• Programmes 2022: à fond le fond

    La garantie d’emploi, solution miracle contre le chômage?

     

     

    Jean-Luc Mélenchon propose que l’Etat soit l’employeur «en dernier ressort» des chômeurs qui ne trouveraient aucun emploi dans le privé. Une idée beaucoup débattue à gauche et à laquelle s’oppose son concurrent du PCF, Fabien Roussel.

    Ce sont deux mots dans le projet de Jean-Luc Mélenchon, mais à eux seuls, ils constituent tout un programme. Le candidat de La France insoumise à l’élection présidentielle promet, s’il est élu, de mettre en place une «garantie d’emploi». Une proposition définie en ces termes : «Tout chômeur de longue durée pourra se voir proposer d’être embauché au moins au smic – revalorisé – dans un secteur d’urgence.»

    Loin d’être anecdotique, cette mesure, que les députés insoumis – dont Jean-Luc Mélenchon – ont déjà défendue l’année dernière dans une proposition de loi «établissant la garantie d’emploi par l’Etat employeur en dernier ressort», porte une idée ambitieuse. Avec elle, expliquaient en effet les motifs de cette proposition, «le travail cesse d’être une marchandise, car son existence et son utilité ne sont plus déterminées par le marché». Autrement dit, les employeurs perdraient un de leurs principaux pouvoirs : celui de proposer des rémunérations et des conditions de travail médiocres car ils savent que l’alternative à laquelle font face les demandeurs d’emploi les plus précaires est la suivante : les accepter, ou bien continuer de survivre avec de faibles allocations voire des minima sociaux ne permettant même pas d’atteindre le seuil de pauvreté.

     

    «Solution zéro chômeur»

    L’idée n’est pas tout à fait neuve, ni française : une de ses porte-parole les plus influentes est l’é…

     

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    Comment l’Europe peut sauver sa croissance

      Protéger le pouvoir d’achat, diversifier les sources d’approvisionnement et surtout investir massivement et intelligemment : la crise peut aussi être l’occasion pour l’Europe d’accélérer sa transformation

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      Kak
      Les faits -

      Les chefs d’Etat européens réunis à Versailles jeudi soir et ce vendredi planchent sur un renforcement de l’Europe, de sa défense et de son économie, ce qui passe notamment par une diversification de ses approvisionnements. Investissements privés, dépenses nationales, dépenses communes. « Manifestement, il y aura ces trois catégories », a confié Emmanuel Macron jeudi soir, en préambule du sommet. Avec un taux de croissance revu à la baisse et une poussée d’inflation, le risque de stagflation inquiète.

      Taper vite et fort pour mettre l’économie russe à genoux, afin de hâter une solution au conflit ukrainien, et limiter les dommages collatéraux pour le reste du monde. Ce scénario, conçu par les pays du G7, aura de toute façon un coût élevé. Pour l’Union européenne, si proche de la Russie et si dépendante de ses matières premières, l’économiste Jean Pisani-Ferry estime à 175 milliards d’euros cette année (1,25% du PIB européen) les dépenses budgétaires additionnelles nécessaires pour amortir le choc du conflit. Christine Lagarde, qui présidait jeudi le conseil de politique monétaire de la BCE, s’est, elle, montrée plus préoccupée par l’inflation, qui « pourrait être considérablement plus élevée à court terme », que par la croissance « qui devrait rester robuste en 2022, dans la zone euro, mais à un rythme plus lent. »

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      Inflation élevée, croissance moins forte que prévue, faiblesse del’euro face au dollar qui accentue ces deux maux…L’Europe court-elle à la stagflation ? La crise énergétique est « comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973, estime Bruno Le Maire. En 1973, cette réponse a provoqué le choc inflationniste que vous connaissez, conduit les banques centrales à augmenter massivement les taux, ce qui avait tué la croissance. Cela porte un nom, la stagflation, c’est précisément ce que nous ne voulons pas revivre ». La menace plane sur la réunion en cours des chefs d’Etat européens à Versailles.

      « Jusqu’en février, la reprise était dynamique dans la zone euro, mais le choc qu’elle subit est bien stagflationniste, commente Philippe Gudin, économiste pour Barclays. A ce stade, notre prévision de croissance annuelle a été revue de 4% à 2-2,5%, ce qui veut dire qu’elle serait nulle à compter du deuxième trimestre».

      «Nous n’en sommes pas là, mais il est possible d’avoir un trimestre ou deux de contraction du PIB en zone euro, s’il y a des ruptures d’approvisionnement d’énergie qui conduisent à rationner des secteurs industriels », indique Gilles Moëc, chef économiste d’Axa.

