• Qui a peur de l’initiative citoyenne ?

    En réclamant la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), les « gilets jaunes » ont soulevé un débat centré sur le référendum. Ce n’est pourtant là qu’une voie d’expression de l’initiative citoyenne, favorisée dans plusieurs pays. Les conditions du partage de l’information et du débat public, sous le contrôle de gouvernants soucieux de protéger l’ordre établi, restent déterminantes.

    Depuis le début du XXe siècle, la volonté d’encourager l’initiative citoyenne a inspiré divers dispositifs. Ceux-ci permettent aux électeurs d’imposer aux institutions la tenue d’un débat, la remise en cause d’une loi, la prise en compte d’une question ou l’organisation d’un vote. Les citoyens peuvent ainsi contribuer, en théorie, à définir l’ordre et la nature des politiques à mener. Il est difficile de tirer des enseignements généraux d’expériences aussi disparates que les référendums d’initiative populaire dans le Colorado ou la loi sur la participation en Toscane. Cependant, deux dimensions récurrentes apparaissent : l’initiative citoyenne est très encadrée  ; et elle court le risque de voir ses règles redéfinies quand elle empiète sur des thèmes que les élites politiques ne souhaitent pas mettre en débat.

    On peut d’ailleurs rappeler une évidence : comme de nombreuses réformes « participatives » de la démocratie représentative, l’introduction du principe d’une initiative citoyenne est presque toujours décidée par des représentants élus. Logiquement soucieux de ne pas se voir déposséder trop aisément de leur capacité à cadrer les débats et les décisions publics, ils imposent des obstacles procéduraux parfois vertigineux à l’activation du droit d’initiative, à tel point qu’il peut devenir un droit « hochet », c’est-à-dire « un de ces droits que nous sommes très fiers de posséder mais que nous n’exerçons pas parce que nous savons qu’il est frappé d’impuissance ».

    Ainsi, en France, l’ordonnance du 3 août 2016 introduit une initiative citoyenne en matière de démocratie environnementale. Lorsque les responsables d’un projet d’aménagement n’ont pas respecté l’obligation d’une concertation préalable selon les modalités prévues par la loi, « un droit d’initiative est ouvert au public pour demander au représentant de l’État concerné l’organisation d’une concertation préalable respectant ces modalités ». Mais il faut pour cela la signature d’au moins 20 % de la population des communes touchées (...)

    « Lutte de classes en FranceLa caste au pouvoir »