• Donald Trump précipite le déclin de la puissance américaine

    Donald Trump précipite le déclin de la puissance américaine

    Donald Trump précipite le déclin de la puissance américaineDonald Trump affaiblit l'influence des Etats-Unis dans le monde. (Brendan Smialowski / AFP)

    MONDOVISION. Depuis son élection il y a un an, le président des Etats-Unis affaiblit son pays et sa stature dans le monde. Pour le plus grand bonheur de la Chine et de Xi Jinping.

     
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    C’est l’ancien Premier ministre australien Kevin Rudd qui a trouvé la formule la plus assassine, la plus juste aussi : "En moins d’un an, l’Amérique de Donald Trump est devenue la risée ["the laughing stock", en anglais, NDLR] du monde entier", écrit-il dans un article du réseau Project Syndicate.

    Le plus grave dans cette description cruelle est que Rudd évoque "l’Amérique de Donald Trump", pas la personne du président. Car si le personnage du milliardaire-devenu-commandant en chef de la première puissance mondiale fait régulièrement rire ou sourire, parfois de manière grinçante, ce qui se produit aux Etats-Unis est d’une autre nature.

    Un an après l’élection de Trump, le 8 novembre 2016, qui a pris le monde par surprise tant la victoire d’Hillary Clinton avait été anticipée par les chancelleries comme par les médias et la plupart des experts, c’est toujours le règne de l’imprévisibilité.

    L'Amérique introvertie

    Cette imprévisibilité, dont la diplomatie a généralement horreur, porte à la fois sur le sort de Donald Trump lui-même, de plus en plus incertain avec les avancées de l’enquête sur la "Russia Connection" dans la campagne électorale, et sur la place et la stratégie américaine dans le monde, difficilement lisibles.

    La "guerre culturelle" en cours aux Etats-Unis et l’énergie déployée par la Maison-Blanche pour se défendre et éviter au président les pièges d’un processus d’impeachment, de destitution parlementaire, risquent de rendre l’Amérique de plus en plus introvertie, de moins en moins réceptive aux clameurs du monde et à la tectonique des plaques géopolitiques.

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    Ce serait une bonne chose si ça avait pour effet de neutraliser des embardées potentiellement catastrophiques à l’image de l’invasion de l’Irak par l’administration Bush en 2003, dont le monde paye encore au prix fort les conséquences ; mais les difficultés internes et les incohérences de l’administration Trump ne l’empêchent pas de sévir, le plus souvent négativement.

    Amateurisme et aveuglement

    Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump a d’abord exercé son pouvoir négativement, en effet, en détricotant une partie du bilan de son prédécesseur, Barack Obama, auquel il voue une haine mâtinée de jalousie.

    • Il est ainsi revenu de manière assez irrationnelle sur le traité transpacifique (TPP) qui avait été négocié en Asie pour "contenir" la Chine, pourtant l’un des thèmes de campagne du candidat Trump. 
    • Il a dénoncé la participation des Etats-Unis au traité de Paris sur le climat, autre promesse de campagne, donnant ainsi un gage fort aux climatosceptiques, au mépris des données scientifiques et de l’opinion du reste du monde.
    • Il a refusé de certifier une nouvelle fois l’accord nucléaire avec l’Iran, fragilisant sans toutefois mettre à bas l’un des rares succès de l’action multilatérale ces dernières années, au risque de déstabiliser un peu plus le Moyen-Orient. Mais aussi de ruiner toute possibilité de négociation avec une Corée du Nord déjà nucléarisée qui a toutes les raisons, désormais, de se méfier de la parole d’un président américain.

    On pourrait ajouter à cette liste déjà passablement lourde les menaces sérieuses qu’il fait peser sur l’Alena (Nafta, selon l’acronyme anglais), le traité de libre-échange avec le Mexique et le Canada, dont la disparition, quoi qu’on pense de ce type d’accords, aurait de sérieuses conséquences sur l’équilibre entre la puissance américaine et son voisin du Sud.

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    Cette capacité de nuisance du chef de l’exécutif ne s’accompagne pas d’une stratégie évidente. Cet isolationniste primaire a néanmoins décidé de faire repartir à la hausse l’engagement militaire américain en Afghanistan, a bombardé la Syrie parce que sa fille a vu des images de souffrance sur Fox News, a failli provoquer un affrontement entre le Qatar et ses voisins du Golfe en donnant son feu vert à une offensive de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis contre leur rival de Doha, etc.

