• Milliards Défense : tout va très bien, Madame la Marquise...

    L’augmentation du budget des armées est conforme aux engagements du chef de l’Etat. Mais l’Europe n’est pas au rendez-vous. Et l’industrie de défense réclame un plan de relance spécifique

    Défense : tout va très bien, Madame la Marquise...
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    S’adressant à la communauté de la défense, le 13 juillet à l’Hôtel de Brienne, Emmanuel Macron a annoncé que « d’autres actions seront retenues dans le plan de relance que j’ai demandé au gouvernement de préparer ». En fin de semaine dernière, le ministère du Budget a par ailleurs confirmé la hausse attendue (+1,7 milliard) des crédits du ministère des Armées en 2021. Mais l’effort de la part de l’Union européenne a été divisé par deux lors du dernier conseil européen.

    La crise ? Quelle crise ? En France, le budget de la défense traverse sans dommage les conséquences de la Covid-19. Selon les documents préparatoires à la Loi de finances 2021, le ministère des Armées recevra bien le 1,7 milliard supplémentaire promis par la Loi de programmation militaire. Hors plan de relance, c’est l’augmentation la plus forte de tous les ministères, devant l’enseignement scolaire. Emmanuel Macron tient donc sa promesse : depuis son élection, les crédits militaires ont ainsi augmenté de 6,9 milliards pour frôler les quarante milliards (39,21 en 2021), qu’ils devraient dépasser en 2022.

    Tout va très bien, Madame la Marquise  ? Sans doute. Mais comme le disait la chanson de Ray Ventura, « pourtant l’on déplore un tout petit rien ». Et même deux : l’un est européen et l’autre industriel.

    Le projet de budget pluriannuel (2021-2027), tel qu’il a été négocié lors du conseil européen du 17 au 21 juillet, est très loin des espérances françaises, clamées depuis trois ans. Dans l’Opinion, le député européen Arnaud Danjean évoque le « renoncement à une ambition ». Le Fonds européen de défense (FED) est réduit de moitié : ce sera 7 milliards et non 13. Certes, on partait de zéro en 2019 et les optimistes, comme la ministre Florence Parly, y verront « un pas historique » et une « étape inédite ». Mais au final, il n’y aura qu’un seul milliard par an à se partager à vingt-sept. Tout cumulé, le paquet défense subit le même sort : 13,5 milliards au lieu des 30 prévus par la commission Juncker en 2018. Outre le FED, cette somme incluait la mobilité militaire et la facilité européenne de paix.

    Ambitions stratégiques. La France ne peut donc pas miser sur l’Europe pour l’aider à financer ses ambitions stratégiques, comme elle le fait en prenant à sa charge 40 % du plan de relance. Et si Donald Trump perd les élections en novembre, les velléités européennes d’« autonomie stratégique » risquent de faire long feu. Rassurés par Joe Biden, les partenaires européens de la France reviendront se pelotonner à la douce chaleur du lien transatlantique.

    Si les militaires français sont satisfaits de la hausse de leur budget, les industriels de la défense sont plus dubitatifs. Ils réclament un plan de relance dédié à leur secteur, estimant que les mesures pour l’aéronautique annoncées le 8 juin concernaient essentiellement le civil. Pour l’heure, ils restent sur leur faim. Beaucoup d’entre eux attendaient des annonces présidentielles à l’occasion du 14 juillet. Rien de concret n’a été annoncé, si ce n’est l’assurance que le Président Macron avait « demandé au gouvernement de préparer un plan de relance » pour la rentrée. Les industriels observent avec gourmandise ce qui se passe en Allemagne, où le gouvernement a dévoilé, début juin, dix milliards supplémentaires pour l’industrie de défense.

    En France, deux députés, Benjamin Griveaux (LREM) et Jean-Louis Thiériot (LR) sonnent l’alarme dans les conclusions de leur « mission flash » sur « la place de l’industrie de défense dans le plan de relance ». Ils redoutent, dès la rentrée, un « effet de falaise » pour les entreprises du secteur. Les observateurs et les entreprises « anticipent une crise profonde et durable à partir de l’automne 2020 ». Celle-ci impacterait en priorité les PME, qui « se trouvent déjà dans une situation de trésorerie critique ». Des petites entreprises comme Elvia PCB (circuits imprimés), Realmeca (usinage de haute précision) et Novatech (cartes électroniques) » sont déjà en difficulté.

    Le choc du confinement a été violent. Ainsi, Dassault-Aviation a présenté, jeudi dernier, ses résultats pour le premier semestre 2020. Son résultat opérationnel a été de 55 millions, contre 250 millions au premier semestre de l’année précédente. Le trou d’air affecte toute la chaîne de production : la fabrication de l’avion de combat Rafale implique près de 500 sous-traitants, essentiellement sur le territoire national. Dassault, Safran et Thales ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

    Confinement. L’exportation n’est sans doute plus la planche de salut sur laquelle misait l’Etat pour réduire les commandes. Les cinq premiers Rafale commandés par New Delhi ont décollé, ce lundi 27 juillet, de Mérignac à destination de l’Inde, mais il y a peu de nouveaux contrats à court terme, au-delà des 276 appareils commandés (180 pour la France et 96 à l’export en Egypte, Inde et Qatar). D’où l’attente par la profession d’un coup de pouce urgent du ministère des Armées, pour une vingtaine d’appareils (2 milliards).

    Autre dossier emblématique : le porte-avions de nouvelle génération (PANG), appelé à succéder au Charles-de-Gaulle vers 2035. Le secteur naval attend un feu vert de l’Elysée depuis avril, notamment sur le choix de la propulsion nucléaire qui conditionne les études de conception du bateau. Un conseil de défense spécifique devait se tenir le 8 juillet, mais il a été repoussé à la suite de la formation du gouvernement Castex. La décision devrait intervenir à la rentrée. La récente nomination de deux anciens commandants du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, au poste de chef d’état-major de la marine (Pierre Vandier) et de chef de l’état-major particulier du président de la République (Jean-Philippe Roland) laisse prévoir un choix conforme aux souhaits des milieux navals.

    Là encore, la continuité devrait prévaloir. Dans la défense, c’est la marque de fabrique d’Emmanuel Macron : plus d’argent, mais ni réformes radicales, ni opérations nouvelles. Parfois quelques nouveautés, comme la décision, officielle depuis vendredi, de parler de l’« armée de l’air et de l’espace ». Quant au projet phare du Service national universel, il a pour l’instant disparu des scopes radar.

     
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