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    AUX RACINES DU PORT D’ARMES AMERICAIN

     

    Le directeur général de la NRA Wayne Lapierre, le 26 avril 2019, à Indianapolis.

    Pourquoi est-il si difficile à la première puissance mondiale d'imposer le contrôle des armes sur son sol ? Tentons une réponse par l'histoire.

    Il est des scènes qui demeurent gravées dans la mémoire. Parmi elles, cette manifestation d'indécence de Donald Trump, avant son élection à la Maison Blanche, lorsque, gestuelle à l'appui, il osa annoncer que les terroristes de Daech auraient fait moins de victimes, au Bataclan, en novembre 2015, si le spectateurs du concert avaient tous été autorisés à porter une arme... Sidérant !

    Dans son nouveau - et non moins remarquable - essai, La Nation armée, l'historien et américaniste André Kaspi évoque cette scène stupéfiante. La colère qu'ont éprouvée de nombreux Français après cette saillie n'a pourtant, jusqu'ici, que très peu participé à inverser la donne relative aux armes en accès libre au pays de Jefferson et de Lincoln. Quand bien même que les consciences s'éveillent ici ou là, le foisonnement des fusillades, notamment en milieu adolescent, et scolaire, mais hélas à pas comptés. Le fondement en est historiquement déterminante : la liberté d'être armé est garantie aux citoyens de l'Union par le célèbre Deuxième amendement, dont il faut se remémorer la genèse. 

    La longue marche vers la liberté

    Nous sommes en 1791. Les Etats-Unis, ne ressemblaient alors pas aux Etats-Unis d'aujourd'hui. L’indépendance obtenue et, au terme de controverses à la fois juridiques et politiques, avaient enfin adopté une Constitution fédérale. Il nous faut visiter les Archives nationales de Washington. Pour y découvrir, à son côté, trois reliques patriotiques, dûment conservées à l'abri d'une vitrine en verre : la Déclaration d'Indépendance (1776), la Constitution, le Bill of Rights (charte des droits). Ces archives, qui ont échappé in extremis à la destruction, forment les trois piliers de l'histoire nationale. Venir les contempler, pour chaque Américain, c'est cimenter son sentiment d'appartenance. Retremper à la source sa "proudness", autrement dit la fierté que lui inspire son américanité. En 1776, aux premiers jours de l'été, lorsque les sujets de Sa Majesté britannique au Nouveau Monde professent à la face de l'univers leur indépendance et le droit inaliénable de chaque homme à rechercher le bonheur (the Pursuit of Happiness), ils ne sont qu'au début de leurs ennuis. Et de leur âpre combat. 

    Seize longues années vont suivre, pendant lesquelles ils vont notamment subir le pilonnage des mercenaires hessois que la Grande-Bretagne leur réserve. Sans l'aide des Français Rochambeau (Jean-Baptiste-Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, né le 1er juillet1725 à Vendôme et mort le 10 mai 1807 à Thoré-la-Rochette (Loir-et-Cher), est un général français. Il s'illustre à la tête du corps expéditionnaire français lors de la guerre d'indépendance des États-Unis (1775-1783). Il termine sa carrière militaire avec la dignité de maréchal de France) et La Fayette (Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, dit « La Fayette », né le 6 septembre 1757 au château de Chavaniac, paroisse de Saint-Georges-d'Aurac (province d'Auvergne) et mort le 20 mai 1834 à Paris), est un noble d'orientation libérale, officier et homme politique français et américain. Convaincu que la cause des insurgés américains est noble, il s'engage dans leur guerre révolutionnaire en 1777, à la recherche de la gloire. Nommé général par George Washington à l'âge de 19 ans, La Fayette joue un rôle décisif aux côtés des Américains dans leur guerre d'indépendance contre le pouvoir colonial britannique et en particulier lors de la victoire de Yorktown le 19 octobre 1781. La Fayette œuvre également à l'émergence en France d'un pouvoir royal moderne, avant de devenir une personnalité de la Révolution française (1789) jusqu'à son émigration, son arrestation et sa mise en prison pour cinq ans en 1792. La Fayette est aussi un acteur politique majeur des débuts de la monarchie de Juillet. Surnommé le « héros des deux mondes », il est l'un des huit citoyens d'honneur des États-UnisAprès la révolution de 1789, La Fayette décide de signer tous ses courriers d'un « Lafayette » en un seul mot, en réaction contre le système nobiliaire. C'est aussi la graphie utilisée par ses contemporains jusqu'à sa mort), ils n'auraient pas pu contenir cette poussée hostile. Le mois d'octobre 1781 voit la reddition du tuteur britannique. Composée initialement de 13 Républiques, la Confédération est le théâtre d'une confrontation où les plus petits Etats (à l'instar du Massachusetts, avec Boston) arrachent aux plus grands le "principe d'une voix par Etat". Et, c'est avec promptitude, en quelques semaines de l'été 1787, que les 55 délégués réunis en conclave se mettent d'accord sur un texte constitutionnel. Mais attention : le conflit politique autour de l'adoption de ce texte ne fait que commencer. Il met aux prises, fédéralistes et antifédéralistes. 

