• UNE TECHNOLOGIE MISE EN CAUSE

     

    Vaccin Johnson & Johnson : "Il faut éviter les erreurs de communication d'AstraZeneca"

    Défiance

    Par Célia Cuordifede

    Publié le 13/04/2021 à 6:00

    Le vaccin du laboratoire américain Janssen fait déjà l’objet d’une étude de l’Agence européenne du médicament en raison de rares cas de thromboses détectés aux États-Unis. En France, médecins et pharmaciens s’inquiètent du mauvais sort qui pourrait lui être réservé, au risque d'entraver la campagne contre le Covid.

    Même technologie de fabrication, même déroute ? Autorisée depuis le 12 mars par la France, l’injection du vaccin Johnson & Johnson doit débuter dès cette semaine, avec une première livraison de 200 000 doses. Le sérum du laboratoire américain Janssen-Cilag présente de multiples avantages logistiques mais fait déjà l’objet d’une vigilance renforcée de la part des institutions européennes et françaises, notamment de l’Agence européenne du médicament (EMA). Ce vendredi 9 avril, l’EMA indiquait ainsi enquêter sur de possibles liens entre ce vaccin et de rares cas de thromboses (comme cela a été le cas avec le vaccin AstraZeneca), après que quatre aient été recensés aux États-Unis sur 5 millions de vaccinés.

    Devant la pharmacie du boulevard Saint-Marcel à Marseille, les avis sont plutôt unanimes ce lundi 12 avril. "Pour moi ce sera Pfizer, pas un autre !", lâche Claude, 55 ans. L’homme fait désormais partie des publics ciblés par la vaccination, puisque ce week-end Olivier Véran a annoncé l’élargissement de la vaccination à "tous les Français de plus de 55 ans, sans conditions", notamment avec le vaccin AstraZeneca ou celui, tout juste en cours de livraison de Janssen. "AstraZeneca, avec tout ce que l’on dit dessus, je préfère le laisser aux autres", nous lance-t-il du bout des lèvres. Quant à Johnson & Johnson : "Ils en ont fait tout un flan hier au JT, mais ça ne me tente pas non plus !", ajoute catégorique le quinquagénaire avant de couper court pour "filer au travail". À quelques pas de là, Jeanne, elle, sait davantage pourquoi la vaccination avec le sérum américain la convainc moins. "Il est basé sur la même technologie qu’AstraZeneca, qui a très mauvaise presse", pointe la sexagénaire.

    UNE TECHNOLOGIE MISE EN CAUSE

    En effet, les deux vaccins, celui de Janssen comme celui d’AstraZeneca, ont été conçus à partir de la technique dite du vecteur viral. C’est-à-dire qu’ils utilisent comme support un autre virus (appelé adénovirus) peu virulent pour l’humain, dans lequel est intégré un fragment de l'ADN du SARS-CoV-2. Une fois dans les cellules, une protéine typique du Sars-CoV-2 est produite, ce qui permet à notre système immunitaire de le reconnaître et le combattre. L'organisme développe ainsi lui-même une réponse immunitaire. Une technologie qui pourrait faire émerger le même type de problèmes… à savoir des cas de thromboses.

    "Pour l’instant, on ne peut pas exclure que les problèmes de thromboses relevés aux États-Unis et en Europe soient dus au type de vaccin à adénovirus", explique auprès de Marianne Daniel Floret, spécialiste en maladie infectieuse et vaccinologie, aussi membre de la commission technique de la vaccination auprès de la Haute autorité de Santé.

    PAS DE CAS EN FRANCE, MOINS DE DÉFIANCE

    Un flou que les médecins et pharmaciens français espèrent voir dissipé rapidement. "Après les déboires d’AstraZeneca, si Johnson & Johnson a les mêmes rares effets secondaires, comme ces cas de thromboses, c’est sûr qu’il y aura une grosse défiance", s’inquiète Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président de la confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Après les multiples revirements du gouvernement au sujet du vaccin AstraZeneca, le généraliste voit déferler dans son cabinet une vague de patients qui lui demandent de refaire leur certificat d’éligibilité, en inscrivant désormais le nom de Pfizer. "On double notre temps de travail pour faire de la pédagogie, ça devient épuisant, signale-t-il. Il ne faut surtout pas faire les mêmes erreurs de communication. Il faut aussi apprendre à rationaliser les choses entre risque collectif face au Covid-19 et risque individuel avec la vaccination".

    De son côté, Cécile Chamaret, maître de conférences à l’École Polytechnique, spécialiste des résistances humaines aux nouvelles technologies, dont les vaccins, est plutôt optimiste. "Tant qu'il n'y a pas d'effets secondaires signalés et médiatisés en France, on peut penser que la défiance reste basse. L'inverse pourrait par contre entraîner une défiance importante, comme pour AstraZeneca".

    IMPOSSIBLE DE NE COMPTER QUE SUR PFIZER

    Reste que les personnels soignants misent sur ce produit pour réussir la campagne de vaccination. "C’est une bonne nouvelle, ça fait des doses en plus à administrer", commente Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens. Si la première livraison n’est que de 200 000 unités, l’Hexagone devrait en recevoir 400 000 supplémentaires d’ici la fin du mois d’avril. Le sérum est d'autant plus attendu qu'il pourrait favoriser l'injection des personnes plus difficiles à atteindre. "L’injection en une seule dose (au lieu de deux pour les autres vaccins, N.D.L.R.), est un avantage de taille dans de nombreuses situations, notamment auprès des personnes en milieu rural et/ou très précaires", souligne Daniel Floret.

    Autre avantage, les conditions de stockage de Johnson & Johnson : un congélateur oscillant entre – 6° et – 8° suffit tandis que le vaccin Pfizer doit être conservé entre – 60° et – 80°.

    Les spécialistes et médecins contactés par Marianne s'accordent sur un constat : "La France ne pourra pas lutter contre l’épidémie avec un seul vaccin, en se dispensant des ceux qui sont plus ou moins controversés". D’abord, s’agace le Dr Jean-Paul Hamon, "parce que la vaccination a un bénéfice largement supérieur à son risque". Mais aussi parce que, d'ici l'été, la direction générale de la santé table sur 41,1 millions de doses reçues de Pfizer-BioNTech, 15,4 millions de doses pour AstraZeneca/Oxford, 8,1 millions pour Johnson & Johnson et 6,7 millions pour Moderna. Une équation où les inconnues pourraient coûter cher.

     

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