• Facebook, Twitter: et si c'était la fin des réseaux sociaux?

     
    L'avenir des réseaux sociaux en question. - [Keystone - Christoph Dernbach]
    Départs en cascade et chaos chez Twitter, licenciements et chute en bourse pour Meta, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, l'avenir des réseaux sociaux semble nébuleux. Est-ce le début de la fin? Décryptage.

    Il y a Facebook. En perte de vitesse et avec une stratégie du metavers qui ne convainc pas, le géant bleu licencie 11'000 salariés. Et ensuite il y a Twitter. Après avoir mis à la porte la moitié de ses 7500 employés, Elon Musk a posé un ultimatum à celles et ceux qui sont restés, en leur demandant de "travailler de longues heures à haute intensité". La demande du milliardaire a déclenché des départs en cascade.

    Est-ce le début de la fin pour ces plateformes ? Dans un contexte de déclin évident, l'hypothèse n'est pas farfelue. Parce que nous sommes déjà en train de vivre la fin d'une certaine idée que nous avons des réseaux sociaux.

    CTRL-Z -La fin des réseaux sociaux? 
    CTRL-Z -La fin des réseaux sociaux? / La Matinale / 5 min. / le 18 novembre 2022

    >> Lire aussi : Meta, la maison mère de Facebook, supprime 11'000 emplois

    Deux décennies d'histoire

    Qui se rappelle encore de Friendster, l'ancêtre des réseaux sociaux né en 2002, et de ses 115 millions d'utilisatrices et utilisateurs ? Qui se rappelle encore de MySpace, né en 2003 et qui a "tué" Friendster et s'est ensuite fait dépasser par Facebook ?

    Au début des années 2000 les réseaux sociaux constituaient la principale expérience d'Internet pour la plupart d'entre nous. Avec une promesse : être connectés, être dans la construction ou l'approfondissement des relations avec ses amis, sa famille, ses collègues de travail.

    Et Facebook fut

    Mais comment le réseau de Mark Zuckerberg a-t-il fait pour détrôner MySpace?

    Facebook a eu le génie de mieux utiliser le concept économique de "network effect" (ndlr: l'effet de réseau), qui fait que l'utilité d'un service se mesure par la quantité d'utilisatrices et utilisateurs.

    Pour y arriver, Facebook se lance à ses débuts sur un marché de niche, celui des étudiants des universités américaines comme Harvard. Il s’ouvre ensuite à d'autres universités, avant de devenir accessible à toutes et tous en septembre 2006. Le succès de Facebook c'est l'utilisation de l'effet local de réseau. Et puis Mark Zuckerberg ne fait pas l’erreur de croire que ce qui est important c’est le nombre d’utilisatrices et utilisateurs. Non, pour lui c’est la qualité des relations qu'ils et elles entretiennent.

    MySpace permettait une connexion à des gens du monde entier, mais que l'on ne connaissait pas. Le génie de Facebook a été de nous proposer un lieu où on pouvait croiser nos amis, notre famille, nos collègues de travail.

    Facebook a ainsi réussi à remettre en question la théorie des 6 degrés de séparation, qui affirme que chaque personne dans le monde est reliée à n’importe quelle autre par une chaîne de maximum 6 maillons. Avec Facebook on en est à 3,57, lit-on sur la BBC.

    Grâce à Facebook, on connaît le monde entier à 3,57 degrés de séparation. [DR - Facebook]

    Le monde des réseaux sociaux est petit. De plus en plus petit.

    Et le bouton "J'aime" fut

    Tout bascule en 2009. On est quelque part entre l'apparition des smartphones (2007) et le lancement d'Instagram (2010).

    En 2009 le bouton "J'aime" fait son apparition sur Facebook et change à jamais nos relations dans la vie en ligne. Elles se transforment en une compétition des chiffres. Il faut décrocher un maximum de "j'aime". Il faut avoir beaucoup d'amis.