    Les fédéralistes (ou nationalistes) sont les partisans de la Constitution en l'état. Les antifédéralistes, eux, sont vent debout contre un texte qui, à leurs yeux, abjure les principes chers à Montesquieu (L'Esprit des lois). Pour eux, "un gouvernement républicain convient à un petit territoire et ne saurait s'étendre à l'ensemble des Etats-Unis". 

    Comment trouver un terrain d'entente, un compromis ? "James Madison (James Madison, Jr., né le 16 mars 1751 à Port Conway (Colonie de Virginie) et mort le 28 juin 1836 à Orange (Virginie), est un homme d'État américain, quatrième président des États-Unis en poste de 1809 à 1817. Délégué de la Virginie au Congrès continental, il est l'un des Pères fondateurs des États-Unis. Il est considéré comme l’un des principaux auteurs de la Constitution ; Madison s'occupa en particulier de l’équilibre entre les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif et de la déclaration des Droits. Il a succédé à Thomas Jefferson en tant que secrétaire d'État fédéral en 1801 avant d’être élu à la présidence sept ans plus tard. Il fut par ailleurs proclamé citoyen français par l’Assemblée nationale législative en 1792), un Virginien influent jouissant de la confiance de Washington et de Jefferson milite pour faire entériner la Constitution. Pour ce dessein, il s'attelle à la tâche de convaincre les antifédéralistes, bien qu'il ne partage pas leurs appréhensions. Il s'inspire de la déclaration virginienne pour proposer des amendements. Le but : assurer l'unité nationale. C'est alors que, de façon nullement anodine, cinq Etats, dont le Massachusetts et la Virginie, proposent un amendement en faveur du droit de chaque citoyen au port d'armes, afin d'assurer leur défense et celle de l'Etat. Il faut se replacer dans un temps où la police est embryonnaire, ce qui délègue à chacun la tâche d'assurer la sécurité de son bassin de vie local, le plus souvent rural. Le droit à détenir et à porter des armes est alors conçu, comme un droit naturel qui ne suscite aucune polémique. Les us et coutumes ont, toujours, des racines historiques profondes. La préférence américaine pour le port d'armes n'y déroge pas. Et ce trait explique également que, jusqu'à une date récente, le Deuxième amendement n'a été ni contesté ni véritablement discuté. 

    La Cour suprême s'implique

    Mais, forte de son poids constitutionnel accru, la Cour suprême s'est néanmoins ressaisie, il y a une décennie, de ce vieux dossier. C'est en 2008 qu'elle "a rendu un arrêt d'une importance capitale sur les armes à feu". Son auteur : le juge Antonin Scalia (Antonin Gregory Scalia, né le 11 mars 1936 à Trenton au New Jersey, et mort le 13 février 2016 près de Marfa au Texas, est un juge de la Cour suprême des États-Unis. Titulaire de cette fonction de 1986 à sa mort en 2016, il est le doyen de la Cour au moment de son décès. Il est partisan de l'école de jurisprudence américaine originaliste qui soutient que la Constitution doit être interprétée conformément à son sens originel à l'époque de son adoption. Cette doctrine a fait de Scalia l'un des juges les plus conservateurs de la Cour). Que nous dit, pour Scalia, le Deuxième amendement ? "Le premier membre de la formulation fait référence à "une milice bien ordonnée nécessaire à la sécurité d'un Etat libre. Voilà qui a perdu de son importance. Reste la seconde moitié de la phrase : "Le peuple, c'est l'ensemble des Américains, chacun d'entre eux étant pris séparément, disposant pleinement des droits qui sont énumérés. Donc le Deuxième amendement concerne chaque Américain, individuellement. Conclusion, pour Scalia : "L'amendement accorde à chaque individu le droit de détenir et de porter au sens strict du terme des armes ; c'est un droit individuel, qui n'a rien à voir avec l'armement de la milice. Ainsi entre 2010 et 2013, la Cour Suprême a-t-elle étendu à tous les Etats son application. Et pendant ce temps, le Deuxième amendement s'est mué en "une sorte de vérité intemporelle, la référence essentielle de ceux qui défendent la détention des armes à feu". Pire, son invocation est "une protection intangible contre toute réforme". Ahurissant.

