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Macron, Barnier et les députés « pomponettes »
Macron, Barnier et les députés « pomponettes »
LE QUARTIER LIBRE DE SERGE RAFFY. En plein débat budgétaire, les députés du « socle commun », censés soutenir le gouvernement, ont déserté les bancs de l’Assemblée. Avec l’assentiment du président ?
Non, vous ne rêvez pas. C'est ici, en France, dans la plus haute instance de la représentation nationale que nous assistons à un spectacle déconcertant, pour ne pas dire affligeant. Alors que le pays est au bord du gouffre, que l'Europe nous attend au coin du bois pour nous faire payer notre dette publique colossale, que les agences de notation sont à deux doigts de nous déclasser, à l'Assemblée nationale, en plein débat sur le projet de loi de finances 2025, nos députés ont pris la poudre d'escampette.
Volatilisés. Disparus. Aux abonnés absents. Ils ont fait l'école buissonnière avec une inconscience folle, tels des garnements qui avaient autre chose à faire que de discuter du budget proposé par Michel Barnier et son équipe. Nos députés ? Pas tous. Ceux de la coalition qu'on appelle le « socle commun » – Renaissance, LR, MoDem, Horizons –, des élus censés soutenir le gouvernement de cohabitation qu'Emmanuel Macron a validé du bout des lèvres après le désastre de la dissolution.
On les supposerait combatifs, ardents à tenter de sauver les meubles, pugnaces à éviter de montrer une image désastreuse du pays. Or, près de quatre députés sur cinq de ces formations – le MoDem étant moins touché par cette vague de fuyards – ont préféré faire le mur. Ils ont laissé le champ libre au Rassemblement national et à La France insoumise pour mener la danse parlementaire, voter amendement sur amendement, et apparaître ainsi comme les garants du débat démocratique. Incroyable ! Les extrêmes en stabulation libre au Palais-Bourbon. Du rarement vu.
Simulacre de débat
Comment a-t-on pu en arriver à une telle situation de guerre picrocholine ? Comment des pseudos alliés ont-ils pu tourner le dos à celui qu'ils doivent aider sous peine de le jeter dans un précipice ? Là, deux versions s'opposent. La première : celle d'un président de la République à la manœuvre, un brin pervers, tentant d'affaiblir un Premier ministre hostile, appelant, en sous-main, ses dernières troupes, encore valides, à boycotter le scrutin sur le budget, histoire de fragiliser l'importun de Matignon jusqu'à la corde.
Pour quelle suite ? Institutionnellement, les espaces du locataire de l'Élysée lui sont de plus en plus réduits, à l'exception d'une démission fracassante. L'autre version ? Peut-être, la pire. Les élus de tous ces partis n'ont plus de boussole, plus de direction à suivre. Ils sont devenus des députés errants, tel Don Quichotte, à la recherche d'une impossible étoile. Ils naviguent au vent, tels des pomponnettes parties loin de chez eux. Leur chef est en exil à l'Élysée, devenu l'île de Sainte-Hélène.Il ne leur reste comme point d'appui, comme lien avec le réel, que leur circonscription. C'est l'élément de langage répété en boucle par de nombreux macronistes. Pourquoi perdre son temps à l'Assemblée, disent-ils, puisque nous savons que les jeux sont faits, qu'au bout de ce simulacre de débat, l'homme qui gouverne sur un fil, Michel Barnier, usera du 49.3 pour en finir avec cette mascarade ?Seul François Bayrou, en vieux routier de la politique, a osé crier au feu, pressentant la catastrophe. Il a alerté, en vain, sur les dangers, dans l'opinion, d'une défection qui n'avait que peu de rapport avec l'absentéisme classique pratiqué au Palais-Bourbon. Les Français pourraient bien penser que les pomponnettes ont volontairement déserté les bancs où ils auraient dû siéger avec constance et ténacité. De quoi alimenter un peu plus l'antiparlementarisme qu'ils dénoncent à longueur de temps ? Et passer pour les nouveaux tartuffes ?