• Nous sommes tous des mutants

    Bienfaits et dangers de la révolution génétique

    Nous sommes tous des mutants

    Faut-il modifier le vivant en changeant l’information que les organismes se transmettent d’une génération à l’autre : leur patrimoine génétique ? On dispose désormais d’outils permettant d’intervenir sur les génomes d’une manière dirigée et précise, ce que la nature fait de manière aléatoire. Plutôt que l’extase ou l’effroi, cette perspective appelle une réflexion rationnelle : pour qui et pour quoi faire ?

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    Misha Most. — « Run DNA » (ADN de la course), 2016
    mishamost.com

    «Êtes-vous pour ou contre ? » Dans le domaine de la génétique, et plus particulièrement celui des modifications dirigées des génomes, cette question-couperet supplante souvent les autres. Elle se pose avec une insistance plus stridente encore depuis la mise au point de nouveaux outils moléculaires, appelés Crispr, qui permettent de couper, d’éliminer ou de remplacer des séquences bien précises du génome avec facilité. En théorie, ces méthodes ouvrent des champs d’application illimités. Mais peut-on vraiment savoir ce qu’il faut en penser avant de comprendre ce dont il s’agit ?

    Modifier un génome consiste à remplacer de façon ciblée un gène ou un fragment de gène par un élément — un morceau d’ADN — destiné à le réparer ou, au contraire, à l’inactiver. En laboratoire, les chercheurs utilisent ce procédé depuis déjà plusieurs décennies, mais avec des outils moléculaires dont la manipulation plus laborieuse limitait l’usage. Il ne faut pas confondre la modification dirigée des génomes — en anglais genome editing — avec la simple transgenèse, qui consiste, elle, à insérer un gène additionnel dans un génome, en espérant qu’il confère un caractère nouveau à la cellule ou à l’organisme, mais sans cibler délibérément son emplacement d’insertion précis (locus). Les organismes génétiquement modifiés (OGM), qui soulèvent tant de questions, ou la thérapie génique sous sa forme initiale relèvent de la transgenèse. Dans le cas du genome editing, seul le locus ciblé doit être modifié et ce de façon dirigée (lire « Agir sur le génome »).

    Les outils moléculaires utilisés existent à l’état naturel ou proviennent de simples assemblages d’éléments naturels, car la nature ne se prive pas de remodeler les génomes. Elle le fait même en permanence. Les phénomènes de transgenèse comme les insertions ciblées ou les mutations aléatoires sont des processus courants sans lesquels nous n’existerions pas. Ces dernières décennies, la recherche a mis en évidence dans tous les génomes étudiés, y compris le nôtre, des traces de gènes (...)

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