• Semi-conducteurs: après le choc de la pénurie, le plus dur reste à faire pour l’Europe

    Joyeux Noël!

    Semi-conducteurs: après le choc de la pénurie, le plus dur reste à faire pour l’Europe

      Le pic du déséquilibre entre la demande et l’offre de composants électroniques est dépassé, affirme Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur. Mais le retour à la normale n’est pas prévu à court terme

      Semi-conducteur 15/11/2021 Legendre
      Des semi-conducteurs.
      Sipa Press
      Les faits -

      Une étude du cabinet de conseil Kearney presse les dirigeants européens de réagir face au déclin de l’industrie des semi-conducteurs sur le Vieux continent, au risque de se retrouver complètement dépendant de la Chine ou des Etats-Unis. En vingt ans, la part européenne sur le marché mondial des puces est passée de 25 % à 8 %.

      Et s’il n’y avait pas assez d’iPhone à Noël ? « Il y a un risque, malheureusement. Donc j’invite instamment tous les clients à faire leurs achats le plus tôt possible », a recommandé Tim Cook, le PDG d’Apple, au début du mois lors d’une émission de “C à Vous”. Ce n’est pas seulement une astuce de bon vendeur. La firme à la pomme a décidé de réduire sa production d’iPad pour réserver ses puces à son stock d’iPhone 13, mais cela pourrait bien ne pas suffire.

      Simon Segars, le patron d’ARM — société qui fournit l’architecture utilisée dans de nombreux produits électroniques — est, lui, confiant… pour Noël 2022, pas avant. Lors du dernier Web Summit de Lisbonne, il a pointé un déséquilibre « sans précédent » entre l’offre et la demande mondiale de semi-conducteurs , soulignant qu’il faut parfois attendre 60 semaines pour obtenir la puce indispensable à la confection d’un ordinateur ou d’une console. Plus d’un an, donc.

      La pénurie, qui fait notamment chuter la production automobile mondiale, ne sera sans doute pas totalement surmontée avant 2023, affirmait d’ailleurs il y a quelques semaines le directeur général de Mercedes-Benz, Ola Källenius. « Elle ne va pas durer, mais elle ne va pas non plus s’effacer en trois mois », a confirmé dimanche Thierry Breton. « Le pic est derrière nous, mais il faudra plusieurs trimestres avant un retour à la normale, probablement l’été prochain », a ajouté le commissaire européen au Marché intérieur.

      « Des analystes estiment à 50 milliards d’euros la perte de revenus pour les équipementiers automobiles mondiaux en 2021 »

      « Pont de cash ». Si les consommateurs s’impatientent de pouvoir remplacer leur voiture ou de s’offrir le dernier gadget à la mode, la question est surtout de savoir si les entreprises grandes consommatrices de semi-conducteurs vont tenir le choc de cette crise « sans précédent ». « Des analystes estiment à 50 milliards d’euros la perte de revenus pour les équipementiers automobiles mondiaux en 2021 », souligne une étude du cabinet de conseil Kearney sur les semi-conducteurs.

      Pour l’heure, en France, « l’économie est encore sous la protection du quoi qu’il en coûte, avec les prêts garantis par l’Etat (PGE) et le système d’activité partielle de longue durée dans certains secteurs, dont l’automobile. Cela évite des problèmes de trésorerie, souligne l’économiste Christian Parisot. Mais des écarts ont surgi dans les comptes du troisième trimestre entre les industriels qui ont vraiment manqué de puces, c’est le cas de Renault par exemple, et celles qui ont mieux géré cette situation, comme Toyota. Le quatrième trimestre risque d’être très difficile », redoute-t-il.

      « S’il faut faire un pont de cash pour aider certaines entreprises à passer la période, on le fera », assure le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, pour qui les différentes pénuries, et notamment celle de semi-conducteurs, sont l’un des principaux risques pesant sur les entreprises aujourd’hui. Un risque dont on ne commence à mesurer l’impact dans les enquêtes de conjoncture que depuis la rentrée de septembre. Pour y faire face, Bercy vient d’ailleurs de repousser de trois mois le début du remboursement des PGE. Initialement prévus en mars, ils ne débuteront qu’au mois de juin. Pas question de parasiter la présidentielle. Et d’ici là, la situation devrait commencer à se normaliser.

      La consommation européenne de semi-conducteurs devrait doubler d’ici à 2030 pour atteindre près de 80 milliards d’euros

      Retard colossal. A Bercy, on rappelle que « le gouvernement a mis en place une cellule de crise pour suivre le sujet au plus près en lien avec France Industrie et les Comité stratégiques de filières ». « En complément d’actions concrètes de court terme comme l’accélération des passages en douanes et des livraisons, 95 projets de relocalisations d’entreprises de l’électronique ont bénéficié de financements de France Relance, pour un total d’investissements public-privé de 410 millions d’euros », souligne-t-on dans l’entourage de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher.

      Alors que, selon Kearney, la consommation européenne de semi-conducteurs devrait doubler d’ici à 2030 pour atteindre près de 80 milliards d’euros, le Vieux continent accuse quand même un retard colossal dans la course à la miniaturisation. Sa part dans la production mondiale de puces s’est littéralement effondrée ces vingt dernières années, passant de 25 % à 8 % aujourd’hui. Voire. Un semi-conducteur sur cinq de dernière génération était fabriqué en Europe au début des années 2000 ; il n’y en a plus aucun aujourd’hui. « Il est crucial que les pouvoirs publics mettent en place des mesures incitatives pour faire face à la concurrence asiatique, alerte ainsi le cabinet de conseil. Au-delà d’une souveraineté industrielle partiellement retrouvée, ces investissements auraient des effets bénéfiques sur la croissance économique, l’innovation, l’emploi et l’avenir de l’Europe. »

      La Commission européenne a annoncé au printemps une « nouvelle alliance européenne des processeurs ». Objectif : doubler la production pour fournir, d’ici à 2030, 20 % du marché mondial des semi-conducteurs du futur, inférieurs à 5 nanomètres et dix fois moins énergivores. Pour y arriver, Thierry Breton table sur 20 à 30 milliards d’euros de financement en recherche et développement et production de puces de nouvelle génération. Il faut déjà voir plus grand : le taïwanais TSMC, leader mondial du marché, va investir, seul, 100 milliards de dollars… en trois ans.

       

       

       
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