• Lagevrio de Merck, Paxlovid de Pfizer… L'arrivée des pilules anti-Covid se précise

    Plus simples d'utilisation que les traitements actuels, les comprimés anti-Covid développés par Merck et par Pfizer sont en cours d'évaluation par les autorités sanitaires, européenne et américaine. En France, Emmanuel Macron a promis leur arrivée "dès la fin de l'année".

    Des comprimés de molnupiravir développé par le laboratoire Merck et commercialisé sous le nom Lagevrio.

    Des comprimés de molnupiravir développé par le laboratoire Merck et commercialisé sous le nom Lagevrio. (Reuters)
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    Un simple comprimé à avaler pour éviter que des symptômes légers se transforment en détresse respiratoire. C'est ce que promettent les géants pharmaceutiques Merck et Pfizer avec leurs pilules anti-Covid. Depuis quelques semaines, l'arrivée de ces nouveaux traitements se précise. Pendant son allocution du 9 novembre, en pleine vague épidémique, le président Emmanuel Macron a promis un déploiement rapide. "C'est parce que la France a très tôt misé sur la recherche sur les traitements, et que nous avons su en commander très amont, que nous bénéficierons d'une nouvelle arme pour lutter contre le virus avec l'arrivée dès la fin de l'année des premiers traitements réellement efficaces contre les formes graves de Covid-19", a-t-il assuré.

     

    En France, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé le 26 octobre la commande de 50.000 doses de molnupiravir, le médicament élaboré par Merck, qui devaient être livrées "à compter des derniers jours de novembre ou des premiers jours de décembre". Il a confirmé ce calendrier ("à partir du début du mois de décembre") lors d'une conférence de presse le 25 novembre.

     

    Deux pilules à un stade avancé

    De quoi parle-t-on? Commercialisé par Merck sous le nom de Lagevrio, le molnupiravir est un antiviral. Il fonctionne en introduisant une mutation dans le virus, ce qui l'empêche de se répliquer et enraye ainsi la progression de la maladie. Pour être performant, ce cachet doit être pris dans les cinq jours après les premiers symptômes, deux fois par jour pendant cinq jours.

     

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    Le molnupiravir présente un double avantage. Sa simplicité d'utilisation le rend bien moins contraignant et onéreux que les anticorps monoclonaux, qui sont administrés à l'hôpital par voie intraveineuse. Autre atout : le molnupiravir ne prend pas pour cible la protéine spike du virus, où se concentrent les mutations des variants. Le laboratoire Merck estime donc que sa pilule sera efficace quel que soit la souche du Sars-CoV-2.

     
     

  • Bruno Lina, virologue, membre du conseil scientifique : "Omicron est déjà présent partout"

    Dix jours après la découverte d'un nouveau variant inquiétant en Afrique australe, le virologue nous explique ce que l'on a appris sur ce polymutant. Le chercheur martèle qu'il pourrait être une menace en février-mars mais que l'ennemi numéro un de Noël, c'est Delta, contre lequel nous pouvons agir. 

    Bruno Lina avec le Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de la Santé, Olivier Véran, vendredi dans son laboratoire des Hospices civils.

    Bruno Lina avec le Premier ministre, Jean Castex, et le ministre de la Santé, Olivier Véran, vendredi dans son laboratoire des Hospices civils. (AFP)
     

    Omicron circule-t-il déjà en France?
    Il est partout, oui. Vendredi, 12 cas avaient été confirmés en France et 109 sur le continent européen. Pour l'instant, tous les cas détectés dans notre pays sont des cas d'importation mais ça va probablement changer. Les résultats de l'avant-dernière enquête flash sur les variants, une opération que nous réalisons chaque semaine pour surveiller les variants sur une part importante des tests positifs d'une journée donnée, seront publiés en début de semaine. Ils devraient montrer que, la semaine du 14 au 20 novembre, c'est-à-dire celle précédant l'alerte sur Omicron du 25 novembre, ce virus n'était pas encore présent. Ce week-end, nous allons analyser les les 12.000 séquences effectuées du 23 au 30 novembre 

     

    12.000 séquençages sur 50.000 nouveaux cas environ chaque jour et donc 100.000 possibles, est-ce suffisant?
    C'est une proportion suffisante et significative! Je ne veux pas rentrer dans un débat sans fin. Oui, les Anglais séquencent plus que nous mais leur système a été mis en place il y a dix ans. Nous pouvons nous réjouir d'avoir considérablement accru nos capacités de séquençage depuis le début de la pandémie. Tout séquencer ne sert à rien. Le système de surveillance est aujourd'hui bien calibré. Ce qui importe, c'est de suivre l'évolution des différentes souches. En France, Delta est toujours ultra-dominant avec environ 99% des séquences mais nous surveillons également, depuis trois à quatre semaines, un autre variant, le B.1.640, détecté pour la première fois au Congo et en France. Il porte beaucoup de mutations, sans atteindre le nombre record d'Omicron, et il a lui aussi un potentiel de transmission important. Nos collègues européens nous demandent régulièrement des informations à son sujet. L'Institut Pasteur, qui effectue des tests en laboratoire sur ce virus, va rendre publics ses résultats dans de brefs délais. On espère qu'ils seront rassurants.