    Dans le débat interne à la Cour, un autre juge, Stephen Breyer (Stephen Gerald Breyer, né le 15 août 1938 à San Francisco, est un juriste américain, juge à la Cour suprême des États-Unis depuis 1994. Nommé par le président Bill Clinton, il fait actuellement partie du quatuor progressiste de la Cour suprême aux côtés de Ruth Bader Ginsburg, Sonia Sotomayor et Elena Kagan. Il est auparavant juge à la cour d'appel des États-Unis pour le premier circuit, à partir de 1980 et sa nomination par Jimmy Carter. Il préside l'instance de 1990 à 1994), avait pour sa part défendu le droit individuel au port d'armes tout en demandant qu'on s'interroge sur "son application et ses limites". C'est précisément ce que le puissant lobby des armes à feu refuse. - et assez inquiétante - galaxie des pro-guns. Direction le musée de la National Rifle Association, la fameuse NRA, à quelques encablures du centre de Washington. Un lieu, " imbibé de la culture des armes à feu". 

    Le difficile contrôle des armes. Plus que jamais, les Américains sont divisés. Fracturés par cette question. Jusqu'à la haine. Le "gap" entre pro- et antiguns surclasse largement en acuité celui qui existe entre les démocrates et les républicains. Au musée de la NRA, on refourgue à chaque visiteur une documentation de "sensibilisation" où abondent les réconfortants exemples d'honnêtes gens qui ont réussi à mettre en déroute leur agresseur, grâce à l'arme qu'ils abritaient discrètement dans la poche de leur veste ; chez les antiguns, malgré le soutien notable d'un Barack Obama, on peine encore à combattre "à armes égales" la propagande

    huilée de la NRA. Dernièrement, les partisans du contrôle dénoncent ce bump stock, cet accessoire d'armurerie qui transmue une arme semi-automatique, comme l'AR 15, en arme automatique, et si facile à acquérir. Néanmoins d’aucun ne se résigne pas. Il faut rester prudent, mais espérons que le programme des antiguns pourrait finir par remporter l'adhésion d'une majorité d'Américains. La récurrence horrifique des fusillades de masse qui endeuillent le pays commence à faire - un peu - bouger les esprits, même les plus attachés à une interprétation extensive du Deuxième amendement. 

    Reste une interrogation formuler, il y a plusieurs décennies, par le grand historien Richard Hofstadter (Né à Buffalo le 6 août 1916 et mort à New York le 24 octobre 1970, est un historien américain, professeur à l'université Columbia. Il a obtenu à deux reprises le prix Pulitzer : en 1955, le prix Pulitzer d'histoire pour son livre The Age of Reform et le prix Pulitzer de l'essai pour Anti-Intellectualism in American Life en 1964), si actuelle : "Pourquoi, parmi les nations industrielles de notre temps, les Etats-Unis s'accrochent-ils à l'idée que l'accès, répandu et sans limites, aux armes est, pour une population urbaine, acceptable et sans danger ?" Oui : pourquoi ? 

     


  • On ne s'attendait guère à quelque chose d'extraordinaire en recevant, à l'approche des élections, la fameuse enveloppe contenant les tracts publicitaires préparés par les candidats aux élections européennes. Beaucoup l'ont d'ailleurs déjà remarqué et constaté. En revanche peu on souligné à quel point l'hypocrisie, l'auto-contradiction et l'agressivité déplacée ont été poussées à des niveaux dépassant l'entendement chez les plus institués. C'est pourquoi, ayant fait un effort de lecture, je me propose de vous faire un résumé des morceaux choisis puisés directement dans les tracts des principaux concurrents « mainstream » et aussi de certains de leurs faire-valoir, soi disant opposants.

