• «Plan jeunes» ou plan pour les entreprises ?

    Jean Castex en visite dans une entreprise de Besançon pour annoncer un plan de 6,5 milliards d'euros pour les jeunes, le 23 juillet.

     

    Tout indique que l’avenir de la «génération confinée» de 2020 sera plus sombre encore que pour les précédentes. Les moyens débloqués par le gouvernement devraient être donnés directement aux jeunes plutôt qu'aux entreprises, appelle un collectif.

    e nouveau Premier ministre Jean Castex a raison de proposer un plan spécifique pour les jeunes, mais c’est hélas trop tard, trop peu, et surtout à côté de leurs enjeux immédiats. Face à la menace sanitaire, l’activité économique a été brutalement mise à l’arrêt pour sauver l’essentiel, nos vies, en particulier celles de la génération de nos aînés. Salvateur, ce choix n’en est pas moins lourd de conséquences pour une autre génération : celle qui vient.

    La règle est bien connue des sociologues : les jeunes sont systématiquement les premières victimes des crises. Leur entrée sur le marché du travail sera d’autant plus difficile, leur niveau de rémunération plus bas, leur évolution professionnelle plus lente et leur retraite plus lointaine.

     

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    Tout indique que l’avenir de la «génération confinée» de 2020 sera plus sombre encore que pour les précédentes. A l’échelle mondiale, selon l’OIT, un jeune sur six a perdu son travail depuis l’apparition de la pandémie. En France, l’Unedic estime à 900 000 le nombre d’emplois potentiellement détruits d’ici la fin de l’année, dès lors que faut-il faire avec ces centaines de milliers de jeunes qui vont rester durablement sans travail ? Attendre que l’activité reprenne ou faire intervenir la puissance publique ?

    Un énième «plan jeunes» à côté des enjeux réels

    Ce plan arrive trop tard : à l’heure où l’on parle, les recrutements des apprentis, des saisonniers et même des stagiaires ont déjà été remis en cause. Les annonces arrivent au moment où elles auraient dû être déjà mises en place.

     

    Ce plan est insuffisant : l’augmentation du nombre de services civiques et de bénéficiaires de la garantie jeunes créée par la gauche sont de bonnes mesures, de même que les contrats d’insertion. Mais ils ne compenseront pas le nombre d’emplois aidés supprimés en début de quinquennat, décision qui a fragilisé à la fois l’emploi des jeunes peu qualifiés mais aussi le secteur associatif qui intervient auprès des publics prioritaires dans les territoires les plus défavorisés.

    Enfin, ce plan passe à côté des enjeux immédiats des jeunes. Faut-il rappeler qu’avant la crise sanitaire, un jeune sur cinq vivait déjà sous le seuil de pauvreté, qu’ils sont surreprésentés parmi les sans domicile fixe et qu’ils forment une part croissante des bénéficiaires des banques alimentaires ? Or quelle est la mesure phare du plan présenté aujourd’hui ? Une aide aux… entreprises ! A l’heure où le secteur privé ne détruit bien plus d’emplois qu’il n’en crée, cette mesure coûteuse ne sera au mieux qu’un effet d’aubaine pour les entreprises qui embaucheront des jeunes concernés par la prime au détriment de salariés en fin de CDD.

    Pour les jeunes, le bénéfice est moins sûr. La question prioritaire pour des centaines de milliers d’entre eux dès aujourd’hui n’est pas l’insertion durable dans l’emploi, mais la chute brutale dans la pauvreté.

     

    Sortir les jeunes de la pauvreté pour mieux les insérer

    Le Gouvernement doit écouter le cri d’alarme des associations, professionnels de l’accompagnement des jeunes, syndicats, chercheurs, et des jeunes eux-mêmes qui refusent de se résigner au sort terrible qui leur est promis. Il faut un plan exceptionnel pour une année de récession économique exceptionnelle.

    Premièrement, l’urgence commande d’endiguer la pauvreté prévisible d’une partie de la jeunesse en donnant automatiquement accès au RSA à tous les jeunes sans activité résidant hors du foyer familial, et ce dès à présent pour compenser le manque d’emplois saisonniers lié à l’effondrement du tourisme. Contrairement aux déclarations récentes de Gabriel Attal, ex-secrétaire d’Etat à la Jeunesse, ouvrir le RSA aux moins de 18 ans, ce n’est pas un esprit de défaite, c’est un esprit de survie, un esprit de justice et de solidarité républicaine envers la génération qui vient.

    Deuxièmement, il faut imaginer dès la fin de l’été une nouvelle génération de contrats d’avenir mis en place là où de nouveaux besoins sociaux écologiques apparaissent (transition énergétique, hôpital, Ehpad, école…) et cibler en priorité les jeunes peu ou pas diplômés.

     

    Puisque la contrainte budgétaire ne semble plus en être une, puisque le gouvernement semble enfin décidé à mettre des moyens pour la jeunesse du pays, pourquoi les donner une fois de plus via les entreprises ? Pourquoi ne pas les donner directement aux jeunes pour subvenir à leurs besoins immédiats et se projeter sereinement dans leur parcours d’insertion ?

    Disons les choses, il ne s’agit pas ici d’une question de budget, de dispositif, de paramètres, de ciblage… Il s’agit en réalité d’une question de confiance.

    Puisque le gouvernement ne semble pas y être disposé, les mouvements d’inspiration social-écologiste doivent dès à présent imaginer un projet alternatif comprenant l’accès au RSA, ainsi qu’une dotation de départ pour tout jeune à partir de 18 ans lui permettant de réaliser ses projets étudiants ou professionnels. Ce n’est que par un grand signal de confiance que la gauche regagnera celle de la génération qui vient.

     

    Signataires : 
    Rémi Branco,
     Président du collectif «Du Pain sur la Planche», Fatine Ahmadouchi, Conseillère municipale à Bondy, Margaux Chikaoui, Autrice, David Chopin, chef d’entreprise, enseignant au Cnam, Kenza El Hadj Saïd, Doctorante-chercheur, Rhône, Rémy Goubert, Lycéen dans le Cantal, Carole Hamon, élue à Saint-Aubin d’Aubigné, Ille-et-Vilaine, Camille Jean, citoyenne engagée à gauche, Ardèche, Sebastien Jehanno, engagé dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées, Nantes, Clara Lepri, ingénieur, Paris, Rémy Lorblancher, engagé sur les questions de vie étudiante, Paris, Frédérique Masson, militante engagée dans le bassin minier de Lens, Frédéric Monteil, responsable politique, Pyrénées-Orientales, Emilie Mostefai, étudiante, cofondatrice de «Réglez-moi ça», Pierre Philippon, fonctionnaire de l’Etat, Toulouse, Slimane Tirera, Directeur de NewVo Radio, Seine-Saint-Denis

    Le collectif «Du pain sur la planche»

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