• Qui manipule qui sur Facebook ? Russie, Ukraine et États-Unis dans le Top 5

    Qui manipule qui sur Facebook ? Russie, Ukraine et États-Unis dans le Top 5

     

    © NurPhoto via AFP

    Qui manipule qui sur Facebook ? Russie, Ukraine et États-Unis dans le Top 5

    Influenceurs

    Par Nicolas Quenel

    Publié le 31/05/2021 à 14:30

    Dans un rapport publié le 26 mai, Facebook revient sur les opérations d’influences repérées et arrêtées par la firme californienne entre 2017 et 2020 et dessine le futur de ces campagnes de manipulation, qu'elle estime de plus en plus difficiles à identifier de manière générale.

    Les opérations d’influence « continueront tant qu’il y aura un débat public à influencer », prévient Facebook dans un rapport rendu public ce 26 mai. En 44 pages, le réseau social revient sur les campagnes qui ont été repérées et bloquées par sa plate-forme entre 2017 et 2020.

    Pour l’entreprise, une opération d’influence se définit comme des « efforts coordonnés pour manipuler ou corrompre le débat public au profit d’intérêts stratégiques ». Sur cette base, les auteurs du rapport énumèrent plus de 150 opérations, d’origine étrangères ou intérieures, qui reposent et ont été repérées car elles avaient mis en place des « réseaux », dont le comportement « inauthentique » et « coordonné » les aurait trahis.

    Ces données laissées en libre accès aux utilisateurs du réseau social ne donnent toutefois « pas une vue d’ensemble de toutes les opérations d’influence qui se jouent sur la plate-forme », rappelle le spécialiste de la désinformation Thomas Huchon. Pour ce journaliste spécialisé, ce rapport est « très intéressant pour ce qu’il dit, mais encore plus pour ce qu’il ne dit pas ». En se focalisant sur les opérations qui reposent sur des comportements « inauthentiques » et « coordonnés », Facebook ne montre que « la partie émergée de l’iceberg », assure-t-il.

    Russie et Iran vs. États-Unis

    Le principal pourvoyeur d’opérations d’influence sur le réseau social est la Russie, avec 27 réseaux identifiés, dont quinze liés à l’oligarque russe Evgueni Prigojine. Ce proche de Vladimir Poutine a été accusé d’avoir joué un rôle dans l’ingérence russe pendant la présidentielle américaine de 2016 ou encore d’être derrière la force de mercenaires Wagner.

     

     

    Derrière la Russie, se trouve l’Iran avec 23 opérations identifiées entre 2017 et 2020 dont cinq visant directement les États-Unis. Viennent ensuite la Birmanie avec neuf réseaux identifiés (à égalité avec les États-Unis) et enfin l’Ukraine avec huit réseaux.

    Stratégie officielle chinoise

    La Chine, elle, n’est pas présente dans ce classement car, sa stratégie pour mener ses opérations d’influence ne repose pas sur des réseaux au comportement inauthentique et coordonné mais plus sur de la communication stratégique qui passe par des acteurs affiliés à l’État (médias officiels, comptes diplomatiques…).

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    Du côté des cibles des opérations étrangères, le pays le plus visé reste de loin les États-Unis, cible de 26 réseaux identifiés et supprimés, puis l’Ukraine avec onze réseaux, à égalité avec le Royaume-Uni. Pour les opérations intérieures, la Birmanie arrive première avec neuf réseaux identifiés, suivie de près par les États-Unis et ses huit réseaux et l’Ukraine avec six réseaux.

    Grossistes et détaillants de l'influence

    Face aux opérations d’influence, Facebook explique que ses équipes de sécurité ont développé, depuis 2016, des « politiques » et « outils de détection automatisés » qui permettent de lutter plus efficacement contre ces acteurs malveillants. Aujourd’hui, la firme l’assure : des « progrès » ont été réalisés, qui permettent de détecter et contrer les menaces « avant qu’elles n’aient pu bâtir une audience ».

    Des opérations d’influence de l’ampleur de celles intervenues pendant la campagne présidentielle américaine en 2016 seraient alors devenues plus « difficiles à mettre en place », plus « onéreuses » et « moins susceptibles de réussir ». Face à ces progrès, les acteurs malveillants se sont eux aussi adaptés et sont passés d’une stratégie de « gros » à une stratégie du « détail » avec des campagnes moins volumineuses et qui ciblent dorénavant des audiences spécifiques.

    Brouiller les frontières

    C’était notamment le cas d’une opération iranienne qui avait créé de faux comptes, notamment de journalistes, qui s’adressaient directement aux décideurs politiques, aux journalistes établis ou aux universitaires. Des comptes moins grossiers, qui allaient jusqu’à proposer, avec succès, des tribunes dans de vrais journaux américains.

    Toujours pour éviter la détection, d’autres campagnes, « particulièrement sophistiquées, parviennent de mieux en mieux à brouiller les frontières », notamment en cooptant des vrais utilisateurs dont les discours convergent avec les intérêts des acteurs malveillants. Le résultat est simple : il est de plus en plus difficile de distinguer les opérations d’influence des débats publics légitimes.

    Désinformation et sous-traitance

    Autre évolution significative, l’émergence des entrepreneurs d’influence qui proposent à leurs clients de mener à leur place des campagnes de désinformation. Un business qui donne des alternatives aux acteurs qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour orchestrer leurs propres opérations ou aux plus gros poissons de se réfugier derrière une entreprise privée, ce qui rend plus difficile l’attribution finale.

    Un cas de figure qui n’est pas sans rappeler l’affaire Fazze qui a récemment été révélée par le Youtubeur Léo Grasset. Dans une série de tweets, le vulgarisateur scientifique révélait avoir été contacté le 19 mai par une entreprise pour faire une vidéo afin de répandre de la désinformation au sujet du vaccin de Pfizer pour le compte d’un client qui souhaitait rester anonyme.

     

     

    Plus difficile à l'avenir ?

    Face à ces évolutions significatives depuis 2016, Facebook termine son rapport en faisant des projections sur l’avenir. L’entreprise en est persuadée, les opérations d’influence vont devenir de plus en plus difficiles à identifier de manière générale. Le fait d’avoir une diversification des acteurs à l’origine des campagnes d’influence conduira aussi « à une attribution plus difficile », avec plus de couches « entre les opérateurs et le bénéficiaire ultime ».

    Une certitude toutefois se dégage dans ces prédictions, celle que les acteurs derrière les opérations d’influence continueront d’exploiter « les moments d'incertitude » pour accentuer les divisions au sein des États, « y compris autour de crises majeures comme la pandémie de Covid-19, les élections importantes et les mouvements de contestation ».

    « Ce sont des tendances qui sont évidemment inquiétantes, observe Thomas Huchon. C’est un rapport qui devrait tous nous préoccuper, surtout à un an de la prochaine élection présidentielle ».

     

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