    La palme de l'hypocrisie qui mériterait un prix de renommée mondiale revient à Raphaël Glucksmann pour « Envie d'Europe écologique et sociale ». Il peut être à lui seul la synthèse de toute la gauche caviar, bobo et néolibérale, mondialiste jusqu'au bout des ongles, antiprotectionniste, adoratrice du libre échange et américanolâtre (en théorie jusqu'à l'arrivée de Trump qui est simplement trop « cash » pour la mission) et ceci jusqu'au soutien indéfectible, même s'il s'agit de soutenir n'importe quelle opération perverse de destruction des états. Hollande nous en a fait la parfaite démonstration, ne l'oublions pas. Tout y était, et on ne s'étonne donc pas que le PS fasse partie de l'alliance. Jusqu'ici rien de surprenant, mais le pire arrive. Citons quelques extraits qui vont nous emporter jusqu'à l'incroyable. Car oui, je l'ai bien lu et même entouré, c'est en première page : « Il est temps de rompre avec les dogmes du libre échange », une phrase que l'intéressé ou n'importe quel encarté PS (de Hollande lui-même jusqu'au militant moyen) aurait dénoncée comme un discours honteusement nationaliste, égoïste, et je vous passe « les heures sombres de l'histoire ». Hollande avait d'ailleurs cette fois clairement mis les points sur les « i » avant son élection [1]. Mais tout comme avec Macron, les électeurs n'entendent que ce qu'ils ont envie d'entendre et se bouchent les oreilles quand ça risque de les décevoir, se raccrochant à leur rêve du changement illusoire et de la nouveauté. Mais avec Glucksmann on ne s'arrête pas là dans le retournement de veste et de pantalon. Il vient de découvrir que l'Union Européenne est « dénaturée par les lobbies ». Certes il ne peut tout de même pas reconnaître que ce sont ces lobbies eux-mêmes qui ont oeuvré pour sa construction, mais ce sera peut-être pour le tract des prochaines européennes, après quelques années de continuation de son petit travail de télégraphiste de Washington et de chantre de la destruction des nations. La seconde page du tract, quant à elle, ne nous laisse pas souffler : Tout ce que les affreux « populistes » ont réclamé depuis des années est sur le tract, à l'exception de cette béatitude immigrationniste qui permet de conserver le label politiquement correct. Elle a pourtant été affichée cette fois de façon bien plus modérée, on se demande pourquoi... Il lui a fallu aussi garder le thème de l'ennemi extérieur qui servira comme causes à vos malheurs. Ici ce n'est plus simplement la fixation russophobe qui prévaut : Trump et Xi Jinping sont aussi invités au bal des ennemis, dès les premières lignes du tract. Le Napoléon des temps modernes qui va offrir la civilisation aux peuples du monde n'est pas loin. La marque de fabrique profonde reste donc là, montrant que tout le reste n'est que feinte. La chanson de Dutronc n'est ici plus une caricature. Bientôt il faudra peut-être la prendre même au sens propre ! Et que ceux qui croient à un véritable changement d'opinion de l'intéressé se réveillent un peu, sinon ils finiront par réélire Macron aux prochaines présidentielles après avoir manifesté pendant trente samedis !

