• Meurtre aux Aubiers à Bordeaux : « La peur ne doit pas gagner »

    Meurtre aux Aubiers à Bordeaux : « La peur ne doit pas gagner »

    Meurtre aux Aubiers à Bordeaux : « La peur ne doit pas gagner »

    Les réalisations qui vont intervenir dans les semaines et mois qui viennent ne pallieront pas le sentiment d’abandon des habitants du quartier. Mais comment agir ? « Sud Ouest » et TV7 ouvrent le débat

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    n nouveau drame a endeuillé le quartier des Aubiers à Bordeaux, vendredi 3 mai, un jeune Bordelais de 18 ans est mort, tué à l’arme blanche, en pleine journée. Contrairement à ce qui s’était passé en 2021 avec la mort du jeune Lionel, ce n’est pas un règlement de compte entre quartiers. Les deux protagonistes de cette rixe tragique se connaissaient, avaient grandi dans le même quartier. L’auteur est toujours en fuite. Un drame qui sème l’effroi, qui dit aussi la violence qui gagne nos sociétés, et vient stigmatiser un peu plus le quartier.

    Les problématiques de ce quartier du nord de Bordeaux ressemblent à celle des autres « quartiers politique de la ville » (QPV). Et posent la question des politiques publiques, de l’action sociale, du travail de médiation à y conduire… Faut-il les réinventer ? S’ajoute le sentiment d’abandon des habitants, puisque les actions qui y sont menées n’impriment pas, n’impriment plus. Comment sortir de cette spirale ? C’était le thème de « Ça fait débat » émission de TV7/ « Sud Ouest » diffusée mardi 7 mai. Sujet sensible, débattu avec Vincent Maurin, maire PCF du quartier Bordeaux Maritime et Alexandra Siarri, élue d’opposition bordelaise, qui sous l’ère Juppé gérait les affaires sociales.

    Solidarité

    Vincent Maurin a vécu dans le quartier à la fin des années 1980 : « On constate une dégradation sur le bâti mais aussi une dégradation sociale liée à la crise au chômage », constate-t-il. Les Aubiers sont un précipité de plusieurs problèmes : un taux de chômage de 25 %, 40 % chez les jeunes, un revenu fiscal moyen de 600 euros par mois. Un tiers des jeunes poursuivent leurs études après 16 ans. Trafic de stupéfiants, violence… « Les Aubiers, ce n’est pas que ça. Dans ce drame, ce qui me marque, c’est la capacité des habitants à être solidaires. Depuis trois jours, les mères de famille cuisinent au centre social, les habitants, jeunes, vieux, mangent ensemble, vivent leur deuil. Ils discutent, cela contient les débordements », insiste Alexandra Siarri.

    « Les Aubiers, ce n’est pas que ça. Dans ce drame, ce qui me marque, c’est la capacité des habitants à être solidaires »

    Vendredi 3 mai, quelques heures après les faits, Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, qui s’est déplacé dans le quartier, a été interpellé par des habitants des Aubiers reprochant l’abandon du quartier. C’est toute l’équation du politique : gérer le décalage entre la réponse institutionnelle et le sentiment d’abandon. « C’est lent, reconnaît Vincent Maurin, nous sommes d’autant plus meurtris que pour la première fois, il y a des réalisations concrètes. » L’école Louise-Michel a été ouverte à la rentrée dernière. Une Maison des solidarités en 2025. La dalle qui enclavait le cours des Aubiers a sauté, et devrait accueillir une place qui ouvre le quartier. Un nouveau centre social devrait être livré en 2026. Les réalisations vont sortir de terre dans le cadre du projet de rénovation urbain, dont on parle depuis les années 2000.

    Réinvestir les quartiers

    « Il faut réinvestir les quartiers. C’est vrai aux Aubiers comme à Saint-Michel, montrer un autre visage que celui de la drogue, parler de ces quartiers autrement que dans des situations dramatiques », avance Alexandra Siarri. Elle ajoute : « Quand on accepte qu’un bailleur social ferme son antenne [Aquitanis a fermé son point d’accueil aux Aubiers, NDLR]… On ne peut plus renvoyer ce message : ‘‘puisqu’il y a de l’insécurité on ferme’’. Il faut collectivement retrouver cette ambition : ne plus perdre des services, il faut même en rajouter, sinon c’est la peur qui gagne, elle ne doit pas gagner. » Vincent Maurin approuve : « J’ai de l’espoir, notamment dans le cadre de la Cité éducative (1), il y a des projets pédagogiques, environnementaux qui sortent des écoles, du collège. Nos réponses exigent de l’agilité. »

    Alexandra Siarri abonde : « Il faut se remettre en cause, proposer des choses radicalement nouvelles. Ouverture des centres sociaux le week-end, le soir, revoir l’usage des centres sociaux en faire des tiers lieux, que les habitants, les jeunes se reconnaissent autrement que par l’angle mort de leurs difficultés sociales. » Autre point d’alerte des deux élus, la « grande fatigue » des travailleurs sociaux. Une panne des vocations pour ces métiers. L’association des centres d’animation de Bordeaux, qui gère les maisons de quartier, dispose de budget pour embaucher des travailleurs sociaux, mais ne parvient pas à recruter.

    1) Un programme copilotée par la Ville de Bordeaux, l’Éducation nationale, la Préfecture et la CAF, vise à favoriser la réussite de tous avec un programme d’actions pour les 0 à 25 ans dans les quartiers Grand Parc, Bacalan, Aubiers et Chartrons-Saint Louis.

    Retrouvez l’intégralité de cet échange sur TV7.

     

     

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