• La science avance dans la lutte contre le vieillissement

    La science avance dans la lutte contre le vieillissement

    Si la mise au point d’une pilule magique qui porterait l’espérance de vie à 150 ans est peu probable, une augmentation de l’espérance de vie moyenne des hommes et des femmes est, en revanche, envisageable

    Lors d’études sur des animaux, il a été démontré que la metformine, un traitement contre le diabète, augmente la longévité.
    Joseph Dean/Shutterstoc/SIPA/Joseph Dean/Shutterstoc/SIPA

    Imaginez que vous êtes en 2050 et que vous venez d’avoir 70 ans. Vous vous sentez aussi tonique après une séance de sport qu’à vos 35 ans. Votre peau n’a pas une seule ride. Vous n’avez pas besoin de vous rappeler où vous avez mis vos lunettes car votre acuité visuelle est toujours de 10/10. Et votre esprit semble aussi vif que jamais.

    Les gens finiront-ils par vivre systématiquement — et en bonne santé — plus longtemps ? Telle est la perspective de la recherche sur le vieillissement, un domaine en plein essor. Les scientifiques du secteur tentent de transposer les résultats prometteurs obtenus sur le prolongement de la vie dans des expériences sur les animaux pour en faire des médicaments qui ralentissent, préviennent ou même inversent le processus de vieillissement chez l’homme.

    Parmi les principaux produits candidats à la lutte contre le vieillissement figurent deux médicaments bien connus : la metformine, un traitement contre le diabète, et la rapamycine, utilisée depuis longtemps pour empêcher les patients transplantés de faire des rejets. Lors d’études sur des animaux, il a été démontré que ces deux médicaments augmentent la longévité et qu’ils ciblent tous deux les processus moléculaires liés au vieillissement des cellules.

    Une autre approche consiste à recourir à une nouvelle classe de médicaments appelés sénolytiques, qui débarrassent l’organisme des cellules dites sénescentes. Ces dernières cessent de se diviser mais ne meurent pas, puis s’accumulent dans les tissus de l’organisme et sécrètent des substances qui endommagent les autres cellules. Elles sont liées à des phénomènes de vieillissement tels que la fragilité, les troubles cognitifs et le manque de résistance physique.

    Parmi les autres pistes explorées figure la « reprogrammation cellulaire ». Par ce biais, les scientifiques cherchent à faire remonter le temps aux cellules vieillissantes et à rétablir les fonctions caractéristiques propres aux cellules plus jeunes.

    Une pilule magique qui « ferait passer l’espérance de vie de 80 à 150 ans » est peu probable, selon Steven Austad, directeur scientifique senior de l’organisation à but non lucratif American Federation for Aging Research à New York et directeur du département de biologie de l’université d’Alabama à Birmingham. Mais une augmentation de 10 % à 20 % de la durée de vie au-delà de la moyenne actuelle, située à environ 80 ans aux Etats-Unis pour les hommes et les femmes, « est tout à fait envisageable », dit-il.

    « Nous ne voulons pas que les gens vivent jusqu’à 120 ans et se sentent comme s’ils avaient 120 ans »

    Les centres de recherche universitaires et les biotech s’engouffrent sur le créneau de la lutte contre le vieillissement afin de concrétiser le mythe de la fontaine de Jouvence. Ils sont notamment financés par le budget annuel de 3 milliards de dollars alloué au National Institute of Aging des Etats-Unis, ainsi que par des milliardaires célèbres et d’autres investisseurs en capital-risque.

    Avec tous les « passionnés de la longévité, il y a une perception erronée que nous sommes proches, d’une manière ou d’une autre, d’y arriver », prévient Matt Kaeberlein, directeur du Healthy Aging and Longevity Research Institute de l’université de Washington à Seattle.

    D’énormes obstacles techniques, réglementaires, économiques et sociaux se dressent toutefois sur la route. Par exemple, la Food and Drug Administration [NDLR : le régulateur américain du médicament] ne reconnaît pas le vieillissement comme une maladie à traiter, ce qui signifie qu’il n’y a pas de procédure claire pour approuver un médicament qui cible la sénescence. Les chercheurs doivent plutôt concevoir des essais permettant de déterminer si un traitement améliore la santé ou prolonge la durée de vie d’une personne atteinte d’une maladie spécifiquement liée au vieillissement. Une pilule que prendrait — peut-être pendant des décennies — une population nombreuse et globalement en bonne santé devrait satisfaire à des critères d’innocuité élevés.

    L’histoire du développement des médicaments anti-âge est riche d’enseignements. En 2008, GlaxoSmithKline (GSK) a acheté Sirtris Pharmaceuticals et ses candidats médicaments à base de resvératrol, une substance présente dans le vin rouge, pour 720 millions de dollars. Des recherches très médiatisées avaient associé cette molécule à une longévité accrue chez les animaux, mais GSK n’a pas été en mesure de traduire ces résultats en traitements efficaces contre les maladies humaines liées à l’âge et a pratiquement fermé sa division Sirtris en 2013.