    Parmi les gros poissons qui se réveillent tout à coup en opposants alors que Macron leur a aussi volé la moitié de leur programme (l'autre moitié venant du PS), il y a bien entendu « les républicains ». Eux aussi veulent bien entendu « refonder l'Europe » car cette courte phrase sonne comme une poésie idéale pour contenter tout le monde. Mais là où l'on vire littéralement dans le style Pompeo après avoir aperçu les visages souriants, c'est seulement quelques lignes plus loin : « Face à la Chine, face à l'islamisme » suivi de divers fléaux qui nous menacent, certains réellement, d'autres supposément. Notons que cette fois le rôle de l'ogre extérieur n'est plus joué par la Russie, je souffle un peu. Mais là aussi l'hypocrisie est sans bornes. Lorsqu'un protectionniste comme moi lit de telles choses de la part de personnes qui depuis près de trente ans crachent sur lui, il lui vient une irrésistible envie de saisir le tract pour se torcher avec. Mais je ne voudrais pas contracter quelque infection donc je m'abstiens. Nous voici ainsi sujets à une véritable tentation vers la paranoïa aigüe : Sont-ils à ce point débiles ou tout a-t-il finalement été fait exprès ? Il était évident que la Chine, en toute légitimité, profiterait de l'occasion des délocalisations occidentales pour accéder à l'indépendance technologique en attendant que le transfert du travail de nos gueux soit suivi par celui du travail de nos « innovateurs », cette race si spécifique qui soi disant n'existait que dans les pays occidentaux. Les états agissent selon leurs intérêts et la faute est donc à 100 % imputable à ceux qui ont gouverné l'UE et les USA contre les intérêts de leurs propres citoyens. Mais le mouton suit, tant qu'à court terme on peut lui donner une impression de prospérité en endettant le pays. Et quand on ne peut plus on dit qu'on a changé d'avis. C'est même pire que ça : On fait mine de ne jamais avoir eu l'avis contraire auparavant. Ainsi, là aussi, la rhétorique presque guerrière s'accompagne de fausses envies de protectionnisme. Mais les républicains savent moins retourner leur pantalon que Glucksman, ils sont encore douillets. Leur litanie en seconde page ne convainc donc personne, et même pas eux-mêmes car ça se voit. Aucune vraie mesure protectionniste (qui serait donc interdite par l'UE) ne peut être extraite de ce gloubi-boulga où on ne pèche que des « accorder la préférence » ou choses du même acabit. Mais là où je ris jaune, c'est quand je vois les « républicains » tenter de se redonner une image de traditionnalistes (conservateurs au sens non économique), quitte à faire comme le vilain-pas-beau Viktor Orban en « inscrivant nos racines judéo-chrétiennes dans les traités ». A l'époque où Orban avait fait simplement ajouter une phrase se référant à Dieu et sans conséquences pratiques dans sa constitution, je n'avais pourtant pas vu de « républicains » venir le défendre face à la horde de bobos et jacobins venus nous donner un os à ronger dans notre presse. Bizarre bizarre... On pourra par ailleurs noter que toutes les choses naturellement évidentes qui sont avancées dans le tract ne sont que la stricte application de lois qui existent déjà mais ne sont simplement pas appliquées pour des raisons approuvées par tous les partis politiquement corrects, y compris les « républicains ».

    Aussi, bien sûr, tout le monde l'attend... ou plutôt pas : C'est la liste de « En Marche » ou encore mieux : « Renaissance » ! Je ne m'attarderais pas sur l'aspect ridicule de la présentation car d'autres l'ont déjà fait abondamment. Je ne m'attarderais pas non plus sur la constatation de cette sorte de persévérance qu'ont les candidats LREM à faire semblant de croire qu'ils sont crus en répétant toujours les mêmes poncifs européistes, en appliquant les mêmes méthodes Coué, etc. Finalement c'est le tract le moins surprenant car ils sont restés égaux à eux-mêmes. Comme les autres listes, « renaissance » se découvre bien entendu écologique. Si on est dit « de gauche » on « met de l'argent » pour l'écologie. Si on est dit « de droite » on « favorise l'investissement » pour l'écologie. Bref, jamais grand-chose d'écologique au final et surtout du greenwashing, alors que les partis officiellement écologistes s'occupent en première priorité d'immigration, de LGBT, de politiques du logement, etc... Il est donc normal que les héritiers de la concrétisation de ce qu'on appelait autrefois l'UMPS jouent de la même manière sur tout et son contraire, saupoudrant le sociétal branché, les promesses économiques bidon et les marronniers habituels comme « tirer les droits des femmes vers le haut » et « le climat » (car finalement on a déjà oublié que le problème écologique numéro un est la pollution, mais bon). L'armée européenne revient en force, même si ça ne plait pas aux USA qui voudraient plutôt une filiale européenne de l'OTAN et non une armée européenne. Mais une fois la dite armée en place il suffira de donner le manche. Simple procédure administrative ! On ne m'enlèvera d'ailleurs pas de l'idée que le soutien des gilets jaunes par les médias mainstream (quoiqu'on en dise, je n'en démordrais pas) n'était pas une prise de conscience mais un avertissement à Macron de la part de ses copains dont une bonne partie gravite dans les cercles de la FAF.

