• Jugé à Bordeaux, le « moudjahidine de l’espace » qui avait craché sur des surveillants

    Jugé à Bordeaux, le « moudjahidine de l’espace » qui avait craché sur des surveillants

    Jugé à Bordeaux, le « moudjahidine de l’espace » qui avait craché sur des surveillants

     

    « C’est le cas typique où le judiciaire doit traiter et gérer des personnes qui relèvent de la psychiatrie et du soin », déplore la vice-procureure Marie-Noëlle Courtiau-Duterrier. © Crédit photo : Archives Thierry David/SO

    Un détenu quadragénaire était jugé mercredi 17 avril 2024 à Bordeaux pour des coups de pied, des crachats, des insultes et menaces envers plusieurs surveillants pénitentiaires

    Son nom ? « Ça dépend. Le terrien ou l’extraterrestre ? », demande le prévenu qui se présente comme « un serviteur d’Allah », « moudjahidine de l’espace », milliardaire, propriétaire d’un palais sur Saturne. Avec patience mais fermeté, Marc Fritsch, le président du tribunal correctionnel de Bordeaux le fait redescendre sur Terre.

    L’homme, détenu quadragénaire dont la sortie du centre pénitentiaire de Gradignan est prévue pour le mois de juin, est jugé pour une série d’incidents survenus en prison, entre fin mars et début avril 2024. Des coups de pied dans la tête et dans le ventre lors d’une fouille, des menaces et insultes, et même des crachats à l’occasion de soins ou de repas.

    Il n’écoute pas le résumé des faits. « Pas besoin, je l’ai vécu. » Un peu plus tôt, dans les geôles du palais, il s’est dévêtu. Dans le box, il s’étire, fait des pompes, puis des tractions, boit, se promène, saisit la mousse du micro et chante. « Vous ne voulez pas un concert à la place ? » « Le tribunal n’est pas une salle de spectacle », rétorque le président.

    La peur au ventre

    Le prévenu se justifie. Sur les violences : « J’avais fumé mes draps. Ils m’ont donné des ordres. Ils voulaient me toucher pour la fouille, je me suis débattu. » Les crachats : « Je dois prendre mon médicament le matin, elle est venue à midi ! » Ou : « J’ai droit à la douche et la cabine téléphonique et ils ne me les donnent pas. Je suis dans mon droit parce que je suis dans une zone de non-droit. » « Je suis dans un engrenage, j’arrive plus à m’arrêter », confesse-t-il. L’expert psychiatre qui l’a rencontré conclut à une altération du discernement et se montre pessimiste pour la suite.

    « C’est de la folie de le juger comme quelqu’un qui a toutes ses capacités »

    « À cause de détenus comme lui, les surveillants viennent travailler la peur au ventre », explique Me Marlène Durand, du côté de la partie civile. « Au quartier disciplinaire, il faut venir casqué, ganté et les yeux protégés pour lui apporter son repas ! » Parmi les victimes figure une infirmière. « Les insultes, passe encore. Mais les crachats sont pour elle la limite qui a été dépassée », fait valoir Me Pascale Sadou-Allard. « Ces faits ne font pas partie de leur office », résume Me Alexiane Renou.

    « Le cas typique »

    « C’est le cas typique où le judiciaire doit traiter et gérer des personnes qui relèvent de la psychiatrie et du soin », déplore la vice-procureure Marie-Noëlle Courtiau-Duterrier, « plus que perplexe » à l’idée de sa sortie de détention programmée en juin. Le prévenu est en récidive. Il encourt cinq ans de prison. Parce que « le cadre carcéral est le seul endroit pour le moment qui puisse le contenir », la magistrate requiert dix-huit mois de prison ferme et son incarcération. Pour la défense, Me Éva Barouk se désole d’avoir à « jouer un rôle » qui n’est pas le sien, celui de médecin.« C’est de la folie de le juger comme quelqu’un qui a toutes ses capacités », lance-t-elle, demandant aux juges d’aller plus loin que les conclusions de l’expert en retenant une abolition du discernement. « En 2021, il a déjà été déclaré irresponsable pénalement. Celui qu’on juge aujourd’hui est le même bipolaire qu’il y a trois ans. » Après en avoir délibéré, le tribunal l’a condamné à quatre mois de prison ferme, à exécuter immédiatement.

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