• "Assurance chômage : prendre le temps de refonder notre démocratie sociale"

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    • Boris Vallaud, Carole Delga, Stéphane Troussel, Monique Lubin, Dominique Potier, Christine Pirès-Beaune et Jean-François Debat

    Sept élus socialistes, dont Boris Vallaud et Carole Delga, publient une tribune sur le Journal du dimanche après l'échec des négociations sur l'assurance chômage. Ils demandent que le sujet soit débattu dans un "Grenelle du pouvoir d’achat et de la transition écologique".

     

    Voici la tribune des élus socialistes Boris Vallaud, Carole Delga, Stéphane Troussel, Monique Lubin, Dominique Potier, Christine Pirès-Beaune et Jean-François Debat : Depuis 1982 aucune négociation de l'assurance chômage n'avait échoué. Ce constat suffit à pointer le non sens des propos du Président Macron lorsqu’il déclare : "Chaque jour dans le pays, on dit 'corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire' Et quand on donne la main, on dit 'mon bon monsieur, c’est dur, reprenez-là'." C'est au caractère inédit de cet échec qu'on en mesure d'abord la gravité. Un échec dont le patronat et le Gouvernement portent la responsabilité. Responsabilité d’un patronat qui refuse d'admettre le comportement d'une petite partie des entreprises qui multiplient les contrats courts, mettant à mal les finances de l'Assurance chômage et plongeant nombre de Français dans la précarité. Quelques entreprises pèsent sur le fonctionnement de notre marché du travail et font payer leurs vices aux entreprises vertueuses.

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    Responsabilité du Président et du Gouvernement que rien n'obligeait à rouvrir une discussion qui venait d'être conclue, mais qui exigeaient 4 milliards d’euros d’économies sur 3 ans. Impuissants à rétablir l’équilibre des finances de l’assurance chômage par une politique de l’emploi, il leur semble plus aisé de lutter contre les chômeurs que contre le chômage.

    La moitié des demandeurs d’emploi n'est pas indemnisée et l’indemnisation moyenne n'est que de 1.020 euros

    Corsetée par ce cadrage et le dogmatisme du patronat la négociation n’avait aucune chance d’aboutir. Les déclarations du Président Macron révèlent les intentions initiales de l’exécutif : reprendre la main. Cet échec est une mauvaise nouvelle.

    • Pour les demandeurs d’emploi et leurs droits. Le Gouvernement pourrait décider de nouvelles mesures injustes pour accomplir les économies escomptées.
    • Pour le dialogue social. L'intransigeance du patronat et son refus de lutter contre l'explosion des contrats courts, risquent d'achever ce qu'il reste de paritarisme et de faire le jeu d'un gouvernement qui considère le dialogue social comme superflu.
    • Pour notre démocratie. Dans le moment singulier que traverse notre pays cet échec est un symptôme supplémentaire de l’état désastreux de notre démocratie politique et sociale.

    Mais le gouvernement en a-t-il conscience? Il est à craindre qu'il y voit la chance de décider seul de la transformation de l’assurance chômage, guidé par la recherche d'économies et commandé par les préjugés sur l'assistanat et les contreparties aux allocations.

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    Pourtant la moitié des demandeurs d’emploi n'est pas indemnisée et l’indemnisation moyenne n'est que de 1.020 euros. Le gouvernement devrait considérer la formule de Jean-Jacques Rousseau : "La domination même est servile quand elle tient à l'opinion ; car tu dépends des préjugés de ceux que tu gouvernes par les préjugés. Pour les conduire comme il te plaît, il faut te conduire comme il leur plait."

     

    Donnons du temps à une concertation approfondie avec les partenaires sociaux pour construire un système d’assurance chômage juste

     

    Que faire? La convention actuelle n’arrive à échéance que dans 18 mois. Donnons du temps à une concertation approfondie avec les partenaires sociaux pour construire un système d’assurance chômage juste.

    Un système qui pénalise les employeurs qui abusent des contrats de très courte durée et qui ne pèse pas sur ceux qui sont les plus vertueux.

    Ne faut-il pas déplafonner les cotisations d’assurance chômage pour que les plus aisés contribuent à l’assurance chômage des plus précaires? 

    Un système lisible où chacun connait ses droits pour éviter le drame des indus régulièrement rappelé par le médiateur de Pôle emploi.

    Un système où allocations chômage et minima sociaux seraient parfaitement articulés pour permettre une meilleure continuité des droits. 

    Il faut remettre en selle sans tarder les partenaires sociaux plutôt que de prendre acte de leur disparition. Voilà, au terme du grand débat un sujet qui trouverait sa place dans le Grenelle du pouvoir d’achat et de la transition écologique auquel le Parti socialiste appelle depuis des mois comme une condition d'une démocratie vivante.

    Les signataires de cette tribune : 

    • Boris Vallaud, député des Landes (PS) ;
    • Carole Delga, Présidente du Conseil régional d'Occitanie (PS) ;
    • Stéphane Troussel, Président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis (PS) ;
    • Monique Lubin, Sénatrice des Landes (PS) ;
    • Dominique Potier, Député de Meurthe-et-Moselle (PS) ;
    • Christine Pirès-Beaune, députée du Puy-de-Dôme (PS) ;
    • Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse (PS).
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