    Et s’il a contribué de manière décisive à la défaite de l’Etat islamique dans ses deux places fortes de Mossoul et Raqqa, on voit bien qu’il n’a pas de plan pour l’après-Daech, en Irak ou en Syrie. L’affaire kurde en Irak l’illustre de manière spectaculaire.

    Toujours au Proche et au Moyen-Orient, dont on se demande s’il comprendra un jour la complexité des enjeux et de l’histoire, Donald Trump se montre tellement complaisant vis-à-vis du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou que celui-ci accélère sur la colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie sans crainte de se mettre la Maison-Blanche à dos, au risque de générer les conflits de demain.

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    Au moment où il s’embarque pour sa première grande tournée en Asie, aux enjeux monumentaux entre nucléaire nord-coréen et relations avec la superpuissance en devenir, la Chine de Xi Jinping, Donald Trump n’a toujours pas de ligne diplomatique claire, ballotté entre des entourages contradictoires, au bord de la rupture avec son secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, qui l’a carrément traité d’"abruti" ("moron"), et soucieux avant tout de protéger sa base électorale conservatrice.

    Ce cocktail d’amateurisme, d’aveuglement idéologique, et d’intérêts contradictoires, met de plus en plus les Etats-Unis hors-jeu. Pas parce qu’ils l’auraient décidé ou qu’ils n’auraient plus les moyens d’être "dans le jeu", mais parce que leur incohérence en fait des alliés de moins en moins fiables, des stratèges sans stratégie ni même vision.

    L'Empire du Milieu de retour

    Le principal bénéficiaire de cette situation est évidemment Xi Jinping, qui vient de se faire couronner "roi" de Chine, selon la formule ironique mais si admirative de Donald Trump lui-même dans une interview télévisée.

    Les dirigeants chinois ont analysé depuis des années le "déclin" de la puissance américaine. Ils pensaient déjà que c’était le cas en 2008, lors de la crise des subprimes, et avaient cru prématurément que leur heure était arrivée. C’était avant Xi Jinping, arrivé au pouvoir en 2012, et avant Donald Trump, élu il y a seulement un an.

    A voir le discours-fleuve de Xi Jinping au 19e Congrès du Parti communiste chinois, la semaine dernière, on peut lire entre les lignes que Pékin est aujourd’hui persuadé que les planètes sont alignées pour refaire de la Chine la puissance centrale qu’était autrefois l’"Empire du Milieu". 

    Elle le doit à ses efforts considérables qui ont permis au pays de devenir la deuxième économie mondiale en trois décennies, mais aussi à Donald Trump qui précipite les Etats-Unis dans une zone d’inconfort stratégique, qui peut être interprétée comme un signe de déclin.

    Ce faisant, Donald Trump aboutit au résultat inverse de ce qu’il professe et défend : au lieu de "make America great again", il renvoie à ses rivaux l’image d’un homme qui est en train d’affaiblir son pays et sa stature dans le monde : qui croit encore que l’Amérique est en train de devenir plus "grande" avec Trump ? Assurément pas Xi Jinping en tout cas…

    Le sacre de Xi Jinping ou le retour d’une conception impériale du pouvoir

     

    Les Européens assistent à ces bouleversements avec leur habituelle indifférence à la marche du monde. Le psychodrame catalan concentre toute l’attention, alors qu’il n’est qu’un "side show" comme disent les Américains, un grain de sable par rapport aux enjeux de l’époque.

    Un temps revigorés par les menaces de Donald Trump de retirer son "bouclier" aux Européens qui ne paieraient pas, les pays du "vieux continent" ont été rassurés par les paroles apaisantes prononcées depuis, et tout se passe comme si l’alerte était passée.

    Ce serait une erreur profonde, qui menacerait les Européens de n’être que les sujets, et non les acteurs, des changements stratégiques profonds qui sont en cours.

    Cette prise de conscience a commencé, en particulier depuis l’élection d’Emmanuel Macron en France, mais elle reste encore trop incertaine pour changer la donne. Un an après l’élection de Donald Trump, l’Europe doit enfin décider si elle est un appendice d’une Amérique en crise, ou l’acteur de sa propre histoire.

     

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