    Mais, me direz vous, nous sommes loin d'avoir fait le tour et je n'ai pas encore abordé la galaxie de la gauche « dure » ou « radicale ». En tête nous avons notre Syriza français : LFI. Finalement pas aussi internationalement belliqueux que les précédents cités, c'est au moins l'avantage, mais toujours dans la posture « on va désobéir mais on va rester » qui fait vite place à « on va désobéir mais juste un peu, pas trop ». La leçon grecque a déjà été pour nous une parfaite illustration. Dans ce contexte, comme en Grèce, l'obtention du label « gauche radicale » ne pourra être réalisée que par la mise en place de ce qui est toléré par les néolibéraux et la gauche caviar : la persécution de l'Église, les chipotages sur le concordat d'Alsace, et l'immigrationnisme de masse. Rien de plus. Je ne suis même pas sûr que la politique internationale de la France puisse vraiment changer dans de telles conditions. L'art de l'esquive à l'aide de talents oratoires peut parfois faire espérer beaucoup trop aux auditeurs. N'est pas encore né celui qui, comme Mélenchon, parviendra à répondre sans choquer en abordant le concordat d'Alsace quand on lui pose une question à propos du terrorisme ! Le tract est donc relativement sans surprises. On ne peut pas dire que c'est du retournement de veste mais ça s'apparenterait plutôt à une liste au père Noël.

    Mais alors, me direz vous, il y a la « vraie gauche radicale », dispersée au point qu'on redécouvre grâce à cette enveloppe qu'il en existe encore tant de variantes. Par exemple un PCF polymorphe qui se rangera bientôt du côté du parti « label gauche » le plus vendeur, selon la tradition française des 40 dernières années, mais aussi des spin-off du PS qui auront au moins un rôle positif : Celui de lui siphonner les dernières voix qui lui restent jusqu'à disparition. Là aussi, sans surprise, que des lettres au père Noël : Je veux être bien payé, que les produits que j'achète soient bon marché (donc implicitement faits ailleurs), continuer à acheter et jeter un tas de trucs sans polluer, voire ne pas travailler du tout en me faisant payer un « RU », façon Hammon, par des riches qui ne spéculent plus et ne délocalisent plus (donc tirant leurs revenus de quoi ici ?) car ils auront été ramenés comme par magie à la sagesse, au nom de l'Europe sociale et en conformité avec les GOPE. Mais après cette petite fumette passagère je n'ai pas fait le tour de toute la galaxie « gauche radicale » : Il nous reste les authentiques trotskystes, avec la fameuse Nathalie Arthaud qui va nous libérer du grand capital. Comment ? Et bien, si on commence la lecture du tract par le début on suppose que le plus important vient en premier, alors je cite la seconde ligne : « pour les femmes, (il n'y a) même pas la généralisation du droit à l'IVG ! » Ouaouh... ça c'est l'avancée sociale que des milliers de gens réclament tous les samedis ! Si vous ne l'avez pas entendue c'est juste parce-qu'ils crient trop fort ! Décidément les trotskystes seront toujours complètement à côté de la plaque. Là-dessus on ne peut d'ailleurs pas dire qu'ils retournent leur veste comme Glucksman. Le fond comme la forme restent bel et bien trotskystes : « Mais nous ne sommes pas de ceux qui vantent le repli national. Les frontières ne protègent pas les travailleurs ». Notons, pour ceux qui douteraient, le mot « frontière » inclut ici tous ses sens possibles à la lecture de l'ensemble : Régulation du commerce, immigration et même définition des pays. Malgré cela nous avons droit à une liste d'exigences qui ne sont plus une lettre au père Noël mais une oukase au père Noël sous menace d'exécution, le tout s'appliquant paradoxalement dans un espace de libre échange absolu. N'oublions pas que c'est le programme original de Trotsky lui-même, ce bourgeois europhile qui s'évertua avec grande joie à détruire en un temps record l'économie, l'industrie et l'agriculture de son pays pourtant déjà devenu l'URSS conformément à ses souhaits, y accentuant encore plus le chaos sanglant déjà amorcé. Ceci jusqu'à ce que ses « collègues » se rendent compte que la mise en place d'un quelconque état ne pouvait reposer sur de tels non-sens. Il est à remarquer que même les tyrans commettent parfois, par chance, de bonnes actions. Ce fut le cas pour Staline lorsqu'il décida d'offrir à Trotsky une fin à son niveau. Hélas, ce fut trop tard pour éviter la propagation de cette gangrène du trotskysme dans le monde, soit sous la forme du mondialisme moderne (la mutation néolibérale) qui sert souvent à dissimuler les hégémonies traditionnelles, soit sous celle du trotskysme revendiqué d'origine (néanmoins tout aussi paradoxal dans ses principes) et qui, lui aussi, courtise les gilets jaunes.

