• La santé mentale des Français sapée par le Covid-19

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    Confinement, déconfinement ainsi que la série de mesures restrictives prises depuis le mois de septembre ont dégradé chaque jour un peu plus la santé mentale des Français. Plusieurs enquêtes le montrent.

    C'est un drame invisible qui se joue en coulisses. Au sortir du confinement en mai, Sébastien, infirmier de l’hôpital psychiatrique de Ville-Evrad (Seine-Saint-Denis) avait asséné sans détours à Marianne : "Il y a eu les traumatisés de la guerre, il y aura les traumatisés du Covid". La crise sanitaire à laquelle s’ajoute une crise économique pèse sur le moral. Neuf mois après que le Covid-19 se soit imposé aux Français, plusieurs enquêtes montrent son effet sur la santé mentale.

    "Les caractéristiques de cette pandémie (rapidité de diffusion, connaissances incertaines, sévérité) ont installé un climat anxiogène", expliquent des psychiatres au cours d’une étude parue dans la revue l’Encéphale en juin dernier. Des caractéristiques auxquelles il faut ajouter pour de nombreux citoyens une peur incommensurable. Celle d'attraper le virus, de le transmettre à ses proches. Une période propice à l’augmentation du stress, des états anxieux et jusqu’à l’arrivée d'idées suicidaires chez certains.

    "AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES ÉTATS DÉPRESSIFS"

    Avant l’existence du coronavirus, 12 millions de personnes souffraient de troubles psychiques dans le pays. Soit un Français sur cinq. Et le chiffre pourrait inévitablement augmenter dans les prochains mois.

    D’après une enquête menée par Santé publique France, le taux d’anxiété des Français a doublé, passant de 13,5 % (hors épidémie) en 2017 à 26,7 % à la fin du mois de mars 2020 (une semaine après le début du confinement). La part de personnes en état dépressif a, elle aussi, atteint des niveaux élevés fin mars, avec 19,9 % contre 9,7 % en 2017. En hausse également, les troubles du sommeil : 61,3 %, contre 49,4 % trois ans auparavant. Autre augmentation significative, la consommation des médicaments pour les troubles psychologiques (+ 17 % par rapport à 2019). Et alors que certaines situations s’étaient améliorées avec la période estivale, une détérioration de la santé mentale des Français a de nouveau été rapportée. Une semaine après l’annonce du couvre-feu fin octobre, Santé publique France pointait "une augmentation significative des états dépressifs" (+ 5 points).

    "Certaines catégories de personnes ont un bien-être plus altéré que d’autres", affirme Nicolas Franck, psychiatre à Lyon et auteur du livre Covid-19 et détresse psychologique (paru le 28 octobre aux éditions Odile Jacob). Le profil type des plus touchés : "les précaires, les jeunes étudiants ainsi que ceux qui vivent dans de petites surfaces et les chômeurs", explique le professeur, auteur d’une étude réalisée sur près de 20.000 personnes pour estimer la détresse psychologique des Français liée à l’épidémie de Covid-19.

    Dans son bilan mensuel d’octobre, Santé publique France ne dit pas autre chose. "La diminution de l’anxiété n’a pas été observée chez des personnes déclarant une situation financière difficile, celles de catégories socioprofessionnelles les moins favorisées ou encore celles vivant en promiscuité, traduisant un creusement des inégalités de santé en situation de confinement", est-il écrit.

    AFFLUENCE DE NOUVEAUX PATIENTS EN PSYCHIATRIE

    Aude Daniel, psychiatre à Marseille à l’hôpital Edouard Toulouse, constate aussi une aggravation de l'état de ses patients déjà malades psychiquement. "Beaucoup d'entrre eux reviennent nous voir dans un état dégradé", témoigne-t-elle. Et avec des maux de plus en plus souvent liés au Covid-19 et au confinement. Déjà surchargée par le rattrapage des soins qui n’ont pas pu être maintenus lors de la période de confinement, Aude Daniel signale une hausse des consultations de nouveaux patients. "Troubles du sommeil, angoisses persistantes, stress, nos consultations ont triplé depuis l’été", raconte la psychiatre marseillaise.

    A Lyon, Nicolas Franck remarque le même phénomène. En banlieue parisienne, Sébastien fait malheureusement face à ses prédictions de mai dernier. "Nous faisons face à une vague psychiatrique, martèle-t-il. Nous recevons beaucoup de nouvelles personnes dont les traumatismes sont liés à la période".

    Pour l’heure, il n’existe pas de données chiffrées sur cette affluence vers les hôpitaux psychiatriques. Contacté par Marianne, le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie Frank Bellivier souhaite rester vigilant tant que des chiffres n’étayent pas la situation. "Quelques régions sont aux prises à de fortes tensions, mais on ne peut pas parler de vague psychiatrique pour l’instant", nuance-t-il.

    A son échelle, Aude Daniel remarque néanmoins "beaucoup de désespoir" chez ses patients. Sans trop s’avancer (parce que les chiffres mettent plusieurs années à remonter), la psychiatre a également identifié une recrudescence des tentatives de suicide.

    "SUICIDE : L’AUTRE VAGUE À VENIR DU CORONAVIRUS ?"

    Un phénomène au sujet duquel Jean-Claude Delgènes, le fondateur du cabinet de prévention des risques au travail Technologia, alerte depuis plusieurs mois. En septembre il assurait auprès de Marianne assister "à une augmentation des crises suicidaires". Son cabinet avait notamment détecté le malaise des salariés de France Télécom ainsi que de Renault il y a quelques années. "En très peu de temps, nous avons eu une dizaine d'alertes concernant des tentatives de suicide, dont quatre de grandes sociétés françaises, dans les secteurs pharmaceutique et bancaire ainsi que dans le domaine de la restauration", précisait-il.

    Ce vendredi 6 novembre, une étude intitulée "suicide : l’autre vague à venir du coronavirus ?" réalisée par la Fondation Jean Jaurès et dévoilée par Franceinfo met en lumière la montée des idées suicidaires au sein de la population. Les résultats sont dantesques. Parmi les personnes interrogées, 20% ont déjà envisagé sérieusement de se suicider. Parmi elles, 11% y ont songé durant le premier confinement et 17 % depuis la fin du premier confinement. Certaines catégories socioprofessionnelles sont plus touchées par ces idées suicidaires que d’autres. Trois catégories ont un taux d'intention remarquable : les dirigeants d'entreprises (27%), les chômeurs (27%) et les artisans-commerçants (25%).

    Tristement, Nicolas Frank a relancé son enquête en ligne pour connaître les effets de ce nouveau confinement sur la population quelques jours après l’allocution d’Emmanuel Macron le 28 octobre. Comme de nombreux autres psychiatres, le professeur Franck redoute une période plus difficile qu’au printemps. Car désormais, les perspectives d'un retour à la normale sont loin et l’incertitude grandissante.

     

     

     

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