Emmanuel Macron a annoncé, lors de son allocution du lundi 12 juillet, la fin des repas du Crous à un euro pour tous les étudiants. Ils ne concerneront plus que les étudiants boursiers ou en situation de « grande précarité ».
Les files d'étudiants en quête d'un repas bon marché pourrait devenir une image ordinaire. Emmanuel Macron a en effet annoncé la fin des repas du Crous à un euro pour tous, lundi 12 juillet, lors de son allocution très attendue sur l’épidémie de Covid-19. La baisse des tarifs du Crous, mise en place en janvier dernier, avait permis de servir 11 millions de repas à des jeunes très durement touchés par la crise sanitaire. Elle ne concernera à la rentrée plus que les boursiers ou les étudiants en situation de « grande précarité ». Pour les autres, le tarif du repas repasse à 3,30 euros : modique dans l'absolu, mais significatif pour une population que cinq euros d'APL en moins peut mettre à mal.
L'annonce n'a pas manqué de faire réagir l'Union national des étudiants de France (Unef) de Sciences Po. « La précarité étudiante ne s'arrêtera pas miraculeusement à la rentrée ! », s'insurge l'association sur Twitter. D'autant plus que ce phénomène ne date pas d'hier : en 2016, presque la moitié de la population étudiante déclarait sauter des repas durant une semaine normale de cours normale, d'après une enquête de l'Observatoire de la vie étudiante. Une situation qui s'est gravement dégradée l'année dernière. La Fédération française des banques alimentaires (FFBA) observe une augmentation de 12% du nombre de bénéficiaires entre 15 et 25 ans de novembre à décembre 2020.
Dans l'indifférence générale @VidalFrederique annonce l'abandon du repas au resto u à 1€ pour tout-es. La précarité étudiante ne s'arrêtera pourtant pas miraculeusement à la rentrée !
— UNEF Sciences Po (@unefsciencespo) July 9, 2021
Sans bourse pendant les vacances et avec des repas plus chers la ministre nous abandonne.
« Cette aide m'a permis d'étudier tranquillement »
Arrivé en France pour suivre un master à Sciences Po, Antonio avait accueilli avec un grand soulagement les repas Crous à un euro. « Cette aide m'a permis d'étudier plus tranquillement assure l'étudiant italien de 24 ans. J’aurais certainement pesé plus lourd sur les épaules de mes parents si ces repas n’étaient pas là. » Une fois payé le loyer en cité universitaire de 580 euros, son budget est de fait plus limité pour finir le mois. Avant la mise en place du repas Crous, Antonio avait donc déjà eu recours à plusieurs banques alimentaires.
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Au début, Antonio n’était pourtant pas sûr de pouvoir bénéficier de ces aides. « On imaginait qu’elles étaient destinées à des étudiants plus en besoin que nous », explique-t-il. L’accueil chaleureux de La Croix rouge ou des Restos du Cœur l’ont tout de suite mis en confiance. « Il n’y a peut-être qu’à Linkee, où on était applaudi à la sortie, que je me suis senti mal à l’aise », s’amuse-t-il. Avec l’alternance qu’il a trouvé pour l’année prochaine, il espère sortir de la précarité. Mais beaucoup ne voient pas leur situation changée.
Une précarité étudiante en hausse
L’histoire d’Antonio est loin d’être isolée. Le fondateur de l'association de soutien aux étudiants Co’p1, Ulysse Guttmann-Faure, souligne ainsi que de plus en plus de nouveaux bénéficiaires toquent à la porte des association. « Huit étudiants sur dix n’avaient jamais eu recours à une aide alimentaire avant la rentrée 2020 » , précise-t-il. Son association, fondée en septembre de la même année, distribuait à la fin de l’année scolaire près de 15.000 paniers alimentaires par semaine. « Il y avait beaucoup de soulagement chez ces étudiants, qui, sans ces aides, arrêteraient leurs études ou s’arrêteraient de manger ».
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Ulysse Guttmann-Faure s’inquiète d'un retour à une situation instable à la rentrée. « Si jamais l’étudiant va deux fois par jour pendant un mois à la cantine du Crous, c’est quasiment 138 euros de perdus par rapport à l'année dernière. Pour beaucoup d’étudiants, cette somme représente une bascule ». Il avait d’ailleurs observé que le nombre de demandes augmentait moins vite lorsque le tarif à un euro avait été mis en place, en janvier dernier. « Chaque semaine on avait environ 50% de demandeurs en plus. A partir du moment où il est passé à un euro, ce taux est passé à 20%. » Certains étudiants ne venaient plus du tout, d’autres moins fréquemment. « Ils trouvaient un équilibre avec les repas à un euro, résume-t-il. Cet équilibre va être mis à mal à la rentrée. »
Quel avenir pour les étudiants non boursiers?
En choisissant de rétablir les tarifs précédents, le président n'a pas enclenché un « retour à la normale » mais un « retour en arrière », estime le chercheur spécialisé dans les politiques publiques pour la jeunesse Tom Chevalier. Il pointe notamment le fait que ces jeunes soient contraints de travailler à côté pour payer leurs études. « Près de 70% des étudiants ont une forme d'emploi rémunéré détaille-t-il. Or la période Covid a fait disparaitre une grosse partie de ces emplois ».
Un constat partagé par le président de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) Paul Mayaux : « C’est catastrophique déplore-t-il. On va encore voir des dizaines de milliers de jeunes aller à la banque alimentaire ». Une seule solution pour l'associatif : étendre le nombre de bénéficiaire des bourses et revaloriser son montant pour combler la hausse des prix des repas. « Les boursiers actuels ne sont pas les seuls en situation de précarité. Il faut poser les première pierres d’une refonte des critères sociaux ».
Mais les cantines du Crous n'ont pas qu'un avantage financier, comme le rappelle Laurence Champier, directrice fédérale de la FFBA. « C'est aussi un lieu de sociabilisation. Ces cantines sont essentielles dans un moment où les étudiants ont besoin de se retrouver. » Un retour qu'on espère au moins sans jauge ni restriction sanitaire.