À Gradignan, le musée Georges de Sonneville se penche sur le cubisme à Bordeaux, mettant en perspective ce mouvement à travers un dialogue artistique entre André Lhote et Georges de Sonneville
Retour plus d’un siècle en arrière, au début de la Première Guerre mondiale. Georges de Sonneville n’a pas encore pleinement affirmé son style. Une rencontre déterminante marque un tournant : celle avec André Lhote. Affectés tous deux à la préfecture de la Gironde à Bordeaux, leurs chemins se croisent dès les premiers mois du conflit. Le soir, après le travail, les deux complices enfourchent leur bicyclette pour sillonner Bordeaux, Cenon, Gradignan et d’autres banlieues encore campagnardes, où ils dessinent et croquent le paysage.
André Lhote, « Le port de Bordeaux » , 1912.À cette époque, André Lhote, théoricien et peintre, a déjà intégré des éléments du cubisme dans son œuvre depuis quelques années. Il a participé aux grandes manifestations du mouvement : le Salon d’automne et le Salon des indépendants en 1911, ainsi qu’au premier Salon de la Section d’or en 1912, aux côtés de Marcel Duchamp, Francis Picabia et Albert Gleizes notamment, en réaction à l’approche développée parallèlement par Picasso et Braque à Montmartre.
« Le cubisme n’est pas un mouvement homogène. Il évolue, se divise en plusieurs phases et styles, avec beaucoup de différences individuelles, polémiques et débats au cœur desquels se trouvait André Lhote », souligne Jacques Sargos, historien de l’art, collectionneur, écrivain et éditeur bordelais. C’est à lui que l’on doit l’exposition actuellement présentée à Gradignan, construite autour du tandem Lhote-Sonneville.
Un cubisme tout en harmonie
À travers une cinquantaine de pièces, l’exposition illustre comment, ensemble, ils ont pratiqué le cubisme à Bordeaux, et comment Sonneville a été influencé par André Lhote avant de s’en émanciper pour façonner son propre style et affirmer sa singularité de peintre. Ici, des convergences se dessinent autour du thème récurrent du port de Bordeaux. Le cubisme ne s’y exprime pas dans toute sa radicalité, préférant rester ancré dans la figuration, avec une fragmentation des formes subtile et des jeux délicats sur les volumes.
Georges de Sonneville, « Port de Bordeaux », 1915.Mais ce n’est pas tout. L’accrochage met en lumière ce dialogue artistique à travers des œuvres de Félix Élie Bonnet, dit Tobeen, surnommé « poète du cubisme », dont le musée des Beaux-Arts de Bordeaux a présenté une rétrospective en 2012 ; de Roger Bissière, proche d’André Lhote, ainsi que de Jean Dupas, Jean Despujols et René Buthaud, figures emblématiques de l’Art déco. Dès les années 1920, ces trois artistes ont intégré le cubisme à leur style de manière progressive, en écho à la vision de Lhote : allier les principes de proportion et de rigueur formelle du classicisme avec les nouvelles perspectives offertes par le cubisme, revitalisant ainsi la tradition classique tout en préservant une approche harmonieuse.
Exposition « Le Cubisme à Bordeaux » jusqu’au 3 novembre, musée Georges-de-Sonneville, Prieuré de Cayac, 1, rue de Chartrèze, à Gradignan. Entrée libre les mercredis, jeudis, vendredis, samedis, dimanches et jours fériés, de 14 à 18 heures. 05 56 75 28 03. gradignan.fr