand les aides cesseront », rappelle l’économiste. C’est pour cela qu’il faudra éviter une sortie brutale des aides et attendre que l’activité prenne complètement le relais des bouées de sauvetage public avant de les retirer. Grâce à l’activité partielle, seulement 1,3 % de l’emploi salariés marchand a été détruit. Aux Etats-Unis, la chute est de 5 %. La réalité française sera probablement entre ces deux bornes en sortie de crise.

    « Pour l’instant, ça tient grâce aux aides », confirme Eric Heyer. Mais l’économiste rappelle que près d’un demi-million de chômeurs ont aussi disparu des compteurs du chômage l’année dernière. « L’une des conditions pour être recensé comme chômeur est de rechercher activement un travail. Si vous travaillez dans la restauration par exemple, c’est impossible : 454 000 personnes sont ainsi sorties des statistiques du chômage. Elles vont revenir avec la réouverture des commerces et la reprise de l’activité. »

    Voilà pourquoi les chiffres du chômage — passé de 8,1 % de la population fin 2019 à 8 % seulement fin 2020 — sont extrêmement trompeurs. Et pourquoi, en dépit d’une reprise des créations d’emploi, ces dernières ne seront pas suffisantes pour absorber tous ceux qui se sont éloignés du marché du travail durant la crise, mais compte bien y revenir cette année. « La réalité est plus négative que ce que nous donnent à voir les chiffres. Attention au réveil », prévient Eric Heyer, qui prévoit une augmentation du chômage de 266 000 personnes d’ici à la fin de l’année.

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