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    Des protestataires anti-G7 au contre-sommet de Biarritz, le 26 août 2019 - Samuel Boivin/AFP
    G7 EZ

    Gilets jaunes, zadistes, féministes... Quelles idéologies animent les nouveaux anti-G7 ?

    Le contre G7 ne se résume pas aux black blocs et à la violence. Il est aussi le théâtre d'un fourmillement d'idées nouvelles ou remâchées. Au menu : rejet du capitalisme et de l’impérialisme avec comme mot d'ordre le localisme, l'environnement et l'autogestion. Morceaux choisis à Hendaye.

    LE OFF ET LE ON

    Dans une école se sont déroulés 59 ateliers où chacun pouvait intervenir, où tous pouvaient parler, raconter leurs expériences. Ont été abordés des thèmes aussi différents que « les luttes paysannes contre les spéculations des mutinationales », une « lecture du travail au XXIe », voire une interrogation aussi énigmatique que « contrat social ou contrat sexuel ? ». Pour refaire le monde, dans le respect de chacun, on croisait des normaliens souriants, des gilets jaunes sympathiques et remontés comme des horloges, un psychiatre timide, des profs révoltés, des paysans confédérés au teint hâlé et aux mains calleuses, des zadistes à la recherche de nouvelles zones à défendre, des syndicalistes époustouflants de générosité enclins à prêter leur véhicule pour une action de désobéissance civile. Beaucoup de monde et même des couples hétéros avec enfants…

    A 3 km, de là, de l’autre côté de la Bidassoa, dans le centre des congrès de Ficoba, il y a de tout. Des témoignages plus ou moins émouvants, la présentation de conclusions d’ateliers mais on pouvait écouter la voix de nos maîtres à travers des conférences. Se sont exprimés des personnages médiatiques et télégéniques comme Cécile Duflot ou Clémentine Autain. Pour elles ce doit être un peu le G7 du contre G7. Air conditionné, fauteuils confortables, langue de bois et lutte des égos.

    L’interaction entre ces deux espaces pouvaient donner des conclusions « contradictoires » pour reprendre le qualificatif d’Aurélie Trouvé, la vice présidente d’Attac France, dans son discours de fin de manif.

    CONSENSUS AUTOUR DES GRANDES UTOPIES

    L’organisation de la plateforme a été compliquée, il fallait mettre d’accord une « centaine d’organisations unies pour déconstruire l’architecture néolibérale ». Les sept thématiques centrales des luttes ne mangeaient pas de pain, rien de très fort, rien d’innovant. Ici, personne n’aime le « capitalisme » et l’ « impérialisme ». Passées les fonctions repoussoirs, les autres devaient être partagées par tous, militants d’Attac, de Solidaires, des gilets jaunes aux basques de Bizi, en passant par les libertaires de la CNT et les cathos de CCFD-Terre solidaire. L’« environnement » mobilise « contre la destruction de la planète ». Ici, rien à craindre. Puis il y a le reste. Des « peuples » il faut « respecter la diversité et la liberté ». Où est passé le RIC ? La peur d’être traités de populistes ? Ici la « démokratie » s’écrit avec un k, allez comprendre pourquoi ? Restent le « féminisme » et les « migrations ».

    Dans les 59 ateliers tout est différent. Ici un punk iroquois laisse la parole à des chrétiens progressistes. Un syndicaliste militant applaudit un prof écologiste en bougeant ses mains au dessus de sa tête pour ne pas l’interrompre. Des basques militants et des féministes à fleur de peau écoutent avec attention un gauchiste en dreadlocks.

    Trois termes peuvent résumer ces discussions.

    Le premier parle du territoire, de géographie, du groupe et de son espace, d’expérience collective. Le territoire est la nouvelle zone à défendre. Les militants de Bizi - prononcer Bissi – y font référence constamment dans leur programme Burujabe, « Reprendre possession de nos vies ». Dans son introduction le document ne mâche pas ses mots, « Notre objectif : un territoire souverain, soutenable et solidaire », puis deux pages plus loin, « Le territoire : la meilleure échelle de l’action ». Mais la forme est polymorphe, chacun y va de son concept. Pour Bizi c’est le territoire Basque, pour les autres c’est la commune, la municipalité. Ce mot de territoire a aussi scandé les discours officiels de fin de manifestation en trois langues, basque, française et espagnole.

