• L’accession au pouvoir ne dépend plus de la naissance, du milieu culturel,

     

     

    Constituer une élite est la préoccupation de toute collectivité. Après le monarque de droit divin, le Président le plus charismatique, personne n’essaya le plus savant. Des études scientifiques ont tôt fait de rabattre le caquet de quiconque prétend maîtriser le réel, détenir la vérité, ce qui est nécessaire pour diriger ou berner la multitude. Alors, au courant des années quatre-vingt on tabla sur les plus riches. L’accession au pouvoir ne dépend plus de la naissance, du milieu culturel, des diplômes universitaires, il suffit de s’enrichir pour prouver que l’on est apte à coaliser les forces d’autrui en vue d’un but enrichir l’intéressé et ce faisant la Société. Et justement l’élite n’a de sens que si elle démontre son aptitude à dépasser les égoïsmes individuels qu’elle coalise pour faire une collectivité, ou mieux une société.

     La foule, la populace, le peuple doit se laisser conduire par une minorité. On habille sous le vocable « démocratie » cet état de fait mais une collectivité où chacun a une part égale de pouvoir n’a jamais démontré historiquement sa viabilité. Des élans démocratiques ont bien eu lieu après des désastres guerriers ou des révolutions, mais peu à peu la Nature a repris ses droits et une poignée de semblables, sortant d’un même terreau, ont accaparé l’essentiel du pouvoir en mettant en avant la liberté. Dans une collectivité, l’essentiel est de prendre une décision, même si elle n’est pas parfaite, même si elle est inadaptée. Il faut encore que les décisions prises successivement aillent toutes dans le même sens pour assurer une stabilité de l’édifice à long terme. Un choix est forcément binaire sinon ce n’est pas un choix c’est un compromis. L’enchevêtrement des compromis a d’ailleurs conduit les démocraties occidentales au bord du gouffre actuel. Une société égalitaire, où chacun pèse également, implique une contrainte car, heureusement ou malheureusement, chacun est unique et veut faire valoir son unicité par rapport à celles des autres. Le patrimoine, la richesse permettent une domestication des autres plus indolore qu’une quelconque noblesse par la naissance car elle est moins visible, plus fluide, moins éternelle.

     Puisqu’aucun prérequis autre que la fortune n’est nécessaire pour dominer, ni la culture, ni la sagesse, ni l’obéissance à un absolu divin, le libéralisme (la dénomination post-moderne du capitalisme) ressemble à s’y méprendre à la loi du plus fort qui avait montré ses limites puisque toutes les civilisations ont été bâties sur de toutes autres valeurs afin d’allier innovations et stabilité sur le long terme. L’appât du gain est par essence une avidité de l’instant, et des instants cumulés ne durent jamais. Le monde de la finance peut arguer que les fonds de pension, par exemple, souhaitent une pérennité des investissements afin de pouvoir garantir des versements en capital à long terme.

     Alors « Vive les riches ? »

     Mais tout système ne vaut que par la qualité des gens qui l’animent et le mènent. Des chrétiens remarquables côtoyèrent de dangereux débiles, la foi communiste a abrité des héros comme des tortionnaires, les valeurs humanistes conduisirent certains au pire d’autres au meilleur. Le problème n’est pas lié à une théorie mais dans la pratique : la capacité à accumuler de l’argent est-elle un bon discriminant pour obtenir une élite qui se conforme au respect non seulement de ses membres mais aussi envers ceux qui subissent ou profitent de leurs décisions ? Pourquoi ne pas l’écrire, l’Amour est la seule valeur qui compte dans une collectivité, c’est ce qui rend supportable les différences, c’est ce qui fait que le dominant n’est rien d’autre que celui qui a une tache plus difficile que les autres mais qui n’est en rien différent, c’est ce qui évite le mépris de ceux qui obéissent. Et le monde de la finance n’a rien à voir avec l’amour : elle place l’argent des uns pour faire travailler d’autres qu’ils ne connaissent pas, pas la même Nation, pas le même continent, pas la même religion, pas les mêmes valeurs sociales : l'asservissement relève du pur intérêt.

      L’élite fortunée se contente d’augmenter son pécule, sans autre préoccupation, profitant du fait qu’une solidarité planétaire des démunis est loin d’être acquise si elle existe un jour. On lui donne de plus le loisir d’écrire les règlements qui sont censés la régenter. Ni destin commun, ni autorité légale pour la contraindre, l’élite conduit la population vers ses intérêts plutôt que vers les intérêts de tous.

     Les petits, les sans-dents, les riens, les illettrés peuvent s’adonner sans presque de limites aux plaisirs immédiats qui ne nécessitent pas ou peu d’efforts : l’alcool, les diverses drogues, l’alimentation massive… et surtout le sexe au détriment d’un tissu familial dernier refuge possible avant les abysses.

     Personne ne conteste que le cul et le fric ont toujours fait partie des motivations essentielles de l’espèce humaine. Mais ce qui fut nouveau ce sont les tendances recommandées par la loi, l’exemple, les règlements.

     De tout temps, il était préconisé de discipliner ses instincts car l’attrait sans limites pour l’argent comme le désir sans discipline de subvertir de ravissantes créatures étaient pensés comme des activités ignobles (peu nobles). L’éducation, d’abord religieuse ensuite laïque et républicaine, s’efforça d’orienter jeunes et adolescents vers les seules activités nobles, celles qui mêlent efforts et plaisirs. Mais le monde de la finance n’a que faire de cette vertu, il lui importe seulement d’attirer dans ses rets, peu importe les citoyens, seuls les clients l’intéresse.

     Si vous êtes riche, par un héritage, un carnet d’adresses bien garni, la fréquentation d’un grand homme, par votre talent, par votre rapacité ou brutalité… vous aurez tout le loisir de trouver parmi d’innombrables amoureuses jeunes ou âgées, saintes ou perverses, belles ou sublimes… la femelle (ou autre) qui subviendra à tous vos désirs. Vous adonnez à vos passions sans but autre que les jouissances ne vous met pas en péril.

     Par contre, si, bien que pauvre, vous vous adonnez aux joies et aux mêmes délices, sans retenue, en explorant les moindres voies qui vous sont offertes, si vous ne canalisez aucune de vos forces vers l’utile, vous resterez à jamais dans votre condition, comme les riches, mais au bas de l’échelle.

      Les joies immédiates considérées comme un délassement ne sont pas les seules à vous asservir. Vous pouvez aussi voir des matchs de foot à la télé et acheté le maillot de Neymar, goûter le beaujolais nouveau à base d’alcool de betterave et de E122, suivre les séries américaines dans lesquelles une nymphomane, un noir et un milliardaire se battent pour devenir président, vous pouvez participer à Guess my age à la télévision vous pouvez acheter un véhicule diesel Volkswagen optimisé pour passer les tests, vous pouvez être libéral comme votre patron, les médias, les journaux, vos collègues… Bref, vous serez heureux dans le monde qu’ils vous ont construit.

     L’élite actuelle travaille pour son bien propre, ce qui n’a rien d’inédit, mais aussi elle avilit et divise les classes populaires en mettant en avant les loisirs les stériles comme seul horizon.

     

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