• « On en a marre d’être expulsés » : un des bidonvilles de Bordeaux-Lac évacué

    « On en a marre d’être expulsés » : un des bidonvilles de Bordeaux-Lac évacué

     

    « On en a marre d’être expulsés » : un des bidonvilles de Bordeaux-Lac évacué

     

    Ils disent être 500 Roumains, plus probablement 200 à 500, et occupent illégalement les terrains de l’ancien siège de l’assureur depuis le 14 mars, déjà visé par une procédure d’expulsion à leur arrivée en raison de la présence de Bulgares.  

    Plusieurs centaines de Roms de Roumanie, dont de nombreux travailleurs de la vigne, avaient trouvé refuge sur ce site après leur expulsion de la rue Dangeard… qui faisait suite à leur expulsion de Villenave-d’Ornon

    Ce mercredi matin, un groupe d’hommes confère sur un banc de jardin en plastique, derrière les fumées âcres d’un meuble en aggloméré, qu’ils ont incendié pour se réchauffer. L’heure est à l’inquiétude, dans le bidonville qui s’est développé ces dernières semaines autour de l’ancien siège de l’assureur Gan, entre le Parc des expositions et le stade Matmut Atlantique, à Bordeaux-Lac. « La police est passée nous voir lundi pour nous informer que nous serions expulsés ce jeudi [28 mars, NDLR] », raconte Alex. Ce que la préfecture confirme.

    En un mois, le bidonville de la rue Dangeard s’est reconstitué moins d’un kilomètre plus loin, rue du Vergne.

    En un mois, le bidonville de la rue Dangeard s’est reconstitué moins d’un kilomètre plus loin, rue du Vergne.

    Fabien Cottereau/SO

    Ces hommes qui discutent ne devraient pas être là, comme le confie Mihai : « On est censé travailler dans les vignes ce matin. On a tous des contrats en cours. Mais on n’y est pas allés. On est restés pour essayer de trouver un nouveau terrain pour nos familles. Pour les mettre en sécurité. »

    Les familles qui restent présentes à la veille de l’expulsion annoncée sont des Roms venus de la même région : la Moldavie roumaine. Ils ont trouvé refuge ici après leur expulsion, le 14 février, du terrain de la rue Dangeard, appartenant à la Métropole. Où ils s’étaient installés après avoir été chassés, le 17 août, d’une parcelle municipale de Villenave-d’Ornon, qu’ils occupaient aussi illégalement.

    Les habitants affirment qu’une centaine d’enfants vit sur le site.Les habitants affirment qu’une centaine d’enfants vit sur le site.

    Fabien Cottereau/SO

    Une sensation de déjà-vu, donc. Même s’il est difficile de s’habituer à cet agglomérat de caravanes essoufflées et de cabanes branlantes où vivent des familles entières, entre raccordements sauvages, carcasses automobiles et autres immondices.

    « Qu’on nous laisse du temps »

    À la veille de l’expulsion du mois dernier, le terrain de la rue Dangeard s’était vidé de lui-même. Cette fois, quelque 50 Bulgares, qui s’étaient installés ici dès l’automne, ont plié leurs bagages le week-end dernier, pour se rendre rue Baour, où squattent déjà un groupe de leurs concitoyens. Mais les Roumains, eux, sont en mal de point de chute.

    Les occupants se sont raccordés à l’eau et à l’électricité.Les occupants se sont raccordés à l’eau et à l’électricité.

    Fabien Cottereau/SO

    « Cela fait une semaine qu’on cherche, on ne trouve rien », expose Badoi. Difficile de dénicher un site facile à « ouvrir » qui soit à la mesure de la population. Combien sont-ils ? Mihai calcule, multiplie le nombre de caravanes par la composition moyenne de chaque foyer : « Environ 500, estime-t-il, dont au moins 100 enfants. » Plus vraisemblablement entre 200 et 300.

    « C’est nous qui faisons vivre la vigne d’ici. Ce n’est pas normal qu’on vive dans ces conditions »

    « Si on nous sort tous d’un coup ce jeudi, ça va bloquer toutes les routes, anticipe Badoi. Qu’on nous laisse du temps. Au moins jusqu’à Pâques [le 5 mai dans le calendrier liturgique roumain, NDLR], quand on rentrera en Roumanie avec notre paie de mars. »

    Outre une centaine de caravanes antiques, des cabanes faites de matériaux de récupération sont sorties du sol.Outre une centaine de caravanes antiques, des cabanes faites de matériaux de récupération sont sorties du sol.

    Fabien Cottereau/SO
     
     

    Un problème sans fin ?

    Sauf que la préfecture intervient ici en application d’une décision de justice. Et que ces procédures se font uniquement à l’initiative du propriétaire. En l’espèce, l’assureur Gan (dont nous ne sommes pas parvenus à obtenir de commentaires). Une simple affaire privée, donc.

    Le campement rassemble une centaine de caravanes. Cette fois, à la veille de la date d’expulsion annoncée, elles sont toujours là.Le campement rassemble une centaine de caravanes. Cette fois, à la veille de la date d’expulsion annoncée, elles sont toujours là.
    Fabien Cottereau/SO

    Cet hiver, son ancien bâtiment a été systématiquement désossé, du sol au plafond, à la recherche de fils électriques. Comme en attestent les panaches noirs qui s’élèvent au-dessus du camp, la vente du cuivre récupéré par brûlage des gaines est une activité économique essentielle dans le bidonville – avec des dérives dans la phase de « récupération » du matériau. Des vols, pour parler clairement.

    Sur la décision d’évacuer, Leonard Velicu, de l’association Eurrom, explique être en relation avec des structures de défense des Roms en région parisienne. Lesquelles « remarquent une recrudescence des expulsions de terrains situés à proximité immédiate de sites olympiques. Ce qui est le cas du stade Matmut. »

     

    De Podensac à Bordeaux en passant par Mérignac, Bègles ou Canéjan, l’errance de ce groupe dure depuis 2016. Avec, d’expulsion en expulsion, des frais de nettoyage des sites cumulés qui se chiffrent en million d’euros. Un problème sans fin ? « À Toulouse, plaide Leonard Velicu, il existe un site stabilisé depuis quinze ans. À Bordeaux, l’État et la Métropole ont fait des efforts pour créer des espaces temporaires d’insertion (ETI) pour ‘‘résorber’’ les bidonvilles. Mais les places en ETI se comptent en dizaines. Et la population des bidonvilles en centaines. » Sachant que ces Roms « Calderare » de Roumanie, très grégaires et adeptes des allers-retours, ne cochent pas forcément les cases pour y accéder.

    Le terrain de la rue du Vergne est situé entre le stade Matmut et le Parc des expositions.Le terrain de la rue du Vergne est situé entre le stade Matmut et le Parc des expositions.

    Fabien Cottereau/SO

    Et pourtant, « on en a marre d’être expulsés tout le temps, s’agace Mihai. Qu’on nous donne un site stable. S’il faut participer financièrement, on peut le faire. Moi, ça fait cinq ans que je suis dans les vignes. Au travail, il n’y a plus que nous, les Roumains, et des Bulgares. Plus aucun Français. C’est nous qui faisons vivre la vigne d’ici. Ce n’est pas normal qu’on vive dans ces conditions. »Ce mercredi en milieu de soirée, les occupants semblaient finalement avoir trouvé un site où s’installer, et celui de la rue du Vergne se vidait dans un ballet nocturne de caravanes. Une étape de plus sur le circuit de ce bidonville itinérant.

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