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    6 réformes qui pourraient embraser l'an II de la présidence Macron

     

    Emmanuel Macron est au pouvoir depuis un an. Ses ambitions pour les douze prochains mois devraient de nouveau enflammer le débat public... et la rue.

    Par Timothée Vilars

    Publié le 08 mai 2018 à 07h53
     

    Un président réformateur : tel s'était présenté le candidat d'En Marche !, tel est le président Macron. A l'orée d'une deuxième année traditionnellement compliquée pour les présidents de la Ve République, le chef de l'Etat n'entend montrer aucun signe d'inflexion sur la politique engagée dès son élection : code du travail, assurance-chômage, retraites, Emmanuel Macron a engagé pas moins de six réformes sociales majeures dès son entrée en fonction.

    A celles-ci se sont ajoutés une vaste réforme de la SNCF, en voie de "finalisation" malgré un mouvement de grève historique, un très controversé projet de loi asile et immigration qui a effrité son groupe parlementaire, une réforme des universités (Loi ORE) qui a provoqué le blocage prolongé de nombreuses facs et plusieurs textes de portée sociétale tels qu'un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles.

     

    Voici le programme de l'An II, qui s'annonce tout aussi effréné.

    1Réforme de la justice

    Le projet de loi de réforme de la justice, porté par la garde des Sceaux Nicole Belloubet, a été présenté en Conseil des ministres le 20 avril. Il vise notamment à simplifier les procédures pénale et civile, mais aussi à améliorer l'organisation territoriale et l'efficacité des peines. Objectif : "Rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre justice."

    Le texte prévoit l’instauration de tribunaux criminels départementaux, une juridiction à mi-chemin entre les assises et les tribunaux correctionnels. Points plus polémiques : la fin de l'incarcération automatique pour les peines inférieures à un an, en multipliant les alternatives en milieu ouvert, et surtout la fusion entre les tribunaux d'instance et de grande instance.

    Avocats et magistrats ont déjà conduit plusieurs journées de protestation, dont des journées "justice morte" : pour l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), cette fusion conduirait en effet à la suppression de plus de 300 tribunaux d'instance, vus comme des lieux de "justice de proximité".

    La direction de l'administration pénitentiaire a récemment annoncé un nouveau record du nombre de détenus dans les prisons françaises, avec 70.367 personnes incarcérées au 1er avril. Le taux d'occupation atteint en moyenne 118% dans les prisons, et grimpe à 143% dans les maisons d'arrêt.

    2Réforme constitutionnelle

    Peut-être la principale difficulté politique de cette seconde année : pour modifier la Constitution, Emmanuel Macron devra non seulement convaincre mais surtout réunir 60% des suffrages des parlementaires réunis en congrès. Et la droite, majoritaire au Sénat, entend déjà lui mettre des bâtons dans les roues : le gouvernement souhaite en effet introduire une dose de 15% de proportionnelle pour les élections législatives, mais aussi baisser de près de 30% le nombre de députés et sénateurs.

    Ce qui signifie qu'à partir de 2022, les deux assemblées compteront 244 sénateurs et 404 députés, contre 577 et 348 actuellement : une mesure plutôt populaire dans l'opinion... Mais qui ne convient pas du tout à la droite pour qui une baisse de cette ampleur "sacrifierait les territoires les plus fragiles". Autre sujet sensible : la limitation à trois mandats maximum dans le temps (pour les communes de plus de 9.000 habitants), également rejetée par la droite.

    Le texte, qui prévoit aussi une référence explicite à la Corse, doit être présenté, en deux fois, en Conseil des ministres au mois de mai, avec une adoption définitive à l'horizon 2019.

    3Unification des systèmes de retraites

    Attention secousses. Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye travaille à remettre à plat les 37 systèmes de retraites français, pour une réforme "éminemment politique" censée être adoptée d'ici à l'été 2019. Dans le collimateur : tous les régimes spéciaux, notamment ceux des fonctionnaires.

    Le sujet est extrêmement sensible et le gouvernement veut se laisser le temps. La ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn a d'ores et déjà prévenu qu'elle ne voulait pas "se laisser enfermer dans un calendrier". La réforme des retraites devrait être débattue au Parlement "au cours du premier semestre 2019", a néanmoins rappelé Jean-Paul Delevoye, pour qui "le calendrier de cette réforme nous permet de profiter de toute l'année 2018 pour discuter, dialoguer".

    4Plan de départs dans la fonction publique

    L'annonce avait pris les fonctionnaires de court, début février. Gérald Darmanin et Edouard Philippe annonçaient un vaste plan de départs volontaires dans la fonction publique, dans le cadre de l'objectif présidentiel de suppression de 120.000 postes. Une "grande concertation" va courir sur toute l'année 2018 entre le gouvernement et les syndicats de fonctionnaires. Le texte, lui, doit être présenté début 2019.

