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Code du travail : ce que les ordonnances vont vraiment changer pour vous
DécryptageCode du travail : ce que les ordonnances vont vraiment changer pour vous
Par Laurence DequayPublié le 31/08/2017 à 13:30Indemnités de licenciement, encadrement du recours aux Prud'hommes, décentralisation massive du droit du travail au niveau des accords de branche et d'entreprise... Voici les conséquences sur le code du travail des ordonnances officialisées ce jeudi 31 août par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud.Vous êtes salarié d’une PME, d’une grande entreprise, galérien en CDD ? Que pourraient changer pour vous les cinq ordonnances que le gouvernement d’Edouard Philippe a présentées ce jeudi 31 août et entend promulguer fin septembre pour les quatre premières, et en fin d’année pour celle relative à la prise en compte de la pénibilité ? Explications.
Indemnités de licenciement
Premier point valable pour tous, si vous faites l’objet d’un licenciement dans l’année, vos indemnités conventionnelles seront augmentées à un quart de mois de salaire par année de présence dans l'entreprise (contre un cinquième jusque-là). Mais si votre licenciement est abusif, le dédommagement supplémentaire que vous pourrez obtenir aux Prud’hommes sera plafonné : à trois mois de salaire si vous avez moins de deux ans d’ancienneté (avec un plancher à 15 jours dans les TPE, un mois dans les autres) et à 20 mois de salaire si vous avez trente ans d’ancienneté. En outre, vous n’aurez qu’un an pour déposer réclamation auprès de ces tribunaux, contre deux auparavant.
Accords de branche ou d'entreprise ?
Si votre emploi n’est pas menacé dans l’immédiat, conseil de Marianne : il va falloir que vous vous intéressiez sérieusement aux négociations paritaires de branche et à vos futurs accords majoritaires d’entreprise… Car ces ordonnances décentralisent massivement le droit du travail à ces deux niveaux. Ainsi confient-elles exclusivement aux branches 11 domaines : le salaire minimum, la classification, les fonds de mutualisation professionnelle, la mutualisation des fonds paritaires, la prévoyance, la définition des temps partiels, des heures d’équivalence, le recours au CDD (durée, nombre, renouvellement délais de carence) et la création de CDI dits d’opération. Ces derniers sont des contrats indéterminés valides le temps d’un chantier, d’un projet ou d’une mission (sans contrôle a priori de l’administration du travail, comme le souligne la CGT).
Les branches négocieront aussi, pour l’ensemble des salariés, la durée des périodes d’essai. Elles pourront également verrouiller des sujets dans les domaines de la pénibilité, l’insertion professionnelle des handicapés, les parcours militants ou les primes pour travaux dangereux.
Se négocieront en revanche en entreprise… tout le reste (hors normes édictées par la loi) et notamment la rémunération de vos heures sup', vos primes d’ancienneté, voire de votre treizième mois... Entendus au-delà de leurs espérances, les petits patrons de moins de 20 employés pourront négocier en direct avec un salarié qui ne sera ni syndiqué ni même élu et organiser dans la foulée un référendum. Dans les PME de moins de 50, ce collègue devra être élu, ouf !
Conclusion : avant de toper pour un job, scrutez en détail le pedigree social de votre patron. Et élisez à votre nouveau conseil d’entreprise - qui fusionnera sous deux ans délégués du personnel, Comité hygiène et sécurité (CHSCT) et comité d’entreprise - des collègues courageux sur lesquels vous pouvez vraiment compter pour défendre vos intérêts ! Préférez également travailler dans une branche dans laquelle le dialogue social est une réalité….
Fusion des institutions représentatives CE, CHSCT et Délégué du personnel (DP)
Que changera cette fusion des institutions représentatives CE, CHSCT et DP ? Ces élus vont devoir être ultra-polyvalents, ce qui pourra en effrayer certains. Moins de recrues sur les listes, c’est aussi moins d’occasions de convaincre des salariés de s’engager dans les syndicats. Assistera-t-on comme en Allemagne à la bureaucratisation des représentants des salariés ? « Une dérive à laquelle les technos ne pensent nullement », cingle Luc Bérille de l’Unsa.
A la CFDT, déçue par ces ordonnances, Véronique Descaq critique, outre le plafonnement des dommages accordés par les Prud’hommes, la possibilité donnée aux patrons de PME de négocier avec leurs salariés sans délégué syndical. « Ces règles risquent de recréer un effet de seuil alors que le gouvernement affirmait vouloir les supprimer », souligne-t-elle. « Nos entreprises ne vont pas immédiatement signer des milliers d’accords. Avoir la faculté d’y recourir nous incitera à embaucher », tempère François Asselin (CPME).
Reste la question clé : ces ordonnances travail aideront-elles à faire reculer le chômage ? Sur le sujet, on vous recommande la lecture dans le numéro de Marianne cette semaine, du débat de fond percutant entre un grand patron de l’aéronautique, Jean-Claude Volot, et François Hommeril, le président de la CFE-CGC qui invite lui à se mobiliser contre les ordonnances.