• Le long chemin chaotique de la loi Pénicaud 2

    Le texte réformant l’assurance-chômage, l’apprentissage et la formation continue a été voté mercredi soir. L’exécutif a souvent retravaillé sa copie.

    LE MONDE | 02.08.2018 à 10h24 • Mis à jour le 02.08.2018 à 11h04 |Par Bertrand Bissuel

     

     

     

    Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la « rénovation » de notre modèle social vient de franchir une deuxième étape. Après la réécriture en 2017 du code du travail, trois dispositifs sont sur le point de connaître des transformations majeures : l’assurance-chômage, l’apprentissage et la formation continue. Une triple réforme permise par le projet de loi « avenir professionnel », que l’Assemblée nationale a définitivement adopté, mercredi 1er août, par 137 voix pour et 30 contre.

    Seuls les députés LRM et MoDem ont approuvé le texte, qui contient également des mesures relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises, aux travailleurs détachés et à l’emploi des handicapés. Les autres groupes se sont tous exprimés contre, ce qui n’avait pas été le cas, en 2017, pour la refonte du code du travail puisque une nette majorité d’élus de droite et du centre-droit avaient donné leur imprimatur.

    Les votes négatifs sur le projet de loi « avenir professionnel » traduisent, bien évidemment, des désaccords de fond. Le fait, par exemple, de retirer des prérogatives aux régions dans le pilotage de l’apprentissage a été dénoncé, à gauche comme à droite. Mais la méthode employée par l’exécutif a également nourri les critiques : « improvisation »« précipitation »« amateurisme »… A maintes reprises, les députés et les sénateurs de l’opposition se sont indignés que le gouvernement retravaille constamment sa copie à coups d’amendements tombés du ciel. Un peu comme un joueur de Rubik’s cube qui serait lancé dans la quête, interminable, des bonnes combinaisons.

    Ce reproche a sans doute atteint son point culminant, le 10 juillet, au Palais du Luxembourg. La veille, lors de son discours devant le Congrès, Emmanuel Macron avait, contre toute attente, exprimé le souhait que les partenaires sociaux ouvrent, à l’automne, des négociations afin de réviser les règles d’indemnisation des demandeurs...

     


  • Le gouvernement envisage de faire payer les arrêts maladie aux entreprises

    Le gouvernement envisage de faire payer les arrêts maladie aux entreprises

    Pour réduire les dépenses d'assurance maladie, les entreprises pourraient prendre en charge, à la place de la Sécurité sociale, les indemnités versées pendant les arrêts de moins de huit jours. Le patronat s'insurge.

    Le gouvernement semble prêt à tout pour faire des économies dans l'Assurance maladie. L'une des pistes actuellement envisagées consisterait, selon Les Échos , à faire prendre en charge une partie de l'indemnisation des arrêts maladie de courte durée aux entreprises, à la place de la Sécurité sociale. L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a été mandatée par le gouvernement pour plancher sur le sujet. La mesure évoquée, qui pourrait coûter 900 millions d'euros aux entreprises, devrait être présentée en septembre aux partenaires sociaux par le premier ministre Édouard Philippe, et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Les économies qu'elle permettrait de réaliser pourraient contribuer au financement du plan santé qui doit être présenté à la rentrée.

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    Concrètement, les entreprises pourraient avoir à prendre en charge, à la place de la Sécu, jusqu'à quatre jours d'indemnités journalières au-delà du délai de carence de trois jours, pour les arrêts de moins de huit jours. Dans le système actuel, le salarié en arrêt maladie ne touche pas d'indemnisation pendant les trois jours de carence puis, à partir du quatrième, la Sécurité sociale lui verse 50% de son salaire. Dès le 8e jour d'arrêt, et si le salarié bénéfice d'au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise, le Code du travail impose à l'entreprise de verser une indemnisation complémentaire à l'indemnité journalière de Sécurité sociale. Ces conditions d'indemnisation varient toutefois selon les conventions collectives en vigueur dans l'entreprise. Certaines versent par exemple un complément dès le 4e jour d'arrêt, d'autres n'appliquent aucun jour de carence. Dans le projet imaginé par le gouvernement, les entreprises seraient dans l'obligation de payer l'indemnisation à la place de la Sécu, dès le 4e jour d'arrêt, à un niveau qui n'est pas encore déterminé.

    Un premier scenario prévoyait d'aller plus loin encore en imposant une prise en charge des indemnisations par les entreprises sur une période de 30 jours au-delà du délai de carence. Cette mesure aurait permis de faire économiser entre 3 et 4 milliards d'euros à la Sécurité sociale, selon l'Igas. Un coût qui aurait été reporté sur les entreprises. Mais face à l'hostilité affichée par les syndicats patronaux, le projet a été revu à la baisse, avec une prise en charge par les entreprises de seulement quatre jours pour les arrêts maladie de moins de huit jours, avec un coût final de 900 millions d'euros.

    Responsabiliser les entreprises

    En plus de faire baisser les dépenses de la Sécurité sociale, la mesure viserait un objectif plus global, selon l'Igas: lutter contre la multiplication très coûteuse des arrêts maladie en responsabilisant les entreprises. Entre janvier et juin dernier, les versements d'indemnités journalières ont augmenté de 4,6% sur un an, à 10,4 milliards d'euros, selon les derniers chiffres de la Cnam. Or D'après l'Igas, certaines entreprises affichent un taux d'absentéisme pour maladie très supérieur à la moyenne de leur secteur. Les arrêts de courte durée se multiplieraient notamment en raison de mauvaises conditions de travail. Les entreprises, forcées de prendre en charge l'indemnisation de ces arrêts, seraient incitées à les améliorer. Selon Les Echos, le rapport de l'Igas préconiserait d'ailleurs d'encourager les entreprises à mettre en place un plan d'action en la matière en versant des subventions ou en réduisant leurs cotisations maladie.

    Mais le patronat ne comprend pas le projet. Les dirigeants du Medef, de la CPME et de l'U2P (syndicat des artisans) ont écrit à Edouard Philippe dans la semaine pour lui faire part de leurs inquiétudes. «Nous craignons d'aller dans une concertation qui ne soit qu'un faire-valoir pseudo-paritaire pour nous faire avaler la pilule», a déclaré le vice-président de la CPME Jean-Michel Pottier selon qui un tel projet serait un «chiffon rouge» pour le patronat. «Le principe n'est pas acceptable. On ne peut pas dire qu'on baisse les charges pour les entreprises et, à côté, nous taper dessus à la première occasion», prévient pour sa part le président de l'U2P, Alain Griset.

     
     
    Hayat Gazzane
    Hayat Gazzane