     

    Tout séquencer ne sert à rien

    Combien de temps faut-il pour séquencer un prélèvement suspect?
    Certains chercheurs vendent du rêve en disant que cette opération peut être effectuée en douze heures! C'est possible en cas d'extrême urgence mais pas en routine. Aujourd'hui, il existe deux technologies de séquençage. La première, à haut débit, permet d'étudier en même temps 1.500 échantillons mais il faut ensuite interpréter les résultats obtenus. Bref, cinq à huit jours sont nécessaires avant d'obtenir la totalité des résultats. La deuxième, beaucoup plus rapide, peut les fournir en vingt-quatre à trente-six heures mais on ne peut pas étudier plus de 10 à 15 prélèvements par jour.

     

    Une étude sud-africaine prépubliée sur Internet et relayée par le New York Times suggère qu'Omicron serait deux fois plus contagieux que Delta. Qu'en pensez-vous?
    Il est impossible de générer aussi rapidement des données robustes d'épidémiologie descriptive, des modélisations. Les études prépubliées et non revues par d'autres scientifiques sont parfois très bonnes ; d'autres fois, sont biaisées. On peut rarement faire vite et bien pour calculer le R0, c'est-à-dire le nombre moyen de personnes contaminées par un cas. Il faut en général analyser plusieurs épisodes de transmission pour parvenir à un résultat solide. Pour déterminer la transmissibilité d'Omicron et savoir s'il peut se répandre à travers le monde, il faut scruter l'évolution de l'épidémie en Afrique du Sud, mais ça ne suffit pas. Car ce pays était, avant l'arrivée du variant, dans un creux épidémique avec une incidence très basse, de l'ordre de 5 nouveaux cas par jour pour 100.000 habitants. Un élément important sera d'observer comment il va se comporter par rapport à Delta, notamment en Europe où ce virus flambe. Le cluster d'Omicron identifié en Norvège après un dîner d'entreprise où plus de la moitié des 120 convives ont été testés positifs va nous aider à évaluer son potentiel de diffusion. Mais tout ça va prendre du temps.

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    Anthony Fauci, le conseiller médical en chef du président américain, a pourtant promis de premières données solides pour la fin de cette semaine. Les aura-t-on?
    On devrait avoir très vite de premières données de laboratoire venues du monde entier. Chez nous, une équipe de l'Institut Pasteur à Paris et une autre de l'université d'Aix-Marseille se chargent de faire ces tests dits de séroneutralisation. Il s'agit de cultiver du virus puis de voir, dans le tube à essai, comment il se comporte avec les anticorps monoclonaux. Ces médicaments prescrits dans les hôpitaux pour prévenir les formes sévères marchent-ils encore ou pas avec Omicron? Les chercheurs mettent aussi Omicron en présence de sérums de personnes vaccinées, avec deux ou trois doses. Leur but est de voir si cela empêche le virus de pousser ou pas, c'est-à-dire s'il y a une bonne protection ou si la protection diminue. Ces analyses de laboratoire sont ce qu'il y a de plus simple à faire ; c'est pourquoi elles vont donner rapidement des résultats.

    Le variant Omicron remet-il en question l'efficacité des vaccins?
    Des données préliminaires communiquées par des collègues israéliens suggèrent que non mais je reste très prudent. Pour le moment, on l'ignore.

    Les experts britanniques appellent leur gouvernement à durcir les restrictions sans attendre de savoir si Omicron est plus transmissible que Delta. Avons-nous pris la pleine mesure de la menace constituée par ce variant?
    convaincre le gouvernement de Boris Johnson de réduire drastiquement le niveau de circulation du virus. Là-bas, Delta court depuis plusieurs semaines et même plusieurs mois. Un taux d'incidence très élevé est devenu acceptable. Ce n'est pas le choix qu'a fait la France.

