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le selfie un effet de mode de l'être & du paraître ( enquêtes )
Un selfie1 est un autoportrait photographique pris dans un contexte social (en couple ou au sein d'un groupe), festif ou touristique (avec un arrière plan célèbre) avec un smartphone, soit tenu à bout de bras, soit fixé au bout d'une perche à selfie.
Généralement pris sur le vif, un selfie est habituellement réalisé avec un appareil photographique numérique, un téléphone mobile (smartphone ou photophone), voire une webcam. Il est ensuite souvent partagé avec d'autres personnes par l'intermédiaire de MMS ou téléversé sur les réseaux sociaux pour, notamment, attester de sa présence sur un lieu ou auprès de quelqu'un (notamment lors d'une photo volée ou consentante aux côtés d'une célébrité), indiquer son profil utilisateur ou son avatar sur un réseau social, partager son état du jour ou publier certaines scènes particulières (tel le sexting / selfie d'Anthony Weiner en 20112).
À l'origine, le selfie désigne l'autoportrait fait par le détenteur de l'appareil numérique mais, par abus de langage, il peut aussi désigner des photos montrant la personne en question réalisées par quelqu'un d'autre, voire le cliché d'une autre personne (youie, terme classé comme un rétronyme) des photos de groupe (group selfie, groupie ou ussie) ou même de simples objets (shelfie)3.
Le président sud Coréen Lee Myung-Bak prenant un selfie avec la footballeuse Ji So-yun en 2010.
Origines
La première apparition du terme argotique de selfie connue est son emploi en septembre 2002 dans le forum australien en ligne ABC Online (en) par un jeune homme ivre, le mot se développant d'abord dans ce pays (avec la mode de rajouter le suffixe « ie » à un terme argotique pour le rendre plus attachant) avant d'être utilisé couramment en 2012 dans les médias traditionnels du monde entier4.
Son utilisation devient notable vers 20045 puis est expliquée dans un manuel de photographie écrit par Jim Krause l'année suivante5. La pratique de ces autoportraits numériques s'est en effet entre-temps développée dans les réseaux sociaux : MySpace au début des années 2000 (le selfie y est appelé MySpace pic), puis connaît son apogée avec l'avènement de Facebook à la fin des années 2000, ou de Tumblr et Instagram un peu après, et le développement des appareils photo frontaux sur les smartphones6.
De nos jours
Des applications mobiles sont spécifiquement dédiées à la prise de selfie, telles que Shots of Me (en) ou Snapchat. L'art performance s'en est emparé (Disembodied Selfie, « Autoportrait désincarné » de Xavier Cha à la Biennale d'art contemporain de Lyon en 20137, des expositions lui sont consacrées8,9), et le terme « Selfie » a été élu mot de l'année 2013 par les Dictionnaires d'Oxford5,10. L'usage du tag, hashtag ou mot-clic #me, #selfshot, et #selfie est largement répandu sur les réseaux sociaux5,11.
La selfie, considérée par certains comme un « narcissisme décomplexé5 », est devenue un outil de communication5,11 ou de reconnaissance sociale11 omniprésent sur internet5. En août 2013, une photo « selfie » du pape François entouré de jeunes et prise par l'un d'entre eux est diffusée sur internet11. Mais de nombreuses personnalités cèdent régulièrement à la tendance, telles que la famille Clinton, Bill Gates, le mannequin Cara Delevingne habituée du selfie5, des stars de la musique ou du cinéma, ou des personnalités politiques11,5. Kate Losse, anciennement chez Facebook et journaliste au New Yorker précise que « c'est désormais tellement facile de prendre des photos et de les partager que tout le monde s'y met11. » Pour les adolescents ultra-connectés et parfois obsédés par la célébrité5, « le selfie fait partie intégrante de [leur] communication11 », c'est un « moyen d'expression11 » écartant « les plus discrets ou les plus fragiles5 ». Parfois l'autoportrait, qui devait rester privé, est répandu sur internet et entre dans la postérité, à l'image de Scarlett Johansson nue de dos devant son miroir12.
En juin 1998, le journaliste François Granet, alors rédacteur en chef-adjoint de la revue française L'Automobile Magazine, réalise l'un des premiers sujets[réf. nécessaire] 100% selfie : il demande aux principaux pilotes des 24 Heures du Mans auto de glisser un appareil photo jetable dans la poche de leur combinaison et de se prendre eux-mêmes en photos au fil de l'épreuve, en veillant à chaque fois à être présent sur l'image. Les pilotes vont se prêter au jeu, certains « s'autoportraitisant » en action, alors qu'ils sont au volant dans les Hunaudières[réf. nécessaire]. Les trois vainqueurs de l'épreuve, Laurent Aiello, Allan McNish et Stéphane Ortelli, pousseront l'exercice jusqu'au bout en immortalisant leur victoire depuis le podium, face à la foule, puis dos à la foule. Le cliché sera élu « image de la semaine » par le magazine anglais Autosport.[réf. nécessaire]
Variantes
La photo peut être prise avec le portrait légèrement incliné, pour mieux capter le regard, mais aussi sous de nombreuses autres variantes5 :
- selfie duck face (la bouche en bec de canard)11 ;
- selfie miroir ;
- selfie enlaidisseur ;
- legsie (montrant ses jambes nues étendues dont le hot-dog legs selfie en contre-plongée) ;
- cadré sur les cheveux (helfie), ou la poitrine féminine (breastie)14, vu de fesse (belfie)15 ;
- pris ivre (drelfie) ou nu (nelfie)16 ;
- avec son chien (delfie)17 ;
- objet sur une étagère (shelfie, notamment devant des bibliothèques pleines de livres, le bookshelfie), en incluant la présence du photographe ;
- en montrant sa musculature (welfie) ;
- comprenant une personne seule ou bien en groupe (group selfie, groupie ou ussie, notamment les selfies de famille, le relfie18 ou en duo pour le selfie d'amoureux) ;
- avec un intrus faisant irruption dans le cadre (selfie photobomb)19 ;
- selfie pendant des obsèques20 ;
- après l'acte sexuel21 ;
- séquence vidéo à l'aide d'un drone volant, commençant par un plan serré sur la personne et s'achevant par un plan aérien montrant le paysage spectaculaire (dronie)22 ;
- selfie d’animaux.