    Le second aborde les finalités. Il tourne autour d’un objectif autonomie et souveraineté. Il faut être autonome, c’est le rêve de chacun. Voilà la méthode pour sortir du capitalisme, recréer un village Gaulois. Finis les grands horizons. Le potager bio ou non est un socle. Le quartier libre des Lentillères de Dijon « est né d’une manifestation fourche en main en 2010, à l’issue de laquelle une centaine de personnes a défriché puis cultivé des terres de qualité à l’abandon menacées par un projet immobilier ». L’autonomie revient en boucle dans le discours des zadistes de Notre Dame des Landes, des occupants d’Errekaleor la « plus grande expérience d’autogestion espagnole récente », mais aussi des libertaires qui se sont réappropriés un ancien couvent d’Amarauna à Ziordia en Navarre. Il faut produire son alimentation, son eau voire son électricité. Se pose aussi continuellement le choix du mode de régulation, la démocratie directe avec ses assemblées a le vent en poupe. « Les bonnes décisions se prennent à l’unanimité, le consensus qui permet d’éviter le vote » affirme un occupant d’Errekaleor. La forme la plus accomplie de l’autonomie, la souveraineté est un peu moins employée. Mais les mots souverain et souveraineté réapparaissent. Le mot en son temps avait posé tant de problème à une partie d’Attac mais il faut croire qu’il est indépassable. Il a fait son entrée dans le programme du contre-sommet en apparaissant à douze reprises. Les militants basques de Bizi y font référence constamment dans leur programme.

    Le dernier n’est jamais prononcé mais il peut s’appeler pragmatisme, ou art de l’adaptation. Dans ces salles bienveillantes on se confie, les postures définitives s’effritent. Chacun se laisse aller. Entre deux phrases on apprend que les libertaires d’Amarauna cohabitent harmonieusement avec des bonnes sœurs qui aujourd’hui leur proposent d’acheter leur couvent à prix défiant toute concurrence - elles ont besoin de la somme pour payer leur maison de retraite. Une militante d’Errekaleor avoue en creux avoir créé une nouvelle frontière : dans son bloc ne sont admises que des filles. Ici, on parle de « non mixité ».

     


  • François Ruffin (LFI) et Damien Carême (maire de Grande-Synthe, EELV) débattent, le 23 août 2019, à Toulouse

     

    François Ruffin (LFI) et Damien Carême (maire de Grande-Synthe, EELV) débattent, le 23 août 2019, à Toulouse - PASCAL PAVANI / AFP
    Des Verts qui rougissent

    ​Insoumis et écolos, quel avenir en commun ?

    Lors de leurs universités d’été respectives dans la ville rose, insoumis et écolos ont amorcé un dialogue courtois autour de leurs valeurs. Un flirt de raison guidé par la perspective des élections municipales, en mars 2020.

    Eric Piolle prend deux pas d’élan. Le maire écologiste de Grenoble a vu l’appel du député insoumis François Ruffin, passé devant le défenseur dans l’axe du but. L’édile en short et tee-shirt vert s’élance et frappe le ballon. Son centre est facilement intercepté par un adversaire vêtu d’une chasuble jaune. Occasion manquée pour l’équipe rouge et vert, réunie pour la première fois avant les élections municipales de mars 2020. 

    Cette belle entente restera peut-être cantonnée à cet improbable match de football organisé sur un terrain vague de Toulouse, vendredi 23 août. Ce ne sera pas faute d’avoir suggéré que La France insoumise et Europe Écologie Les Verts ont un avenir en commun. François Ruffin s’est illustré, alternant les signaux subtils et la drague la plus directe. "Je suis favorable à un front populaire écologique", a déclaré le parlementaire de la Somme, élu en 2017 avec le soutien du parti écolo. Une coïncidence inespérée a aidé le député-reporter à pousser son offre : les deux formations politiques organisaient leurs universités d’été le même jour dans la ville rose. Un hasard, jure-t-on de part et d’autre.

    SYMPATHIES
     

    Le petit manège a duré tout le week-end. La veille du match de foot, les cadres insoumis Adrien Quatennens, Manuel Bompard et Danielle Simonnet ont partagé un apéritif avec l’état-major vert. Le samedi, François Ruffin s’est rendu à un débat chez les verts, après avoir accueilli leur numéro un, David Cormand, avec qui il avait déjeuné au début de l’été, au grand raout des amis de Jean-Luc Mélenchon. "Il faut absolument que les deux forces importantes à gauche que sont LFI et EELV constituent un bloc" a insisté François Ruffin. De son...

     

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