    Si nous ne faisons pas un effort collectif, il se pourrait que les hôpitaux ne tiennent pas le choc

    Comment freiner la cinquième vague et retarder l'arrivée d'Omicron?
    On peut minimiser l'impact de cette vague. Une somme de petites actions simples, comme un effort sur le port du masque, sur l'aération, l'utilisation de gel hydroalcoolique, la pratique du télétravail dans les semaines précédant les fêtes peuvent nous permettre d'y parvenir. Les modélisations de l'Institut Pasteur montrent que nos efforts n'ont pas besoin d'être démesurés. Car, contrairement à l'an dernier, nous sommes massivement vaccinés. Et les gestes barrière et les mesures de distanciation sont très efficaces dans une population ainsi immunisée. De récentes études scientifiques montrent que le schéma à trois doses offre de très bons niveaux de protection et peut freiner la diffusion du virus. Les personnes qui ont reçu un rappel le transmettent nettement moins que celles qui n'ont eu que deux injections. Cet atout incroyable s'ajoute au reste de l'arsenal disponible. Il n'y a pas de fatalité à ce que nous soyons soumis à un couvre-feu ou confinés. Si nous ne faisons pas un effort collectif, il se pourrait que les hôpitaux ne tiennent pas le choc. Les personnels des services qui prennent en charge les malades du Covid-19 sont épuisés par quatre vagues successives et désespérés de voir que la majorité de ces patients ne sont pas vaccinés.

    Ce nouveau variant peut-il gâcher Noël?
    Omicron sera peut-être une menace en février, mars ou pour Pâques! Lorsque j'ai vu sa séquence génétique la semaine dernière, j'ai pensé : "Ce n'est pas du tout une bonne nouvelle." Mais ce n'est pas pour autant une catastrophe annoncée. Notre problème, pour les fêtes, c'est Delta. Le pic est attendu pour début janvier car il y a une inertie dans l'évolution de l'épidémie.

    Omicron remet-il en cause l'intérêt d'un rappel vaccinal?
    Attendre d'hypothétiques vaccins adaptés à un variant dont on n'a pas la certitude qu'il va devenir dominant n'a aucun sens. Quand un incendie démarre, on jette de l'eau sur le feu au plus vite. Ce genre de discours attentiste relève de l'hésitation vaccinale. Les vaccins actuels sont très efficaces contre Delta. L'immunité stérilisante, au niveau du nez et de la bouche, celle qui permet de limiter la transmission du virus, remonte à 90% après la troisième dose.

    Les tests antigéniques gardent-ils leur efficacité avec Omicron?
    Une étude réalisée par des scientifiques autrichiens et une autre effectuée par un groupe de recherche européen suggèrent qu'ils continuent de très bien fonctionner avec ce variant. Ce n'est pas surprenant car ces kits ciblent la protéine N du virus et pas la protéine de surface Spike sur laquelle les mutations sont plus nombreuses. Du côté des tests PCR, tout va très bien aussi. La méthode de criblage permettant de détecter Omicron est déployée dans tout le pays.

    La vaccination offre non seulement une protection individuelle mais une protection collective

    Les écoliers sont-ils le moteur de cette cinquième vague?
    Les enfants, dans les tranches d'âge non vaccinées, sont désormais le principal moteur de la reprise épidémique. Faut-il pour autant fermer les écoles ou rallonger les vacances? Je ne le crois pas. Les élèves ont beaucoup souffert des fermetures, même si la France peut s'enorgueillir d'être le pays de l'OCDE qui les a gardées ouvertes le plus longtemps. Une des solutions, c'est le développement du dépistage. Dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, nous testons, depuis la rentrée de la Toussaint, le dépistage systématique hebdomadaire des enfants dans une trentaine d'écoles. L'équipe de Vittoria Colizza, à l'Inserm, a montré que ça pouvait en théorie réduire la circulation du virus car les écoliers asymptomatiques sont repérés. Dans l'attente de nos résultats ainsi que de ceux d'expériences menées en Ile-de-France et en Nouvelle-Aquitaine, il semble que les parents adhèrent plutôt bien à cette expérience. Le dépistage réactif mis en place récemment par le ministère de l'Éducation nationale, c'est-à-dire le fait de tester toute une classe en cas de découverte d'un enfant positif, est utile mais moins efficace car il ne permet de détecter que le sommet de l'iceberg. Beaucoup d'enfants sans symptômes diffusent le virus. Ce n'est sans doute pas l'option la plus protectrice, surtout quand l'incidence dépasse 800 nouveaux cas quotidiens pour 100.000 enfants.

    Certains se méfient du vaccin de Moderna. Comprenez-vous ces réticences?
    Pour les plus de 30 ans, il n'y a aucun risque, que des bénéfices. Durant une période de reprise épidémique comme celle que nous vivons, la vaccination offre non seulement une protection individuelle mais une protection collective. N'oublions pas qu'au cœur de notre devise républicaine, il y a la notion de liberté mais aussi, et au même niveau, celle de fraternité. 

     




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