    >> A écouter aussi: Les dérives des boutons "like" :

    Un bouton Like. [Unsplash - Jackson Sophat]Unsplash - Jackson Sophat
     

    Pixels - Les dérives des boutons "like" / Le Journal de 8h / 4 min. / le 1 octobre 2022

    Autre changement, vu la quantité de contenus produits, le fil d'actualité de Facebook adopte par défaut un tri algorithmique plutôt que chronologique. Pour pouvoir se démarquer dans le flot ininterrompu d'informations il faut nourrir la machine. Plus la foule est grande, plus la possibilité d'être entendu est élevée.

    L'essor des médias sociaux

    Les réseaux sociaux deviennent ainsi des médias sociaux, comme l'explique Ian Bogost dans un article publié sur le site The Atlantic. "Les médias sociaux ont fait de vous, de moi et de tout le monde, des diffuseurs (même s'il s'agit d'aspirants). Les résultats ont été désastreux mais aussi très agréables, sans parler de la rentabilité massive - une combinaison catastrophique", écrit-il.

    On perd donc la notion de réseau de relations humaines, on va sur Facebook et sur Twitter pour s'informer. Facebook transforme son "graphique social" de relations humaines en une machine à gagner de l'argent aux annonceurs qui ciblent très finement leurs pubs grâce à nos données. C'est l'économie de l'attention.

    Le cercle vertueux devient vicieux.

    Outils importants de mobilisation lors des révoltes citoyennes, Twitter et Facebook deviennent petit à petit un moteur pour l'extrémisme, la désinformation, les discours de haine et le harcèlement. Les médias sociaux sont en plein crise existentielle.

     >> Lire aussi: En Iran, la révolte survit à la répression par la puissance des réseaux sociaux

    Tendance qui se renforce avec la récente décision d'Instagram et Facebook de copier TikTok et son algorithme de recommandation des contenus. On se dirige vers des médias numériques de masse, qui proposent des vidéos d'utilisateurs que l'on ne connaît pas, traitées par l'apprentissage automatique. Une certaine idée de Facebook et Twitter, celle des années 2010, est en train de disparaître.

    >> A écouter aussi: Le projet d'Elon Musk pour Twitter :

    "Twitter est pour Elon Musk une solution technologique clé en main pour développer sa X app". [ANADOLU AGENCY VIA AFP - UTKU UCRAK]ANADOLU AGENCY VIA AFP - UTKU UCRAK
     

    Le projet d’Elon Musk pour Twitter… et pour nous: interview d’Asma Mhalla / Tout un monde / 12 min. / le 2 novembre 2022

    Nous n'allons pas renoncer à créer des contenus et les partager avec les autres, les médias sociaux ne vont pas disparaître mais ils vont encore évoluer. Les médias sociaux se régénèrent avec l'apparition d'autres acteurs comme Mastodon vers qui se tournent de plus en plus d'utilisatrices qui ont quitté Twitter suite au rachat par Elon Musk.

    La nature humaine ne changera pas fondamentalement, nous serons toujours des êtres sociaux, et nos comportements en ligne s'adapteront aux nouvelles technologies.

    Miruna Coca-Cozma


  • Fin de Facebook et Instagram en Europe : quand Mark Zuckerberg veut nous faire chanter

    Meta demande une nouvelle réglementation pour l'Europe concernant le transfert des données personnelles vers les États-Unis.

    Mise à jour à 14h16 : un représentant de Meta nous a partagé la déclaration suivante concernant la situation.

     

    Nous n’avons absolument aucun désir ni aucun projet de nous retirer de l’Europe, mais la simple réalité est que Meta, ainsi que de nombreuses autres entreprises, organisations et services, dépendent des transferts de données entre l’UE et les États-Unis afin d’exploiter des services internationaux. Comme d’autres entreprises, nous avons suivi les règles européennes et nous nous appuyons sur des clauses contractuelles types, ainsi que sur des mesures de protection des données appropriées, pour offrir un service mondial. Fondamentalement, les entreprises ont besoin de règles internationales claires pour protéger les flux de données transatlantiques à long terme et, comme plus de 70 autres entreprises dans un large éventail de secteurs, nous suivons de près l’impact potentiel sur nos opérations européennes au fur et à mesure que ces développements progressent.

