• "L’ostentation religieuse est aussi mal venue sur les terrains de sport que dans les salles de classe et d’audience"

     

     

    "Le sport doit exprimer l’appartenance à une commune citoyenneté, à une commune humanité, et non devenir prétexte à se compter (et à s’affronter) entre tribus."
    © Sarah Witt / Hans Lucas

    "L’ostentation religieuse est aussi mal venue sur les terrains de sport que dans les salles de classe et d’audience"

    Tribune

    Par Tribune collective

    Publié le 09/03/2022 à 17:3

     

    Le comité « Droit et débats public », dont sont membres Noëlle Lenoir, Frédéric Thiriez et Jean-Eric Schoettl, estime que l’interdiction du port de signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse doit être effective dans le sport autant qu'il l'est pour les avocats ou les professeurs.

    Le drame de la guerre en Ukraine ne doit pas éclipser les sujets sociétaux dont dépend la préservation de notre démocratie. Il en est ainsi de la question de l’ostentation religieuse dans le service public. Le 2 mars dernier, la Cour de cassation a rendu, sur cette question, une décision importante, qui est appelée à faire école. Elle a jugé que le conseil de l’ordre d’un barreau pouvait interdire de porter, avec la robe d’avocat, tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique et que cette interdiction s’étendait alors aux élèves avocats.

    Résumons les faits. Une élève avocate, de confession musulmane, contestait l'insertion (en 2019), dans le règlement du conseil de l'ordre du barreau de Lille, d’un article disposant que « l'avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ». Cette modification du règlement faisait suite au refus de l’intéressée de participer tête nue à sa cérémonie de prestation de serment. La cour d'appel de Douai avait rejeté le recours de l’élève avocate en jugeant que « chaque avocat, dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation, se doit d’effacer ce qui lui est personnel au profit de la défense de son client et du droit ». Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a donné raison à la cour d'appel.

    Droit

    La Cour de cassation avait à répondre à deux questions : le conseil de l’ordre d’un barreau est-il compétent pour interdire, dans son règlement intérieur, le port de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, avec la robe d’avocat ? Une telle interdiction constitue-t-elle une atteinte à̀ la liberté́ religieuse ?

     

    En réponse à la première question, la Cour de cassation a considéré, dans le silence de la loi, qu’il entrait dans les attributions d’un conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession.

    Le sport doit exprimer l’appartenance à une commune citoyenneté, à une commune humanité, et non devenir prétexte à se compter (et à s’affronter) entre tribus.

     

    En réponse à la première question, la Cour de cassation a considéré, dans le silence de la loi, qu’il entrait dans les attributions d’un conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession.

    Le sport doit exprimer l’appartenance à une commune citoyenneté, à une commune humanité, et non devenir prétexte à se compter (et à s’affronter) entre tribus.

    Quant à la seconde question, la Cour de cassation y a répondu en jugeant fondée la restriction de la liberté d’expression des convictions religieuses des avocats et élèves-avocats. En imposant à̀ ses membres de porter la robe d’audience sans aucun signe distinctif, le conseil de l’ordre contribue à̀ assurer l’égalité́ entre avocats et, à travers celle-ci, l’égalité́ entre justiciables. L’interdiction du port de signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique est ainsi nécessaire et adéquate pour garantir le droit à un procès équitable. Elle ne constitue pas une discrimination.

    Du barreau...

    Il faut saluer la rigueur et la netteté de cette décision. On peut aussi, par analogie, en tirer des enseignements s’agissant de deux catégories de personnes sur les obligations desquelles le droit n’est pas clairement fixé à ce jour en matière de discrétion religieuse et politique : les élèves enseignants du public et les sportifs pratiquant leur activité (entraînements, compétitions…) dans le cadre d’une fédération sportive ou d’une collectivité territoriale.

     

    Ce qui vaut pour les élèves de l'école de formation des barreaux vaut pour les futurs enseignants des établissements publics qui, eux aussi, se devront d’être pleinement disponibles à leurs élèves (comme l’avocat à ses clients). Cette pleine disponibilité est commandée tant par la vocation émancipatrice de l’Éducation nationale que par le respect de l’égalité de tous devant l’enseignement public. Elle impose au futur professeur de l’enseignement public d’effacer de sa tenue (et de son comportement) toute manifestation d’allégeance politique, philosophique ou religieuse.

    Au sport

    Et ce qui vaut pour le conseil de l’ordre d’un barreau nous semble également valoir pour une fédération sportive. La seconde, comme le premier, dans le cadre de son pouvoir réglementaire autonome, peut, même en l’absence d’habilitation législative, édicter des obligations de discrétion religieuse à ses usagers.

     Celles-ci sont en outre proportionnées à l’éminence de la finalité poursuivie : faire prévaloir l’égalité entre joueurs, l’esprit d’équipe et les idéaux universalistes du sport dont s’inspire la règle 50.2 de la Charte Olympique, selon laquelle : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ».

    Ce principe de neutralité et la référence à la règle 50.2 ont été repris par la Fédération française de football dans un article de ses statuts : celui-ci fait l’objet d’un recours déposé devant le Conseil d’État par un collectif de « hijabeuses ». Comment imaginer que l’issue de ce contentieux diverge de celle du recours rejeté par la Cour de cassation le 2 mars ?

    Les lieux où se pratique le sport réunissent les sportifs en tant que sportifs. S’ils devenaient le siège de manifestations politiques ou d’affichages religieux, c’en serait fini des valeurs universalistes du sport et de sa force d’inclusion. Le sport doit exprimer l’appartenance à une commune citoyenneté, à une commune humanité, et non devenir prétexte à se compter (et à s’affronter) entre tribus.

    A LIRE AUSSI : "Hijabeuses": les femmes "ont le droit" de porter le voile au foot, selon Elisabeth Moreno

    Par le cercle « Droit et Débat Public » :

    Noëlle Lenoir (ancienne ministre et membre honoraire du Conseil constitutionnel), présidente,

     

     


  • Avec la légion internationale « Zelensky »

    REPORTAGE. Des combattants du monde entier affluent en Ukraine à l’appel du président, pour « chasser les Russes ». Portrait d’un volontaire français aguerri.

    Le Francais Pierre Kastner-Kysilenko a Yavoriv, en Ukraine, le 8 mars 2022.
    Le Français Pierre Kastner-Kysilenko à Yavoriv, en Ukraine, le 8 mars 2022.   © Daniel Carde / ZUMA Press POUR « LE POINT »

    De notre envoyé spécial Romain Gubert