Des chercheurs ont mis en évidence le rôle des neurones de la démangeaison dans la perception de la douleur. En ligne de mire : le traitement des personnes atteintes de douleurs chroniques.

Quel était le problème ?

Pourquoi ça gratouille quand ça fait mal ? Et inversement. Vous ne le savez peut-être pas, mais cette question occupe les neurobiologistes depuis une quinzaine d’années. Déjà en 2009, une équipe de l’université de Washington a démontré que lorsque nous avons mal ou que nous nous grattons, le signal nerveux transmis au cerveau passe par des circuits distincts et spécialisés. Mais dans cas, pourquoi donc les personnes chez qui les chercheurs provoquent une sensation artificielle de démangeaison ressentent-elles en plus des sensations de brûlure ou de piqûre ?

Face à ce mystère, les scientifiques se sont demandé si, quelque part dans la moelle épinière, les deux signaux ne convergeaient pas vers un seul groupe de neurones.

Comment ont procédé les chercheurs ?

Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont testé deux groupes de souris. Un groupe auquel on a injecté une substance destinée à inhiber les neurones GRP, responsables de la sensation de démangeaison, et un groupe témoin qui n’a reçu aucun traitement.

Après ça, les six chercheurs ont commencé à titiller leurs cobayes en leur trempant la queue dans l’eau chaude et en augmentant la température du sol sous leurs pattes. Puis ils ont mesuré leur temps de réaction face à la douleur (rassurez-vous, les petites bêtes pouvaient se soustraire quand elles le voulaient).

Comme ils s’y attendaient, les chercheurs ont d’abord observé que les souris qui n’avaient plus de neurones GRP jouissaient d’une bienheureuse disparition de la sensation de démangeaison. Mais, plus surprenant, elles retiraient leurs pattes et leur queue des surfaces chaudes beaucoup plus vite que les autres, ce qui signifie qu’elles ressentaient la douleur plus intensément et plus vite que les souris du groupe témoin.

Qu’ont-ils découvert et à quoi ça sert ?

Pour l’équipe de chercheurs, cela signifie que les neurones GRP reçoivent aussi les signaux de la douleur. Alors à quoi bon prévoir deux circuits nerveux distincts si c’est pour faire converger les signaux ? Et bien parce que le corps est plein d’astuce. Il utilise les neurones GRP comme la résistance d’un circuit électrique pour freiner l’intensité de la douleur qui arrive au cerveau.

Les chercheurs ont bâti un modèle baptisé «Leaky Gate», publié dans la revue Neuron, qui repose sur le principe suivant : lorsque les neurones GRP reçoivent un signal de douleur, ou bien le signal est faible et il passe, ou bien le signal est trop intense et les neurones l’atténuent en envoyant au cerveau un plus petit message de douleur accompagné d’un plus gros message de gratouillis.

Le modèle «Leaky Gate».

Lorsqu’on se fait mal, les neurones GRP reçoivent un puissant signal de douleur (en rouge) accompagné d’un signal de démangeaison plus faible (en bleu). Les neurones protègent alors le cerveau en affaiblissant le signal de la douleur et en amplifiant la sensation de démangeaison. Photo «Neuron»

Selon les auteurs de l’étude, cette nouvelle découverte offre une meilleure compréhension du voyage de la douleur dans le circuit nerveux et pourrait contribuer à l’élaboration de traitement contre les douleurs chroniques. A moindre échéance, la prochaine étape consistera à explorer le système nerveux central plus en profondeur afin d’atteindre la prochaine «station de contrôle».

Guillaume Garvanese