• Sécurité dans les transports: Comment la RATP gère les colis suspects?

    Sécurité dans les transports: Comment la RATP gère les colis suspects?

    REPORTAGE Chaque jour, sept colis suspects sont signalés sur le réseau RATP. Pour limiter le temps d’intervention, et donc les perturbations, des équipes cynophiles sont testées depuis décembre…

     

    Depuis décembre 2016, la Ratp fait appel à des chiens renifleurs pour les colis suspects.

     

    Depuis décembre 2016, la Ratp fait appel à des chiens renifleurs pour les colis suspects. - C. Politi

    Caroline Politi

    Ce sont trois petites notes que les utilisateurs parisiens des transports en commun connaissent bien. Trois petites notes pour annoncer que vous aurez encore pendant de longues, très longues minutes, la tête coincée sous l’aisselle de votre voisin, qui lui-même est en équilibre sur la pointe des pieds entre une valise et une poussette. Puis la sentence tombe, d’une voix douce, presque chantante. « En raison d’un colis suspect, le trafic est interrompu. Veuillez-nous excuser pour la gêne occasionnée. »

    Depuis les attentats de Charlie Hebdo, les signalements sont passés de un tous les trois jours à sept par jour en moyenne sur le réseau RATP. Certaines lignes, à l’instar du tronçon central du RER A, reliant parmi les plus grosses gares du secteur, sont particulièrement impactées. En 2016, 30 % des colis suspects ont été découverts sur cette zone. Côté Transilien, le constat est identique : depuis 2014, les signalements ont augmenté de 122 %. « L’actualité a un impact évident sur la vigilance des voyageurs, assure Stéphane Gouaud, directeur de la sécurité à la Ratp. Une attaque terroriste entraîne immanquablement une recrudescence des signalements. » A peine a-t-il terminé sa phrase que son portable vibre. Le métro de Saint-Pétersbourg vient d’être la cible d’un attentat. Un colis suspect a explosé dans une rame, faisant 14 morts et 49 blessés. Un second a pu être désamorcé à temps.

    « Les gens ne font pas toujours attention à ce qui les entoure »

    Pendant « une bonne semaine au moins » les équipes de terrain s’attendent à être particulièrement sollicitées. « Ca aurait été bien plus si ça avait été en France. Quand c’est loin, les gens se sentent moins concernés. » Nasser parle d’expérience. Treize ans que cet agent du groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) inspecte gares et lignes de métro. Ce jour-là, il patrouille avec Didier et Paulin dans la gare de Châtelet-les-Halles. Leurs yeux balayent chaque recoin à la recherche d’un colis ou d’un comportement suspect. Chaque signe doit être pris avec la même attention. « Nous faisons nous-mêmes de nombreux signalements. Les gens ne font pas toujours attention à ce qui les entoure », précise ce grand gaillard.

    Tous les trois ont vécu « l’après-attentat ». Ceux de Charlie Hebdo, puis du 13 novembre « en version fois 10 ». Ils se souviennent des voyageurs effrayés qui venaient les trouver dès qu’un comportement leur semblait suspect, des mouvements de panique à chaque annonce… Peu à peu, les choses sont rentrées dans l’ordre, mais leur métier a changé. Désormais, ils ne sont plus seulement à l’affût des fraudeurs ou des voleurs à la petite semaine. « Avant, on assurait la sécurité des biens et des personnes, mais aujourd’hui ce sont des missions parmi d’autres. » Ils ont suivi des formations spéciales pour faire face à ce risque terroriste. « Même en dehors du travail, ma femme m’a fait remarquer que je scrute l’environnement, à la recherche d’un colis suspect », lâche Didier dans un grand éclat de rire.

    Une équipe du GPSR patrouille dans Châtelet-les-Halles. Une équipe du GPSR patrouille dans Châtelet-les-Halles. - C. Politi

    Rester vigilant

    L'augmentation des signalements a eu un impact considérable sur la ponctualité des trains. Car à chaque fois qu’un colis est suspecté, le rituel est immuable. La préfecture est appelée pendant que les agents établissent un périmètre de sécurité. Si le sac a été oublié sur le quai, le trafic est arrêté le temps que les démineurs arrivent. Ce sont eux qui procèdent à la levée de doute. « Ce n’est pas parce qu’il n’y a rien eu depuis 1995 que nous ne devons pas être très vigilants sur le sujet. Nous connaissons les risques et chaque colis doit être traité avec la même attention », assure Stéphane Gouaud. Au total, l’opération prend 43 minutes en moyenne. Soit 472 heures d’interruption sur l’année 2016.

    Pour tenter d’améliorer la situation, la Ratp travaille depuis le 1er décembre avec des équipes cynophiles. L’expérimentation doit durer six mois. L’objectif est double : plus de sécurité et moins de retard. « Les deux sont liés, précise le directeur de la sécurité. Lorsque le trafic est perturbé, les quais sont bondés et la concentration de population n’est jamais une bonne chose, surtout dans ce contexte. »

    Helly, chien renifleur

    Ce lundi, c’est le flair d’Helly, beau labrador sable de cinq ans, qui est mis à contribution. Basée à Châtelet-les-Halles, elle peut intervenir en moins quinze minutes dans 32 stations de métro et neuf gares RER. La chienne a été spécialement formée pour détecter les traces d’explosifs, même les plus infimes. « Le mois dernier, elle m’a signalé un homme qui avait des munitions sur lui. Elle a senti les traces de poudre », se remémore avec une certaine fierté Yaniss, son maître. Lorsqu’Helly s’assied ou se couche devant le paquet - « qu’elle marque le colis », dans le jargon – c’est qu’elle a senti des traces d’explosif. L’équipe de déminage est alors immédiatement appelée. « Ce n’est encore jamais arrivé », assure Yaniss. Pour l’heure, le dispositif court jusqu’en juin mais les premiers résultats sont satisfaisants : le temps d’intervention a été divisé par trois.

    «Ca change nos habitudes mais sa présence est rassurante. Elle écarte immédiatement le danger», confie Didier. Si les agents de sûreté ne viennent pas travailler «la boule au ventre», tous ont conscience que leur métier est plus dangereux qu'auparavant. Au delà-même d'un colis suspect, ils gardent en mémoire les attaques de Magnanville ou plus récemment d'Orly. «Les gens ne font pas la différence entre un militaire, un policier et un agent de sûreté. On porte l'uniforme, ça leur suffit», assure Nasser. Et Paulin de préciser: «Assurer notre propore sécurité, c'est quelque chose d'assez nouveau pour nous». Après l'attentat de Saint-Pétersbourg, la préfecture de Paris a également décidé d'autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à des fouilles, des contrôles d'identité, ouverture de bagages et, ce sans motif précis. 

     

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