     

    Reléguer l’Europe au rang d’une dictature dans laquelle Facebook et Instagram ne pourraient pas faire affaire ? C’est ce à quoi semble ressembler le dernier pari en date de Meta après la chute vertigineuse de Meta en bourse.

    Dans son rapport annuel à la SEC (U.S. Securities and Exchange Commission), l’autorité des marchés financiers américains, Meta prévient qu’elle ne pourrait « probablement » plus proposer ses « plus importants produits et services » comme Instagram ou Facebook si l’entreprise n’est plus autorisée à utiliser le modèle d’accord en cours ou une alternative. Ce dernier fait référence à la possibilité par Meta de transférer les données personnelles des utilisateurs depuis l’Europe vers ses serveurs aux États-Unis.

    Dans une autre déclaration, Meta insiste sur ce point : « le partage de données entre pays ou régions du monde est crucial pour offrir nos services et de la publicité ciblée ». Rappelons que le modèle économique de Meta repose essentiellement sur ses publicités, là où Amazon, Apple, Microsoft et même Google ont réussi à diversifier leurs sources de revenus aux fils des ans.

    Que veut obtenir Meta ?

    Cette affaire est la conséquence de l’annulation du Privacy Shield par la Cour de justice européenne en 2020. Cet accord devait encadrer le transfert de données entre l’Union européenne et les États-Unis, car il allait à l’encontre du RGPD. Ce dernier prévoit que pour permettre un transfert de données, le pays en question doit proposer le même niveau de protection des données personnelles que ce que prévoit l’UE avec le RGPD, or il a été jugé que ce n’était pas le cas des États-Unis.

    Pour effectuer ses transferts de données, Meta a recours au Privacy Shield, désormais annulé et à des « modèles d’accords ». Ces derniers sont minutieusement observés par l’Union européenne. Avec ce nouveau coup de chantage, Meta entend obtenir un nouveau socle sur lequel s’appuyer pour permettre aux données privées de ses utilisateurs européens d’être transféré et traité aux États-Unis. La firme se refuse à les traiter sur le sol européen dans le cadre de la législation prévue par l’UE.

    Quel est le poids de la menace ?

    Hormis le fait de ne plus permettre aux Européens d’accéder aux applications comme Facebook et Instagram, Meta veut surtout mettre dans la balance les centaines d’entreprises qui font appel à ses services. Dans une réponse au média City A.M, Meta masque à peine son chantage : « un manque de transferts internationaux de données sûrs, sécurisés et légaux nuirait à l’économie et entraverait la croissance des entreprises axées sur les données dans l’UE, au moment même où nous cherchons à nous remettre de Covid-19 » avant d’enfoncer le clou « l‘impact serait ressenti par les entreprises, grandes et petites, dans de multiples secteurs».

    Mais peut-on y croire ?

    Rappelons que si Meta s’est récemment effondré en bourse, c’est notamment parce que le groupe a pour la première fois de son existence affiché une perte d’utilisateurs dans son bilan. Plus précisément, c’est un million d’utilisateurs quotidiens qui n’utilisent plus les services Facebook, WhatsApp ou encore Instagram.

    L’Europe représentait 25 % du chiffre d’affaires fin 2021 // Source : Meta

    Lors du résultat du dernier trimestre de l’année 2021, Meta a annoncé que l’Europe représentait 8,357 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour Meta, soit près d’un quart du total réalisé par le groupe pour 427 millions d’utilisateurs actifs mensuels sur Facebook. Le revenu moyen par utilisateur sur Facebook était de 19,68 dollars en Europe, en deuxième position derrière les États-Unis et le Canada avec 60,57 dollars.

    Quand on voit l’effet de la disparition d’un million d’utilisateurs sur les résultats du groupe, peut-on vraiment croire que Meta serait prêt à fermer ses services en Europe et ainsi se priver de millions d’utilisateurs ? Cela paraît inconcevable.


     

     

     





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