    Les chercheurs s’efforcent de développer des biomarqueurs dans le sang ou d’autres éléments corporels pouvant permettre de mesurer le processus de vieillissement et de servir de cibles aux médicaments ou d’indicateurs de leur efficacité. Sans biomarqueurs reconnus, mener un essai randomisé afin de prouver qu’un médicament prolonge la vie sans danger pourrait, dans certains cas, prendre vingt ou trente ans.

    « Il n’y aura aucun moyen d’accélérer les découvertes scientifiques si nous ne pouvons pas évaluer ce que nous essayons de cibler », résume Morgan Levine, chercheur sur le vieillissement à l’université de Yale.

    Un autre défi consistera à faire en sorte que les personnes situées au bas de l'échelle socio-économique, qui sont beaucoup plus exposées aux maladies et aux décès précoces que les individus aisés, aient accès aux médicaments anti-vieillissement.

     

    Les principales causes de décès — maladies cardiovasculaires et accidents vasculaires cérébraux, cancer, maladie d’Alzheimer et diabète — ainsi que des pathologies telles que l’arthrite et l’ostéoporose se manifestent généralement à un âge avancé. Les scientifiques ont découvert qu’elles partagent également certaines caractéristiques biologiques avec le vieillissement, notamment les modifications des mitochondries, la sénescence et d’autres processus liés aux caractéristiques génétiques, à la nutrition cellulaire, au métabolisme et à la réparation des dommages.

    L’espoir est que tout médicament susceptible de ralentir ou de revitaliser ces processus réduira d’un seul coup les risques de contracter diverses maladies du vieillissement. Cela pourrait prolonger non seulement l’espérance de vie, mais aussi le temps que les gens vivent sans maladies chroniques handicapantes — ce que les chercheurs appellent l’espérance de vie en bonne santé.

    « Nous ne voulons pas que les gens vivent jusqu’à 120 ans et se sentent comme s’ils avaient 120 ans », explique James Kirkland, gérontologue à Mayo Clinic.

     

    Même si ces traitements ne font que retarder l’apparition du vieillissement sans prolonger la longévité, les avantages pour la qualité de vie des personnes âgées et la réduction des coûts pour le système de santé pourraient être énormes, selon les chercheurs.

    Un essai appelé Tame (Targeting Aging with Metformin), mené par l’American Federation for Aging Research, pourrait donner un premier aperçu des perspectives de la médecine anti-vieillissement chez l’homme. La metformine, qui abaisse le taux de sucre dans le sang des diabétiques en améliorant l’utilisation de l’insuline par leur organisme, agit sur diverses fonctions cellulaires associées au vieillissement, notamment en boostant le métabolisme, en jugulant les inflammations et en stimulant les mitochondries. Elle est utilisée depuis longtemps sur l’homme et présente un bon bilan en termes d’innocuité.

    Le principe de l’étude, qui durera six ans, mais qui n’a pas encore été lancée en raison de la pandémie de Covid-19, est de recruter 3 000 hommes et femmes âgés de 65 à 80 ans dans 14 centres aux Etats-Unis, de les répartir en deux groupes et de donner à l’un 1 500 milligrammes par jour de metformine et, à l’autre, un placebo. Les chercheurs les suivront jusqu’à leur première maladie majeure liée à l’âge, comme une crise cardiaque ou un diagnostic de démence, détaille Nir Barzilai, directeur de l’Einstein Institute for Aging Research à l’Albert Einstein College of Medicine, à New York, et chercheur en chef de l’étude. Les chercheurs espèrent constater un retardement des événements majeurs liés au vieillissement et des changements bénéfiques connexes dans les biomarqueurs du vieillissement chez les participants traités avec la metformine.

    L’enthousiasme suscité par le potentiel de la rapamycine découle d’études sur des animaux montrant non seulement une augmentation de la durée de vie, mais aussi « des effets plus larges concernant le vieillissement », indique le docteur Kaeberlein. La rapamycine, qui cible une protéine appelée mTOR (mechanistic target of rapamycin), aide à inhiber le système immunitaire afin de prévenir le rejet d’organes chez les patients transplantés. Selon le docteur Kaeberlein, le médicament fonctionne en fait davantage comme un immunomodulateur. Au cours du vieillissement, le système immunitaire est souvent actif contre les tissus normaux et inactif face aux envahisseurs qu’il est censé détecter. « La rapamycine semble rétablir l'équilibre », dit-il. Dans des études sur les souris, par exemple, le médicament a amélioré leur système immunitaire et leur fonction cardiaque tout en faisant reculer la maladie parodontale et le déclin cognitif.

    Mayo Clinic est un leader dans le développement des sénolytiques, qui tuent les cellules sénescentes en perturbant les mécanismes biologiques qu’elles utilisent pour se protéger de leurs propres sécrétions toxiques qui endommagent les autres cellules. Plusieurs essais cliniques sont en cours pour déterminer si ces substances ralentiront le vieillissement ou aideront à restaurer la santé des cellules humaines

     

    Les effets secondaires d’un régime comportant une forte dose de rapamycine chez les patients transplantés sont notamment une anémie et un faible nombre de globules blancs pouvent entraîner des infections. Selon le docteur Kaeberlein, un dosage plus faible, avec peut-être une prise hebdomadaire et non quotidienne, est plus adapté à la lutte contre le vieillissement, ce qui pourrait atténuer les effets secondaires. Des essais cliniques sérieux sont nécessaires pour déterminer l’innocuité et l’efficacité chez l’homme.