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      Forte déstabilisation. Alors, comment éviter la stagflation ? D’abord en assurant l’approvisionnement en hydrocarbures et produits essentiels auprès d’autres fournisseurs que la Russie. « Il y a un vrai risque de rupture et de mise à l’arrêt de pans d’activités industrielles, alerte l’économiste Christian Parisot. C’est une source de forte déstabilisation ». Faute d’approvisionnement en noir de carbone russe pour ses pneus, Michelin a dû fermer son usine de Cholet. Les fabricants de pots catalytiques pourraient être en rupture de palladium, ceux de semi-conducteurs de gaz industriels, la filière automobile risque de manquer de sous-traitants ukrainiens. Sans parler de toutes les entreprises pour qui les coûts de transports et d’énergie vont poser des questions de rentabilité.

      La Commission européenne veut réduire des deux tiers la dépendance européenne au gaz russe dès cette année. Mais, mieux gérer les stocks et les gazoducs, se tourner davantage vers la Norvège, les Etats-Unis, le Qatar ou l’Algérie, développer le biométhane et l’hydrogène comme le suggère Bruxelles, prendra du temps. Il faut donc parallèlement détruire de la demande. « Fondamentalement, ce qu’on veut, c’est arrêter de consommer des hydrocarbures russes, via une sobriété induite par la hausse des prix, ou forcée par un éventuel blocus », indique Xavier Timbeau, directeur principal à l’OFCE. Pour ne pas avoir à rationner, voire arrêter des secteurs clés de l’économie, on peut essayer de baisser la consommation électrique, réduire d’un degré la température des bâtiments…

      Deuxièmement, pour éviter un choc social causé par l’érosion du pouvoir d’achat, les Etats devront remettre à la poche. « Il n’y a pas 36 solutions, il faut plus de dépenses budgétaires et d’endettement public », explique Alain Durré, chef économiste de Goldman Sachs Europe. Le bouclier tarifaire français coûte déjà 22 milliards d’euros, l’Allemagne revoit en hausse ses mesures de compensation, l’Italie a mis en place un système très généreux… Pour Philippe Gudin, les mesures de préservation des revenus des plus modestes seraient même un moyen de « limiter les revendications salariales, et l’enchaînement infernal d’une spirale prix-salaires qui pourrait provoquer une récession. »

      Mais nous sortons de la crise de la Covid, qui a alourdi les dettes publiques en zone euro de 20 points de PIB en moyenne. Ce nouvel effort « risque de les déstabiliser à terme si la croissance devient trop faible et les taux d’intérêts trop élevés », note Alain Durré. D’autant que la BCE ne peut plus être aussi accommodante qu’il y a deux ans, lorsqu’il n’y avait pas d’inflation. Jeudi, la banque de Francfort n’a d’ailleurs pas dévié de son intention de mettre fin dans les prochains mois à ses injections de liquidités sur les marchés.

      Conflictualité. Le continent européen n’avait pas connu un tel niveau de conflictualité depuis la Deuxième Guerre mondiale. Mais le sursaut des Etats-membres pourrait aussi être une chance. Si elle investit bien, « l’Europe fera mieux qu’amortir le choc, elle se donnera une perspective », argumente Samy Chaar, chef-économiste de Lombard Odier. Elle en a les moyens : Next Generation EU est doté de 750 milliards d’euros, non dépensés mais déjà affectés. L’Europe a de nouvelles ambitions en matière de défense et d’indépendance énergétique, alors « il faut doubler ce montant pour être crédible, estime Samy Chaar. Les 17 milliards de dollars du plan Marshall de 1947 équivalent à 1 300 milliards aujourd’hui ». « La solution est d’aller plus loin dans la mutualisation, et d’étendre le cadre du plan Next generation, en aidant un peu plus des pays comme l’Italie et l’Espagne qui ont un vrai problème de coût de l'énergie», abonde Gilles Moëc.

      Reste à convaincre tous les membres. Il se trouve que des pays « frugaux » sont particulièrement dépendants des hydrocarbures russes (Allemagne, Finlande …). Mais ils n’ont pas encore lâché les cordons de la bourse. « Le logiciel sur la dette a changé, analyse Christophe Morel, chef-économiste chez Groupama AM. Si l’on n’investit pas, la dette publique n’augmente pas, mais une autre dette s’accumule, dans les infrastructures, la transition énergétique, la santé... Nous sommes de toute façon dans un monde de transition. Investir, c’est le meilleur moyen d’échapper à la stagflation ». « L’Europe a le même excédent courant que le Japon et des taux d’intérêt réels négatifs, mais elle est globalement deux fois moins endettée (125 % contre 250 % du PIB), argumente Samy Chaar. Cette dette trouvera preneur à condition qu’elle soit bien utilisée ». Et l’impulsion publique sur l’investissement privé ne doit pas être sous-estimée. « Le gros point d’interrogation, qui aura sa réponse dans les prochains jours, est de savoir si l’Union européenne se mobilisera pour lancer un plan de résilience », indique Patrick Martin, président délégué du Medef. La France y travaille d’arrache-pied.