    L'exécutif souhaite étendre "largement" le recours aux contractuels ne bénéficiant pas de l'emploi à vie et développer davantage la rémunération au "mérite". Outre ces deux dossiers traditionnellement sensibles, la discussion doit également porter sur deux autres chantiers délicats : la simplification des instances représentatives du personnel et l'accompagnement des départs ou des reconversions dans la fonction publique. 

    5PMA, GPA, fin de vie... l'explosive future loi bioéthique

    Les Etats généraux de la bioéthique, ouverts en janvier, se tiennent jusqu'au mois de juillet : cette vaste concertation nationale de citoyens et d'experts doit nourrir un projet de loi bioéthique qui sera déposé à l'automne. PMA pour toutes, fin de vie, données de santé, intelligence artificielle, autant de sujets brûlants qui pourraient susciter bien des réticences chez les conservateurs (Manif pour tous et Conférence des évêques en tête) et les data-sceptiques.

    L'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA, ou AMP) aux femmes célibataires et aux couples de femmes, à laquelle est favorable Emmanuel Macron, figure en bonne place dans les discussions. Dans "le Monde" en janvier, 110 personnalités ont par ailleurs réclamé une "réforme urgente" des lois concernant la gestation pour autrui (GPA).

    6Prélèvement à la source

    Elle est donc cette fois en route : la retenue à la source va devenir "une réalité" dès le 1er janvier 2019, et le taux de prélèvement de 37 millions de foyers fiscaux sera calculé, chaque mois, sur la base de leur revenu de référence. Les couples qui le souhaitent pourront opter pour des taux individualisés pour éviter que les deux conjoints ne soient prélevés au même taux, quel que soit leur salaire.

    Pour des raisons de confidentialité, les contribuables qui le souhaitent auront en outre la possibilité de demander l'application d'un "taux neutre". Leur taux de prélèvement réel ne sera alors pas connu de leur employeur, mais ils devront régulariser chaque année leur situation auprès du fisc. Autant de dispositifs qui complexifient la réforme, et suscitent de fortes réticences chez les chefs d'entreprise. Faisant part de sa forte inquiétude, le président du Medef Pierre Gattaz, a demandé un moratoire d'un an

    "Je comprends les interrogations" mais "de temps en temps, c'est bien de penser aux salariés", juge le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, vantant "une mesure de simplification pour les Français" : près de "98% des foyers fiscaux voient leurs revenus changer d'une année sur l'autre", or "le décalage d'un an entre les revenus et le paiement des impôts peut poser de nombreuses difficultés".

    Reste à savoir comment les Français encaisseront le choc psychologique de voir leur fiche de paie amputée chaque mois...

    Les autres mesures attendues

    • La taxe d'habitation va diminuer d'un tiers dès l'automne 2018, pour 80% des ménages. Elle diminuera d'un second tiers en 2019, avant de disparaître, pour tout le monde, en 2020.
    • Emmanuel Macron a annoncé au magazine "Forbes" sa volonté desupprimer l'"Exit Tax" pour les contribuables partant à l'étranger, suscitant une salve de critiques contre sa politique fiscale déjà accusée de favoriser les très riches. "Les gens sont libres d'investir comme ils le souhaitent", argue Macron, qui dresse un parallèle avec la relation de couple : "Je suis favorable à l'idée de pouvoir se marier librement et de divorcer librement."
    • L'Allocation adulte handicapé (AAH) sera revalorisée de 90 euros par mois, passant de 810 à 860 euros en novembre 2018, puis à 900 euros en novembre 2019.
    • Le CICE sera définitivement transformé en allègements de cotisations sociales pour les entreprises, début 2019.
    • Le nombre d'élèves par classe sera passé à 12 dans 2.500 classes de CP dans les réseaux prioritaires REP+, à la rentrée 2018. La mesure doit être étendue aux CP et aux classes de CE1 en REP.

    T.V.

    Timothée Vilars

    Timothée Vilars

    Journaliste

     

     

     


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    « Une autre Europe est possible. » Je vois que Mme le Pen choisit ce slogan pour faire vibrer les foules devant l’avènement annoncé du modèle mûri dans le sein généreux de son parti.

    Il est sûr que le moment est bien choisi : au milieu des boyscouteries de la « marche pour l’Europe » (trente personnes au départ de la Sorbonne) et autres manifestations de masse – qui, curieusement, se font attendre – destinées à faire rêver une jeunesse que les européistes pensent de son côté, devant les atermoiements d’une droite qui veut rénover l’Europe – mais pas trop hein ! –, avec une gauche non européiste qui se met en mouvement pour la réfection de l’UE, il fallait bien que le FN trouve son langage codé, dopé par le succès des autres partis frères dans l’UE.