    La rapamycine et la metformine sont des génériques produits par plusieurs fabricants de médicaments. La société allemande Merck vend la metformine sous le nom de Glucophage, tandis que la rapamycine est commercialisée par Pfizer sous le nom de Rapamune.

    Mayo Clinic est un leader dans le développement des sénolytiques, qui tuent les cellules sénescentes en perturbant les mécanismes biologiques qu’elles utilisent pour se protéger de leurs propres sécrétions toxiques qui endommagent les autres cellules. Plusieurs essais cliniques sont en cours pour déterminer si ces substances ralentiront le vieillissement ou aideront à restaurer la santé des cellules humaines. Dans une petite étude sans groupe témoin placebo, un médicament sénolytique a semblé atténuer la vulnérabilité d’hommes et de femmes âgés atteints d’une grave maladie pulmonaire, déclare le docteur Kirkland. D’autres résultats préliminaires sur l’efficacité de cette approche chez l’homme ont, eux, été mitigés.

    La reprogrammation cellulaire consiste à essayer de rajeunir les cellules vieillissantes. L’idée repose en partie sur des expériences au cours desquelles des souris âgées ayant reçu du sang de congénères jeunes ont rajeuni biologiquement.

     

    Les effets secondaires d’un régime comportant une forte dose de rapamycine chez les patients transplantés sont notamment une anémie et un faible nombre de globules blancs pouvent entraîner des infections. Selon le docteur Kaeberlein, un dosage plus faible, avec peut-être une prise hebdomadaire et non quotidienne, est plus adapté à la lutte contre le vieillissement, ce qui pourrait atténuer les effets secondaires. Des essais cliniques sérieux sont nécessaires pour déterminer l’innocuité et l’efficacité chez l’homme.

    La rapamycine et la metformine sont des génériques produits par plusieurs fabricants de médicaments. La société allemande Merck vend la metformine sous le nom de Glucophage, tandis que la rapamycine est commercialisée par Pfizer sous le nom de Rapamune.

    Mayo Clinic est un leader dans le développement des sénolytiques, qui tuent les cellules sénescentes en perturbant les mécanismes biologiques qu’elles utilisent pour se protéger de leurs propres sécrétions toxiques qui endommagent les autres cellules. Plusieurs essais cliniques sont en cours pour déterminer si ces substances ralentiront le vieillissement ou aideront à restaurer la santé des cellules humaines. Dans une petite étude sans groupe témoin placebo, un médicament sénolytique a semblé atténuer la vulnérabilité d’hommes et de femmes âgés atteints d’une grave maladie pulmonaire, déclare le docteur Kirkland. D’autres résultats préliminaires sur l’efficacité de cette approche chez l’homme ont, eux, été mitigés.

    La reprogrammation cellulaire consiste à essayer de rajeunir les cellules vieillissantes. L’idée repose en partie sur des expériences au cours desquelles des souris âgées ayant reçu du sang de congénères jeunes ont rajeuni biologiquement.

    Redonner « des propriétés juvéniles à de vieilles cellules semble relever de la magie », reconnaît Thomas Rando, directeur du Broad Stem Cell Research Center de l’université de Californie à Los Angeles. « Mais cela se produit tout le temps en biologie. Nous n’avons simplement pas été capables de le reproduire de manière thérapeutique. »

    Lorsqu’un spermatozoïde et un ovule provenant de deux personnes plus très jeunes se combinent, les cellules qui en résultent n’héritent pas de l’âge des cellules des parents. « Chaque fois qu’il y a une fécondation, le chrono du vieillissement est remis à zéro », poursuit le docteur Rando.

    Remettre l’âge d’une cellule à zéro effacerait son identité. Le docteur Rando et d’autres chercheurs visent une « reprogrammation partielle », via laquelle, par exemple, une vieille cellule musculaire ou un neurone redevient une forme plus jeune de lui-même. Selon le docteur Rando, les premières études en laboratoire sont encourageantes, mais cette démarche est encore loin d'être prête à être testée chez l’homme.

    Il y a près de quarante ans, la mise au point de tests de dépistage du cholestérol et d’une classe de médicaments appelés statines, capables d’abaisser son taux dans le sang, avait permis de réduire les crises cardiaques ou le risque de décès par maladie cardiaque.

    D’ici à une vingtaine d’années, le docteur Rando prédit que des tests seront mis au point pour évaluer le risque de contracter diverses maladies liées au vieillissement. « Nous arriverons à un stade où nous disposerons des médicaments basés sur ces tests préventifs [pour le vieillissement] comme le sont les statines » pour les maladies cardiaques, conclut-il.

    (Traduit à partir de la version originale en anglais par Grégoire Arnould)

     

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