• À 55 et 61 ans, ils se lancent dans le transport de cannabis et finissent au tribunal, à Bordeaux

    À 55 et 61 ans, ils se lancent dans le transport de cannabis et finissent au tribunal, à Bordeaux

    Ils ont été arrêtés lors d’un contrôle routier, à Bordeaux, le 8 mai. À bord de leur fourgon, 10 kilos de résine de cannabis ont été découverts. Ce lundi 13 mai, ces deux amis aux cheveux gris et aux maigres revenus ont été jugés et condamnés en comparution immédiate

    Ils reconnaissent tout ; il serait compliqué de nier. Tonsures grises, épaules tombantes, ces deux amis de 55 et 61 ans sont poursuivis pour acquisition, détention, transport et importation de cannabis entre l’Espagne et la France, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux. Ils ont été arrêtés dans la soirée du 8 au 9 mai, à quelques centaines de mètres du domicile du quinquagénaire, dans le quartier des Chartrons, à Bordeaux. Ils touchaient au but et sont tombés sur un contrôle routier.

    Des policiers ont repéré leur fourgon fatigué et découvert, à l’intérieur, 10 kilos de résine de cannabis : cinq dans une glacière et autant dans une cache aménagée. Une trouvaille sur laquelle tique un avocat de la défense, Me Arnaud Bayle, qui soulève une exception de nullité sur la fouille du véhicule. Le tribunal ne le suivra pas, jugeant que rien ne démontre que les choses n’ont pas été réalisées dans les règles.

    « Allure de paisibles retraités »

    Comment ces deux-là se sont-ils retrouvés à jouer les factotums pour des trafiquants ? « On est davantage habitués à voir des jeunes gens, plus rarement des sexagénaires, relève le procureur Olivier Étienne. Les réseaux tentent aussi de berner les douaniers en utilisant des personnes à l’allure de paisibles retraités. » Et les deux prévenus correspondent à ce portrait.

    Ils se connaissent du Maroc où vivent leurs familles. Lors d’un séjour auprès de ses parents, le plus jeune y est approché. Installé à Bordeaux de longue date, père de six enfants, employé dans une boucherie, il croule sous les dettes : 20 000 euros, dont une bonne partie due à la CAF. Pour remonter la drogue, 3 000 euros lui sont promis. Il propose à son ami de l’accompagner contre la moitié : petit commerçant en Italie, le sexagénaire vit entre la Botte et le Maroc et ne roule pas sur l’or, lui non plus. Les bons mois, il gagne 1 000 euros de son activité légale. « Je me suis laissé tenter, j’avais besoin d’argent », avoue-t-il, en larmes.Selon leurs dires, ils ont récupéré le cannabis à Malaga et devaient le livrer à un Suisse. Qui leur a remis la drogue ? « Je ne connais personne, je n’avais qu’un numéro de téléphone », assure le plus impliqué, « très coopératif depuis le début de l’enquête », selon son avocat, Me Ghislain Akpo. Chez son client, à Bordeaux, les policiers ont aussi trouvé en perquisition un vieux pistolet et une savonnette de shit. « Ce n’est pas à moi, soutient-il. Je suis resté deux mois au Maroc. Pendant mon absence, il y a eu du passage dans mon appartement. »


  • « C’était comme une supérette mais en moins cher » : des denrées de la Banque alimentaire étaient vendues par une association humanitaire

     

     

    « C’était comme une supérette mais en moins cher » : des denrées de la Banque alimentaire étaient vendues par une association humanitaire

    L’ancienne présidente de Lormont Solidarité est poursuivie devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour avoir distribué des colis de la Banque alimentaire à des tarifs trop élevés et sans avoir vérifié l’éligibilité des bénéficiaires

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    a gestion de Lormont Solidarité, une grosse association caritative de Gironde, par son ancienne présidente était-elle le fait d’une « Jojo-la-bricole qui tourne à l’énergie », comme le soutient son avocat, ou le signe d’une volonté de « se servir de la misère pour faire de l’argent », comme le pense le parquet ? Le tribunal correctionnel de Bordeaux, qui examinait cet épineux dossier ce lundi 13 mai, devra trancher.

    En 2022, un « renseignement » alertait les enquêteurs des douanes judiciaires sur de possibles circuits de blanchiment impliquant la militante, qui tient d’une main de fer l’association depuis près de vingt-deux ans. Rien dans le patrimoine immobilier de la femme âgée d’une soixantaine d’années ne s’est finalement avéré frauduleux. Mais l’enquête a débouché sur des poursuites visant pas moins de dix infractions en lien avec la gestion de Lormont Solidarité, qui s’était spécialisée dans la distribution de denrées provenant de la Banque alimentaire et de grandes surfaces.

