Vers un nouveau scandale sanitaire ? Présenté comme une pilule miracle pour traiter notamment l'endométriose ou l'acné, l'Androcur a été très largement prescrit à de nombreuses femmes, sans les avertir des risques de tumeurs cérébrales, pourtant connus depuis des années. Une association de victimes, l'Ameava, a déposé une plainte contre X mardi 5 novembre au tribunal judiciaire de Paris pour dénoncer la « faillite » des acteurs en charge de ce médicament. Selon Le Monde, cette plainte au pénal vise cinq infractions : administration de substance nuisible, atteinte involontaire à l'intégrité de la personne, mise en danger d'autrui, non-signalement d'effet indésirable, tromperie aggravée.
« Il est aujourd'hui évident que les acteurs en charge de la sécurité d'Androcur – agence de santé, laboratoires, médecins – ont failli dans la gestion des effets secondaires de ce médicament », écrit l'association dans un communiqué, qui sollicite l'ouverture d'une information judiciaire « pour déterminer les négligences commises et établir la responsabilité des acteurs impliqués ».
L'Androcur (acétate de cyprotérone) est un progestatif commercialisé par Bayer depuis les années 1980. À l'origine, ce médicament est indiqué pour résoudre des problèmes de pilosité excessive, mais il a été prescrit, pendant des décennies, bien au-delà de ces indications, comme pilule contraceptive, traitement contre l'acné ou contre l'endométriose. La pilule a aussi été prescrite à des personnes en transition, pour bloquer leurs hormones masculines. Mais ce médicament, présenté comme miraculeux, a des effets secondaires non négligeables, et peut multiplier par 20 le risque de développer des tumeurs au cerveau en cas d'utilisation prolongée.
« J'avais perdu la parole »
Quelque 2 578 femmes ont été opérées d'un méningiome à cause de la prise d'un médicament progestatif entre 2009 et 2018. Si ces tumeurs sont parfois qualifiées de « bénignes », elles ne sont pas susceptibles de dégénérer en cancers mortels mais elles peuvent provoquer de graves handicaps neurologiques.
« Ce méningiome m'avait rendue hémiplégique du côté droit. J'avais perdu la parole », confie Emmanuelle Huet-Mignaton, victime et cofondatrice de l'association Amaeva. Après avoir pris l'Androcur pendant sept ans, elle raconte avoir développé cinq tumeurs, dont une de la taille d'une orange. « Ça m'a plongée dans une dépression assez importante », précise-t-elle à France Info.Emmanuelle n'est pas un cas isolé. Des dizaines de victimes disent avoir vécu les mêmes symptômes. « J'aurais pu perdre mon œil », déplore une quinquagénaire, qui a dû enchaîner les interventions chirurgicales.D'après la plainte, « à compter de 1998, des cas de méningiomes sont régulièrement déclarés aux laboratoires commercialisant l'Androcur ». Et ce surrisque a été identifié au début des années 2000, avant d'être reconnu par les autorités sanitaires en 2008-2009, selon l'Amaeva. Le lien du médicament Androcur avec les méningiomes a été clairement établi en 2018. « Pourtant, aucune information n'a été communiquée aux professionnels de santé prescripteurs ni aux patientes avant 2019 », dénonce l'association.