    C’est fait et c’est avec un véritable plaisir que l’on peut d’ores et déjà rêver à cette Europe de demain.***

    Demain donc, l’autre Europe « possible » étant devenu « réelle », c’est un tableau enchanteur digne d’un de ces contes de Heidi qu’affectionne paraît-il la présidente du FN (à moins que ce ne soit son père, c’est le problème avec ces sagas familiales, on finit par mélanger) qui nous attend :

    - Acte I. On ferme les frontières : dans l’attente de la mise en place des centaines de milliers de policiers, douaniers et autres agents nécessaires, il faudra grillager ou barricader. Facile : l’Italie n’a que 8000 km de côtes et la Grèce presqu’autant. Un bon plan : faire travailler dans ces chantiers les ouvriers immigrés sans papiers, comme cela pas de coût supplémentaire : ils travaillent sur place et ensuite on les renvoie par la nouvelle frontière. Et pour les encadrer pourquoi ne pas multiplier ces milices citoyennes qui ont montré tant de bravoure aux portes de la Hongrie ou plus récemment dans les Alpes françaises ? Quant aux autres immigrés, on dispose de ce qu’il faut pour les mettre en attente d’expulsion. Les prisons sont surchargées en France mais on peut faire appel aux bonnes volontés d’autres pays, par exemple ces prisons secrètes que la Pologne a gracieusement gérées pour le compte des Américains depuis la guerre d’Irak. Et puis la ZAD de Notre Dame des landes attend encore sa destination.

    Bon. Un point de réglé.

    - Acte II. Maintenant l’euro. Ce sera plus dur puisqu’en matière monétaire tout repose sur la confiance. On a bien compris, seriné pendant la campagne, expliqué aux plus obtus que ce qu’il nous faut c’est une monnaie commune et non plus unique. Donc on ne sort pas. Mais on a lu les bons économistes et on a compris que tout mouvement sur la monnaie crée vite des soubresauts et risque de faire grimper nos taux d’intérêt, ça c’est embêtant pour les épargnants : comme c’est nous, partis populistes, les financiers ne nous font pas confiance. Contre le désordre, nous ferons agir la rue, des mouvements massifs et coordonnés pour réclamer l’euro franc, l’euro mark, l’euro lire, les gens ont bien compris l’enjeu c’est sûr qu’ils vont se mobiliser. Bon d’accord, ça ne sera pas si facile. Mais le grand patronat va vite comprendre où est son intérêt : nous voulons libérer les forces économiques. Nous ne sommes pas des Philippot et autres « gaullistes sociaux », non on veut que le capital s’investisse sans trop lui fixer de règles. Les directives à la poubelle sauf si elles organisent la concurrence libre et non faussée (ça on garde). Mais il faut des protections aux frontières pour nos entreprises. Et alors ? Trump le fait bien chez lui. Les grands groupes auront peur d’y perdre ? Attention, on leur fera des conditions d’emploi qui rapprocheront la main d’œuvre qu’ils trouveront en Europe de celle qu’ils trouvent au loin. Pas plus difficile que ça. Comme ça tout le monde a du travail, les petites entreprises prospèrent et les grandes se font une raison. Le reste on voit avec Trump.

    C’est l’Acte III (voir ci-dessus). On revoit le modèle économique de l’Europe. En gros, on libère l’entreprise du carcan (trop de droits de ceci et cela, congés, travail de nuit etc.) et on libère l’investissement. En plus elles ne paient pas d’impôt, pourquoi faire ?

    Et enfin l’Acte IV. Une Europe fière d’elle-même, un modèle pour le monde avec le retour de l’identité chrétienne, des croix sur les bâtiments publics, une armée prête à intervenir aux frontières quand elle n’est pas occupée à karchériser les banlieues.

    Bon. Avec tout ça, on doit y arriver.

     

    ***Cette petite fiction a pour but de poser une question. Entre la sottise de l’européisme béat, les fausses tentatives de replâtrage de tel ou tel parti, et l’ « autre Europe » de Mme Le Pen, qui saura imposer les initiatives nécessaires pour construire les bases d’une nouvelle une Europe de paix, de prospérité et de dialogue avec les autres continents ? Il y a urgence à s’unir pour ceux qui sont attachés à la souveraineté nationale comme héritage de la Révolution et des Lumières, des combats séculaires pour l’égalité, pour les valeurs de la citoyenneté. Car l’ « autre Europe » de Mme le Pen a de redoutables alliés dans la plupart des pays de l’Union. Où sont les forces progressistes luttant pour la souveraineté des nations ? Où est leur alliance ? leur projet commun ?