    16,5 tonnes de nourriture détruites

    La visite des locaux par les agents de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) a laissé apparaître quelques entorses aux règles d’hygiène : locaux de stockage non aérés, produits stockés sur des étagères sales, présence de nuisibles dans les sacs de riz et cartons de pâtes, traces de déjections de rats, congélateurs sales, denrées dont la date de consommation était dépassée, parfois depuis plusieurs années…

    « Je suis surprise, on traitait toutes les semaines contre les blattes. Je pense que ce qui a été constaté, c’est au niveau de la salle de stockage », commente la prévenue. « Mais si dans la salle de stockage il y a des rats ? » s’enquiert le président Gérard Pitti. « Ce n’est pas parce que des boîtes abîmées étaient stockées qu’on allait les donner. En vingt-trois ans, je n’ai jamais rendu personne malade », assure la présidente de l’association. « Pourquoi ne dites-vous pas à la Banque alimentaire : ‘‘Je ne peux plus faire autant, donnez-moi moins ?’’ » continue le magistrat. « Quand les gens dans la panade viennent vous voir, vous avez d’abord envie d’essayer quand même. »

    « Je suis abasourdie, il ne faut pas avoir honte pour venir chercher des paniers quand on gagne 3 800 euros »

    Les tonnes de denrées stockées seront finalement rendues à la Banque alimentaire. Mais dans un tel état qu’elle devra se débarrasser d’une grande partie. « On a dû jeter 16,5 tonnes de nourriture. C’est inimaginable, ça représente 33 000 repas », relève Valérie Bolze, la présidente de la Banque alimentaire, qui s’est constituée partie civile.

    Mais au-delà de l’aspect sanitaire, c’est la gestion financière de l’association qui a déclenché les foudres du parquet, qui poursuit la prévenue pour « abus de confiance ». Contractuellement, les denrées de la Banque alimentaire sont fournies aux associations contre l’engagement de les distribuer aux plus démunis gratuitement ou contre une participation ne pouvant pas excéder 10 % de la valeur du colis. Au fil du temps, l’association avait, semble-t-il, fait fi de cette obligation, distribuant à foison des « colis de dépannage » vendus 15 euros (le double du plafond autorisé) et sans guère s’enquérir de l’éligibilité des personnes.

    Dix-huit mois avec sursis requis

    « Ceux qui payaient 15 euros payaient pour ceux qui ne pouvaient pas payer », assure la présidente. « Les bénévoles disent que tout le monde payait 15 euros », glisse le juge. Et la nouvelle semblait s’être largement répandue dans la région. « Une bénéficiaire dit que c’était comme une supérette mais en moins cher. Elle gagnait 3 800 euros », soulève le magistrat. La présidente a réponse à tout : « Je suis abasourdie, il ne faut pas avoir honte pour venir chercher des paniers quand on gagne 3 800 euros. » Le juge coupe : « C’est pour ça que les contrôles existent. » « On voyait des personnes venir d’Angoulême pour remplir des chariots. Tout le monde savait qu’on pouvait se servir à bas prix ici », s’étrangle Me Paul Bayle pour la partie civile.

    Le dispositif avait en tout cas permis à l’association de s’assurer un confortable matelas. 100 000 euros ont ainsi été retrouvés sur les comptes. « Une poire pour la soif », relativise la présidente. « Il fallait changer de camion, on ne peut pas prendre de crédit, payer la Banque alimentaire, le comptable, les consommables… »« Ces ventes ont été estimées à 1 000 à 1 500 euros par jour d’ouverture. Et l’évaluation montre que les remises d’espèces à la banque ne correspondaient qu’à la moitié des produits revendus », relève la procureure Nathalie Quéran, qui réclame dix-huit mois de prison avec sursis, une interdiction de bénévolat caritatif pendant cinq ans et une interdiction de gérer pendant cinq ans.

    « Je ne vais pas plaider que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes associatifs. Mais je suis scandalisé par le procès en sorcellerie qui lui est fait » lance Me Jean Gonthier. « Ce qui fait la violence de ce dossier, c’est le soupçon d’enrichissement personnel pour lequel elle n’est pas poursuivie », continue l’avocat qui demande la relaxe, estimant qu’une éventuelle entorse au contrat liant les deux associations ne peut être associée au délit poursuivi.

    Délibéré le 4 juillet.

     

     





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