Un selfie peut être publié sur les réseaux sociaux après adjonction d'un filtre photographique11.
Usages marketing
Le selfie de groupe prise par Bradley Cooper pendant les Oscars 2014 et mise en ligne sur Twitter par Ellen DeGeneres est l'une des photos les plus retweetées de l'Histoire23 et se révèle être un placement de produit de Samsung, commanditaire de la soirée, pour promouvoir son Galaxy Note 3, placement qui peut être estimé entre 800 millions et 1 milliard de dollars selon Maurice Lévy24. Ce selfie bat le précédent record, 778 801 retweets du selfie de Barack Obama à la suite de l'élection présidentielle américaine de 201225.
Le 1er avril 2014, le joueur de baseball David Ortiz prend un selfie avec le président américain Barack Obama, sans que ce dernier sache qu'il s'agissait d'une publicité déguisée, le joueur de baseball ayant un contrat de sponsoring avec le fabricant de téléphones Samsung26. La Maison-Blanche a fortement condamné la méthode trompeuse et s'est engagée à poursuivre le fabricant de téléphones devant les tribunaux27.
À Taïwan, un entrepreneur créé [Quand ?] un « manche à selfie », une baguette qui porte et stabilise le téléphone lors de la prise de photo26, communément appelé perche à selfie.
Approche anthropologique
La mode du selfie a suscité un certain nombre d'études critiques.
Plusieurs auteurs caractérisent la mode du selfie comme une manifestation narcissique, un irraisonné amour de soi ou de sa propre image, aboutissement de l'individualisme dans les sociétés postmodernes28,29. Par exemple, pendant la campagne présidentielle aux États-Unis en 2016, il est arrivé que l'ensemble du public tourne le dos à la candidate Hillary Clinton afin de réaliser des selfies, attitude qui apparaît comme le comble du narcissisme30.
Agathe Lichtensztejn, doctorante en esthétique à Paris 8, explore dans ses publications la nature du selfie d'un point de vue sociologique, esthétique, philosophique, psychologue et moral, ainsi que la manifestation d'une stratégie communicationnelle qui vise à compenser la perte du réel dans une société contemporaine où l'écran est miroir du monde
Jean-Paul Brighelli souligne la différence entre l'autoportrait en peinture et le selfie. La peinture suppose une interprétation, permise par une éducation du regard et de la main. Brighelli oppose le selfie, expression narcissique d'un « culte hédoniste de l'instant présent » à l'autoportrait peint, expression d'un travail sur soi-même et de l'insertion dans une culture artistique. Le selfie lui semble ainsi dériver de la croyance de Rousseau que le soi inéduqué est bon, alors que l'autoportrait peint, dépendant de l'apprentissage d'une tradition picturale, est l'expression d'un soi fondé sur l'assimilation consciente de l'apport de l'autre, tel qu'exploré par Paul Valéry31
À l'inverse, André Gunthert, enseignant-chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales, où il occupe la chaire d'histoire visuelle, rappelle que l'utilisation de daguerréotypes, à l'époque, a été qualifiée également de pratique narcissique. Il rappelle aussi que les selfies réalisés sont souvent collectifs, loin de l'autoportrait, et incorporent couramment de l'humour et de la dérision. La vraie nouveauté pour lui, c'est que ces images ne sont pas classées dans un album ou accrochées au mur, mais communiquées par réseau. C'est une forme d'expression sociale, un « embrayeur de conversation ». Il prend également l'exemple d'un selfie ancien, antérieur au terme lui-même, la photo polaroïd prise d'elles-mêmes par Thelma et Louise, dans le film du même nom (le film de Ridley Scott), qui est une façon pour les deux héroïnes d'affirmer avec force et humour leur autonomie32.
Controverses
Selfies de singe
Article détaillé : Selfies de singe.En 2014, une polémique surgit entre le photographe animalier David Slater et le site Wikipédia, concernant un selfie pris par une macaque nègre (Macaca Nigra)33. David Slater a protesté lorsque la photo de cette macaque femelle, prise sur l’île de Sulawesi, en Indonésie, a été publiée sur Wikipédia33.
La Wikimedia Foundation a refusé de retirer la photo, car elle estimait que le photographe n’en était pas l’auteur, statuant que c’est en fait la macaque qui avait attrapé l’appareil photo de Slater et, en appuyant sur le déclencheur, avait pris une série de clichés aléatoires33. L’affaire a beaucoup égayé la réunion annuelle de Wikipédia (la Wikimania) qui se tenait à Londres du 6 au 10 août 2014, les participants se prenant à tour de rôle en photo aux côtés de la macaque, à commencer par Jimmy Wales, le fondateur de l’encyclopédie Wikipedia, prenant un selfie devant un écran montrant l'une des deux images incriminées du macaque34,33.