• Naissance d’une nouvelle nation ?

    Avec le printemps qui montre le bout de son nez et les premières fleurs qui vont émailler nos parcs, quel sera l’avenir de ce mouvement qui ébranla la France et qui a d’ores et déjà battu de records de durée ?

    Quel sera le futur de ces « gilets jaunes » qui représentent à la fois un condensé de toutes les frustrations, de toutes les injustices mais parfois aussi un réceptacle de toutes les indignations y compris les plus ineptes, des contradictions les plus insurmontables, des haines les plus recuites mais aussi souvent des revendications les plus fondées ?

    En dépit des coups de sang injustifiables dont a été la victime le philosophe académicien Alain Finkielkraut, porte-parole revendiqué de tout ce qu’il y a de plus réactionnaire et borné dans le paysage politique français (ce qui est un droit qui ne devrait souffrir aucune remise en cause ), en dépit de toutes les insultes grossières proférées par des demi-cerveaux en rien représentatifs du mouvement, en dépit d’autres accidents de parcours savamment portés en exergue par des médias aux ordres, les « gilets jaunes » préfigurent une France nouvelle qui accouche difficilement d’une nouvelle manière de faire prévaloir le droit le plus élémentaire pour l’être humain : vivre dignement au lieu de survivre dans la dèche.

    En tout état de cause et en dépit de leur relativement petit nombre à l’échelle de la nation, ils sont comme une espèce de mégaphone, un émetteur puissant et revigorant de joies collectives pour ceux qui (re)découvrent la camaraderie avec l’engagement en occupant ces lieux de manifestations inédits où ils squattent des ronds points ( même si l’on assure que les occupations tendent à devenir résiduelles )

    Et quelle révolution des esprits surtout dans le chef de ceux dont l’univers s’est résumé jusqu’ici à l’inexistence dramatique de Mister Nobody, une situation qui se caractérisait par l’absence dramatique de liens avec ceux qui leur ressemblaient mais que les hasards de la vie, la honte du déclassement aussi, surtout le sien propre, empêchait de fréquenter !

    L’empathie était un mot vide de sens pour ces réprouvés de la vie qui avaient abandonné jusqu’aux formes démocratiques de peser sur la politique : le droit de vote !

    Eux qui remuaient intérieurement leurs échecs dans leur coin, en étaient-ils responsables ou étaient-ils simplement victimes des aléas d’une vie ? eux qui se contraignaient à vivre cachés - comme on cèle du mieux qu’on peut sa déchéance physique ou morale à ses proches moins pour ne pas les alarmer que par honte - les voilà qui osent enfin verbaliser ce qu’ils ressentent et réussissent à avoir une écoute attentive de leurs compagnons .

    Les misères, les difficultés de vivre, le sentiment de la vanité de l’existence sont largement réparties dans la population, elles sont souvent contiguës mais ne se confondent pas, elles se développent et croissent côte à côte mais jusqu’à ce mouvement insolite, surgi d’un simple appel sur les réseaux sociaux autrement dit de nulle part, tous ces désagréments qui rythment la vie des laissés pour compte, des proscrits, des réprouvés ne trouvaient pas jusqu’il y a peu ces formes de solidarité dans l’affrontement qui précèdent la communion des esprits.

    Si l’on ne devait retenir qu’un seul point positif de ce mouvement, c’est bien celui-là :dans un monde où l’individualisme forcené est devenu la règle le retour de la force collective où l’on s’aperçoit que partager les épreuves rend plus forts.

    Le Président Macron aura consenti à l’organisation d’un grand débat, peut-être n’a-t-il fait semblant que de céder ? mais le fait même qu’il y ait débat est positif même si l’initiateur espère que vont se noyer dans un salmigondis infâme toutes les revendications qui se résumeront le plus souvent en des monologues minutés qui donneront un éclairage singulier mais nécessairement partiel et centré le plus souvent sur des revendications d’ordre personnel.
    Si l’on veut être un peu réaliste, les chances du Président Macron de parvenir à noyer le débat ne sont pas négligeables, je les trouve même plus que probables.

    Cependant ces cahiers de doléances aussi fragmentaires pussent-ils être devront bien être analysés à l’issue de ce débat dont auront décidé de rester absents un certain nombre de ceux qui ont porté les revendications : on peut trouver que c’est une erreur de ne pas se saisir des moyens de faire progresser sa cause et le retrait volontaire permet certes de ne pas se salir les mains surtout en cas de carambolage final mais n’est pas nécessairement un acte de courage.

    Il n’est d’ailleurs toujours pas clairement établi par quel « comité » de lecture - choisi par qui ? par le gouvernement, d’autres acteurs sociaux ?- et comment ils vont pouvoir être insérés dans un catalogue de bonnes intentions qui offre de grands risques de rester à l’état d’ébauche ou de catéchisme pour bien-pensants.

    La plupart de ceux qui se sont émus pour des raisons diverses de l’émergence de cette misère cachée s’empresseront de l’oublier.

    Ils passeront à profits et pertes les petits désagréments connus du fait de ceux-là qui en vivent de grands à longueur d’année et qui ont eu la volonté de lutter pour s’en sortir avec la maladresse et les excès qu’un trop-plein d’avanies finit par libérer dans une existence difficile.

    La France qui se lève tôt pour gagner des clopinettes acceptera-t-elle de retourner à la niche ?

    Chacun qui a un minimum de culture historique sait que la France a souvent excellé dans la grandeur mais aussi dans la bassesse.

    Et à la question posée à l’entame de cet article, que sera l’avenir ? je n’ai pas davantage que quiconque la réponse.
    J’ai seulement peur que de tout cela il ne restera finalement pas grand-chose et en tout cas pas ce que j’en escompte secrètement car si je suis riche, c’est surtout de mes illusions perdues.

    Mais néanmoins une nouvelle France est née qui devra bien un jour cesser de cultiver son altérité pour se donner un projet.

     

    Documents joints à cet article

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