    Enfin, les pseudo-souverainistes éparpillés se multipliant, ces derniers n'échapperont certes pas à un paragraphe. Tout le monde sait maintenant que le RN est rentré dans le dit « système » en abandonnant toute idée de Frexit. C'est un peu maintenant comme les « républicains » mais avec tout de même la rhétorique guerrière à l'international en moins. Oui, c'est bête à dire mais le RN c'est maintenant « les républicains » en plus tendre, ce qui pourrait au passage expliquer le ralliement plutôt compréhensible de Mariani lasé par trop de russophobie. Mais on obtient néanmoins la même lettre au père Noël que les autres, moins remplie de paradoxes mais donnant tout de même l'impression qu'ils se sont tous copiés. Là aussi, pas de mesures concrètes donnant l'idée d'une once de preuve de la possibilité de réalisation de ces promesses sans frexit. J'ai longtemps refusé la comparaison mais il est vrai désormais que si le RN était immigrationniste et bouffeur de curés ce serait la FI. Et ceci du simple fait qu'ils ne sont pas décidés à sortir de l'UE, rendant ainsi toutes leurs promesses irréalisables. Certains rétorqueront que d'autres choix souverainistes existent, mais il y a hélas bien trop de faux souverainistes dans la course garantissant ainsi l'échec total des rares persévérants et la conservation du pouvoir par tous les néolibéraux bien institués. J'aurais bien voulu croire Philippot s'il ne faisait pas campagne en se présentant à côté d'un gilet plus ou moins jaune qui, quelques jours avant, affirmait lui-même que Philippot se « trompait de scrutin » [2] en promouvant le frexit ! Pour le reste on demeure dans le ton : Promesses du père Noël, moins de taxes et plus de social, plutôt que la présentation sérieuse des étapes d'un frexit, du but à atteindre, des enjeux mais aussi de ses contraintes. Je connais trop de consommateurs compulsifs et d'hédonistes exigeants qui se prennent pour des marxistes ou des écologistes, alors pour les frexiters ça pourrait parfois être un peu pareil, qui sait... C'est peut-être la cas de Nicolas Dupont-Aignan qui n'évoque même plus clairement une sortie de l'UE mais se limite à des « défendons, défendons » sans jamais préciser concrètement par quel moyen. Girouettes trop peu crédibles que tous ceux-là, même s'ils savent constater des évidences. Et cependant celui qui récoltera probablement le moins de voix sera encore celui qui était plus cohérent. La politique c'est comme le show business : Si les radios et les télés ne vous diffusent pas pour vous « lancer », vous resterez animateur de fêtes du village, peu importe votre talent. Ainsi, Asselineau, même s'il a aussi tendance, dans une bien moindre mesure, à écrire une lettre au père Noël, fait l'effort de présenter comment son groupe pourrait intervenir à son niveau et avec ses moyens au sein de l'institution existante. Il mentionne aussi clairement la notion de frexit et de ce qui l'accompagne inévitablement : Autonomie monétaire et sortie de l'OTAN. Mais je vous parie que dimanche soir il se ramasse encore un 0,2 %, ce après quoi on me dira de me préoccuper de ce qui se passe le samedi dans les grandes villes... Je vais finir par l'oublier...

    Liens en annexe :

    [1] https://youtu.be/ToZaNoyMQ5o?t=17

    [2] https://youtu.be/BSeyBuzeHdA?t=1717