• « Le quartier est gangrené » : au Bouscat, le trafic de drogue empoisonne le quotidien des habitants

    « Le quartier est gangrené » : au Bouscat, le trafic de drogue empoisonne le quotidien des habitants

    « Le quartier est gangrené » : au Bouscat, le trafic de drogue empoisonne le quotidien des habitants

    Des riverains du secteur Godard se disent excédés par le trafic de stupéfiants qui empoisonne la vie de quartier. Lassés, des commerçants préfèrent aujourd’hui quitter les lieux. Le maire dit comprendre leur émoi : il souhaite une double réponse, policière et d’aménagement urbain

    L’exaspération est palpable. Habitants, commerçants, tous expriment leur ras-le-bol d’un cadre de vie qui ne cesse de se dégrader à Godard, au sud-est du Bouscat. En cause, la présence tenace d’un point de deal aux abords immédiats de la pharmacie de Michel Martial. Arrivé en 2019, ce dernier perçoit une détérioration nette du climat depuis environ deux ans. Présence pesante, agressions verbales, caillassages de vitrine, boîte aux lettres en miettes, pneus crevés, les provocations s’enchaînent. « Des jeunes s’installent avec des tables et des chaises qu’ils balancent ensuite sur le toit de mon officine. Ce sont des irritateurs, des provocateurs qui veulent nous pousser à bout », lâche-t-il.

    En cette période, le point de deal s’active surtout à la nuit tombéeEn cette période, le point de deal s’active surtout à la nuit tombée
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    Dégradation, incivilités… Les commerçants baissent le rideau

    De guerre lasse, ce professionnel de santé songe à partir. Le cœur gros. « À 67 ans, j’aurais pu vendre, j’y ai pensé. Mais quel confrère viendrait s’installer ici avec des transactions de ce genre devant sa porte ? Ce serait suicidaire. » Michel Martial se dit prêt à perdre sa licence attachée au 55, rue Théophile-Gautier. D’ici quelques mois, il devrait rejoindre son fils, également pharmacien.

    Ce n’est pas le premier à se décourager. Excédée par les tensions, son ex-voisine, la coiffeuse, a déjà baissé le rideau pour aller voir ailleurs. Tout récemment, le chauffagiste a fait de même. « On était là depuis huit ans avec mon mari. On a essayé de taper à toutes les portes, rien ne bouge vraiment », peste Estelle, l’épouse de l’artisan. Dégradations, incivilités, menaces, le refrain se répète inlassablement. « Entre les feux de poubelles, des extincteurs projetés, ça ne s’arrête jamais. La caméra de vidéosurveillance de la Ville a été cassée à deux reprises. Elle est HS. Chaque matin, on arrivait la boule au ventre, sans savoir comment on allait retrouver nos locaux. Ce n’était plus tenable. »

    « 4 200 euros de cigarettes et 500 euros en espèces » soutirés

    Sébastien Baup a repris le tabac-presse-épicerie du coin il y a trois ans. En juin dernier, il a été cambriolé. Trois jeunes se sont fait pincer. « Ils avaient volé 4 200 euros de cigarettes et 500 euros en espèces. » Les jugements sont tombés. L’auteur principal a écopé de quatre mois de prison avec sursis, assortis notamment d’une interdiction de côtoyer le commerce visité pour une durée de deux ans.

    « Les dealers ont pris possession du territoire, et nous, on abandonne le nôtre »

    Mais le gérant ne se fait guère d’illusions. « C’est une bande. Les autres sont toujours là. Ils ont un business à faire tourner. Le quartier est gangrené. Et tant qu’il y aura des consommateurs… » Il ajoute : « La police (municipale ou nationale) a beau débarquer, rien ne se passe. Les dealers sont malins, ils ne portent rien sur eux. La drogue est planquée ailleurs. Ou alors ils s’évanouissent par l’impasse à l’intérieur du parc. » Le parc de la résidence Godard, dont les étages dessinent la toile de fond de leur désarroi. « J’habite le quartier depuis 1970, je n’avais jamais vu ça, affirme Marie-Claire, une riveraine. La pente est savonnée. Les dealers ont pris possession du territoire, et nous, on abandonne le nôtre. » Pour elle, Godard est devenue une annexe du Grand-Parc, à Bordeaux, distant d’à peine quelques centaines de mètres.

    Musique, rodéos à motocross dans les rues : Sophie, qui a grandi à Sarcelles, en banlieue parisienne, a l’impression d’y être revenue. « On craint pour nos enfants, dit-elle. Des personnes à cran pourraient dégoupiller. On n’est pas à l’abri d’un dérapage. » Professionnelle de l’immobilier, elle fait aussi ce constat : « La réputation du quartier est entachée. Nos appartements deviennent invendables. »

    Une réponse municipale en plusieurs temps

    Le maire Patrick Bobet ne minimise pas les faits. « Je comprends l’émoi du quartier. Nous avons eu des rencontres avec les citoyens vigilants, on a parlé de ça. Il est inadmissible que l’accès d’une pharmacie, lieu de délivrance de médicaments parfois urgents, soit entravé par des fauteurs de troubles. » Et l’édile de poursuivre : « Alain Marc, notre adjoint à la sécurité, y est tous les jours. Nous avons pris des arrêtés de non-regroupement de personnes, pour avoir une raison de les verbaliser. Cela ne suffit pas, j’en suis conscient. »

    Patrick Bobet dit avoir rencontré courant novembre le nouveau commissaire divisionnaire Emmanuel Richard. « Lors de nos échanges, j’ai appuyé fortement sur Godard. Je crois qu’il a compris. Une réponse policière est attendue. De notre côté, nous réfléchissons aussi au réaménagement de l’impasse pour occuper l’espace et chasser le trafic. »

     

     
     
     
     

     

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