La Fête de la lamproie 2024 n’existera pas. Et c’est peut-être un mal pour un bien tant son organisation ne faisait pas l’unanimité. Avec, d’un côté, l’Association du comité d’organisation de la fête de la lamproie désireuse de maintenir cette manifestation phare de Sainte-Terre, quitte à importer des lamproies de la Loire ou la remplacer par de l’anguille. De l’autre, la maire et des pêcheurs qui n’ont pas le cœur à la fête. « On ne peut pas célébrer quelque chose qui est en train de mourir, et en plus aller chercher des poissons ailleurs. C’est antinomique et je ne pouvais pas soutenir ça », confie Agnès Chariol, la première magistrate.
Certains pêcheurs parlent même « d’indécence ». Les bénévoles du Comité d’organisation, eux, voulaient maintenir l’événement pour que ce mets traditionnel de la lamproie à la bordelaise, et les pêcheurs qui permettent son existence, ne sombrent pas dans l’oubli. « Oui, mais pas sous cette forme, pas à la même date », estime la maire.
Plus de 100 kg de poissons
L’événement devait se tenir du vendredi 26 au dimanche 28avril. Le couperet est tombé le 5avril, puis a été annoncé sur la page Facebook de l’association le 11avril. « Le Comité d’organisation de la Fête de la lamproie a le regret de vous annoncer que l’édition 2024 est annulée. Ne réussissant pas à trouver la quantité de poisson nécessaire auprès de nos fournisseurs, nous ne pourrons vous fournir des repas de qualité, ce qui a amené cette conclusion difficile. […] L’association est aujourd’hui résolument tournée 2025. »
Pour nourrir les quelque 400 convives des deux festins, il fallait en effet plus de 100kg de poisson. Les lamproies de la Loire étaient bien trop chères et le fournisseur d’anguilles ne pouvait garantir l’approvisionnement suffisant. « Il fallait aussi laisser le temps aux exposants de se retourner », indique par ailleurs Patrice Laguillon, le président du comité d’organisation.
L’espoir d’une indemnisation
« Comme tout le monde, on vit très mal cette annulation. On est très inquiet sur le devenir de la lamproie, livre Joël Duporge, le président de la Confrérie de la lamproie qui devrait fêter ses 30ans l’an prochain. Un mets reconnu au patrimoine immatériel de la France, qui vise une reconnaissance de l’Unesco. « Défendre une tradition quand le produit disparaît, c’est triste. »
De leur côté, les pêcheurs sont toujours au bord de la rupture. « On n’ose plus rien dire, plus rien faire. On espère que la procédure d’avril 2023 sera jugée d’ici l’été, pour le reste, c’est le flou le plus total », relate Sabine Durand, compagne de pêcheur et secrétaire générale de l’Association agréée des pêcheurs professionnels en eau douce de Gironde (Aapped 33). Les pêcheurs professionnels ont rendez-vous la semaine prochaine avec le préfet pour parler indemnisation. « Les marins gascons et les ostréiculteurs y ont eu droit, alors pourquoi pas nous ? »
En attendant, DMA, l’association qui a obtenu l’interdiction de la pêche en Gironde, s’attaque au bassin de la Loire, la dernière contrée où la lamproie peut encore être officiellement pêchée en France.